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Entretien | Gonzague de la Tournelle & Nicolas Reynaud, W3I. « Le temps et l’usage jouent en faveur de la blockchain : le potentiel de scalabilité est sans limite »

Ensemble, ils ont choisi, dès 2018, d’initier l’aventure W3I, un fonds VC spécialisé épaulant des startups comme Absolute Labs ou encore Amini, Zengo ou Fluent.
Ensemble, ils ont décidé de lancer W3index, un index de sociétés d’infrastructures dédiées à la blockchain.
Ensemble, ils ont fait le tri entre 400 entreprises, engagé des investissements sur une douzaine de structures, puis se sont intéressés à une vingtaine de sociétés d’infrastructures.
Ensemble, ils ont décidé des modalités à offrir à leurs investisseurs : 125 000 dollars min, la possibilité de partir à tout moment (et sans pénalité après 12 mois) et ce, afin de faire bénéficier d’une certaine liquidité à des institutionnels, pas forcément coutumiers du WEB3.
Ensemble ? c’est Gonzague de La Tournelle, Nicolas Reynaud, Tim Stevenson et, désormais, la société de gestion, Caibuo Capital, basée au Luxembourg.

Le temps d’un café, on a eu tout loisir d’échanger avec Gonzague et Nicolas sur leur parcours et leurs motivations à offrir une exposition au WEB3 à des investisseurs peut-être, peu rompus à la blockchain. Le tout, sur fond de bear market et autre « chasse aux sorcières » aromatisés au bouillon FTX.
Et si, Gonzague de la Tournelle a fait ses armes entrepreneuriales notamment en co-fondant l’adtech, Madvertise puis, en rejoignant le fonds d'investissement TGV au capital - entre autres - de The Sandbox et d’Animoca, Nicolas Reynaud est un quasi pur produit du marketing appliqué au retail de la mode.
Issu du monde du consulting, il a officié en tant que DG de l’Officiel (Editions Jalou), avant de travailler pour les magasins US, Sears puis, pour le Family office de la famille Mulliez. Quant à Tim, c’est le mathématicien de la bande.
Rencontre avec deux de ces trois amis de longue date qui ont choisi de professionnaliser, ensemble, leur fascination pour la technologie blockchain.

Propos recueillis par Anne-Laure ALLAIN


Spécialiste de l’Adtech, vous êtes aussi, Gonzague, Associé d’un fonds – TGV – qui s’est fait connaître via des participations dans le WEB3 comme The Sandbox ou Animoca, pouvez-vous nous en dire un peu sur vos débuts, et nous expliquer comment la blockchain est arrivée dans votre parcours ?

Gonzague de la Tournelle et Nicolas Reynaud
Gonzague de la Tournelle et Nicolas Reynaud
Gonzague de la Tournelle : J’ai, comme beaucoup, commencé dans le WEB2. Et, je travaillais chez AOL lorsque Nokia qui était un des géants du mobile, est venu me chercher pour créer un adnetwork afin déployer de la publicité via ses téléphones.
Quand en 2009, Nokia décide d’arrêter l’aventure, je spin-off l’activité pour la reprendre à mon compte et je crée Madvertise qui, à cette époque, représente déjà 3-4 millions d’euros de chiffre d'affaires.
En 2012, je suis approché par des financiers qui souhaitent fusionner des activités similaires dans l’Adtech et, introduire le nouvel ensemble en bourse. Je les suis dans cette aventure et aujourd’hui, le groupe coté sur Euronext, réalise 20 millions de CA (NDLR : Madvertise est devenue Metadvertise puis Sirius Media, EBE = 6,5 millions S1 2023 ).
Je quitte progressivement mes fonctions opérationnelles de l’entreprise et, en parallèle, j’amorce des activités de Business Angel qui me conduiront à intégrer réseau 50Partners.
En 2017, alors que je suis au Cannes Lions (Awards de la créa/pub), des Américains me parlent du Bitcoin, j’investis un peu par curiosité, pour le jeu alors que nous sommes en plein "bull run". Mais cela m’amuse de découvrir une nouvelle philosophie, une nouvelle technologie et je commence à m’intéresser aux sujets crypto, blockchain.

Etre intéressé, intrigué, est une chose, mais de là à devenir investisseur, à en faire un métier… Comment avez-vous franchi le cap ?

Gonzague de la Tournelle : Plusieurs choses sont arrivées en parallèle. D’un côté, je suis approché par un fonds d’entrepreneurs basé à Singapour, TGV (True Global Ventures). Piloté par une quarantaine d’Associés, nous décidons ensemble d’investir un montant de 14 millions de dollars dans quatre pépites dont The SandBox et Animoca. Des petites boites du web3 (rires).
Ces investissements vont nous permettre de relever 100 millions. Aujourd’hui, TGV 4 Plus (la dernière génération du fonds) se concentre sur du late stage en minoritaire et uniquement sur des entreprises Web3. Nous mettons des tickets entre 3 et 10 millions dans des sociétés comme Ledger, Coinhouse, Quantum Rock. Je fais cela en même temps que mes activités de BA où là, je suis confronté à de très petites entreprises, au démarrage, qui proposent d’investir à la fois en equity et en token. De ce fait, je me forge une assez solide vision de l’éco-système blockchain.
Et, de l’autre côté, il y a notre amitié de longue date avec Nicolas (Reynaud). Il venait de revenir en France avec sa famille et, nous échangeons sur nos premiers investissements, nos convictions, nos visions… Là, nous nous rendons compte que Tim Stevenson, que je connais par un autre biais - un vrai matheux rompu à la finance - est le cousin de l’épouse de Nicolas (Rires)…
Nous décidons assez naturellement de nous unir pour investir ensemble. Des proches souhaitent alors nous rejoindre. Et, c’est ainsi, que nous constituons W3I, notre VC.

Et vous, Nicolas Reynaud, comment votre parcours vous a-t-il conduit à rencontrer les technologies WEB3 ?

Nicolas Reynaud : Quelle que soit l’aventure que j’accompagnais, le cœur de mon savoir-faire professionnel a toujours été la transformation digitale. J’ai commencé dans des grands cabinets, dans le conseil aux organisations.
En 2003, je passe d’Accenture à WPP et, parmi mes clients, j’ai le CEO d’H&M qui est sur le point de prendre la direction générale de l’enseigne de prêt-à-porter britannique, New Look. Il me propose de prendre la direction marketing du groupe hors UK.
Dès l’ouverture du flagship français à Paris en 2009, je vais m’intéresser à certaines technologies "Drive-to-Store" dont, notamment, un système de bons de réduction sous forme de QR code s’appuyant sur une technologie fournie par l’entreprise de Gonzague (rires).
En 2011, je rentre à Paris pour prendre la Direction Générale du magazine l’Officiel (Éditions Jalou). Mais j’ai besoin de revenir à ce que je sais faire le mieux : le marketing digital appliqué au retail. Je suis approché par ESL Investments, le hedge fund d’Eddie Lampert, qui me confie la direction marketing du segment mode des magasins US, Sears (siège à San Francisco). Puis, en 2017, c’est le family office de la famille Mulliez, Mobilis, qui souhaite que je les rejoigne via une structure naissante basée à Los Angeles - FashionCube - destiné à re-penser pour l’Association Familiale Mulliez, les stratégies retail mode de demain, sous la direction de Jean-Christophe Garbino (NDLR : ex-DG de Kiabi qui a racheté l'enseigne Grains de Malice en juin 2023 aux côtés de Philippe Ginestet, fondateur de Gifi).
Et, c’est justement en 2017 que je commence à m’intéresser à la crypto, notamment parce que je rencontre les fondateurs de Voyager, un des premiers Exchanges à se lancer au monde (NDLR : en 2021 Voyager revendiquait 1,75 million d'utilisateurs après le rachat de Coinify. La structure a fait faillite l’an dernier) et j’en deviens autant Business Angel qu’Operating Partner…
La passion blockchain est née comme cela.

Même question qu’à Gonzague : de la Love Money à la constitution d’un VC, il y a quand même un gap, qu’est-ce qui vous pousse à franchir ce "fossé" et vous motive à vous concentrer sur les « Pelles et les pioches » de la technologie plutôt que sur ses « coins vitrines » comme les crypto ou des NFT, alors à la mode ?

Nicolas Reynaud : Mais je vais m’intéresser à la partie « à la mode » ! (Rires).
En rentrant en France en 2021, et grâce à l’aventure Voyager, je suis identifié parmi les investisseurs du WEB3 et, forcément, je regarde en particulier du côté des market-places de NFT.
Par exemple, je suis dans l’équipe fondatrice de LaCollection.io qui a levé 10 millions d’euros auprès d’investisseurs de renom (Aglaé, Alven, Motier Ventures, Sorare, Ledger…) pour faire des NFT à partir, entre autres, de la collection du British Museum.
Assez rapidement, je me rends compte que l’important dans un NFT, ce n’est pas sa possession mais son utilité. D’où, mon investissement dans Particle, une start-up US qui a notamment, tokenisé un tableau de Banksy. Le Token devient le titre de propriété partagée du tableau IRL (vote sur le prêt à un musée…).
Tout cela, se déroule en parallèle des échanges sporadiques et, de plus en plus formels, avec Gonzague et Tim. Et, au cours de tout cela, nous nous accordons en particulier sur la valeur de la technologie blockchain dans ce qu’elle a d’utile.

Vos expériences conjuguées, vos convictions forgées de concert, vous lancez donc votre VC - W3I – pouvez-vous nous donner sa feuille de route ?

Liste des Participations W3I Fund
Liste des Participations W3I Fund
Gonzague de la Tournelle : W3I, c’est avant tout 3 personnes : nous deux et Tim Stevenson à Londres. Aujourd’hui, nous avons 8 millions d’euros déployés via 12 participations au sein desquelles nous avons investi souvent en mixte : equity et tokens.
Ces 12 entreprises ont été sélectionnées après étude de quelque 400 dossiers relevant de nos trois verticales : la DeFi, le divertissement notamment via le gaming et les infrastructures qui soutiennent l’écosystème.
Nos convictions concernant la force des infrastructures blockchain se sont renforcées en entonnoir, forts de notre expérience de Business Angels. Au fur et à mesure de l’étude de ces dossiers, il est devenu évident que cela devait être le cœur de notre engagement.
Comme tout VC, nous évaluons le business model, la personnalité du dirigeant et son aptitude à opérer un pivot si nécessaire. Mais nous passons aussi beaucoup de temps à étudier les « Tokenomics », c’est-à-dire l’économie potentielle autour du token. Dans l’économie de la structure, nous insistons pour que ce token ait une vraie valeur. Une utilité soit, en opérant des nœuds soit, en outil de transaction.

Si nous reprenons le parallèle avec le WEB2, lors de l’éclatement de la bulle, il y a quand même eu beaucoup d’écrémage : comment éviter cela dans le WEB3 ?

Gonzague de la Tournelle : Dans les technologies WEB2, qu’on le veuille ou non, il y a une obsolescence programmée. Une techno web lancée il y a 5 ans est, aujourd’hui, déjà dépassée.
En matière de Web3, c’est l’inverse et c’est aussi ce qui nous fascine. Plus la technologie est ancienne, plus elle est améliorée par ceux qui s’en emparent et la repartagent. Donc, au fil du temps, elle devient de plus en plus aboutie et sécurisée. A l’instar des smart-contracts qui sont de plus en plus verrouillés.
Le temps et l’usage jouent en faveur de la blockchain. Aujourd’hui, le potentiel scalabilité est sans limite. Sans parler de l’écosystème qui se met en place, en particulier en Europe où la réglementation a pris énormément d’avance, sur un terrain où les Etats-Unis nagent encore en plein Far-West. De ce fait, les grands corporates prennent de plus en plus leurs marques et nous sommes en train de passer du "poke" au cas d’usage, de la cellule innovation à la cellule métier !

Quel a été votre premier investissement en tant que VC ?

Nicolas Reynaud : Eh bien justement, une entreprise qui propose un bridge entre WEB2 et WEB3 : Absolut Labs !
C’est un outil BtoB se présentant comme une solution Saas permettant de faire du WRM : du Wallet Relationship Management. Nous sommes à leurs côtés depuis leurs débuts. Au printemps dernier, ils ont d’ailleurs levé 8 millions de dollars notamment auprès d’Aglae ventures (VC de la galaxie LVMH) et de Samsung ventures. Ils ont remporté l’Innovation Awards du groupe LVMH (Vivatech 2023 - Immersive & WEB3) qui est d’ailleurs en train de déployer la solution pour ses marques.
Pour donner un cas concret : imaginez que vous naviguiez sur le site web de Louis Vuitton. Si vous le permettez, Absolute va faire l’analyse de votre wallet. Puis, va permettre de transmettre et de compiler ces informations avec les autres données marketing classiques issues de votre expérience WEB2 (cookies, affiliation aux programmes de fidélité Maison) et ce, afin de vous proposer une expérience sur-mesure. Donc en matière de marketing appliqué au retail, les possibilités sont infinies… (sourires)

Voilà pour la partie VC, mais le produit W3index propose un autre profil d’investissement, peut-être plus « late stage », tout en restant sur une technologie en devenir, pourquoi vous lancer dans une nouvelle formule d’investissement ?

Nicolas Reynaud & Gonzague de la Tournelle : Parce que nous éprouvions une réelle frustration !
D’un côté, nous avons nos convictions quant à la technologie blockchain : un mouvement qui ne reviendra pas en arrière.
Et, de l’autre, nous avons assisté aux ICO d’entreprises en plein Bull Run avec, aujourd’hui, un token qui a dégringolé de 90 % de sa valeur initiale. On sait que, pour certaines, elles ne retrouveront pas leur ALL TIME HIGH, mais il y a un juste milieu.
Imaginez qu’ au moment où Internet s’est lancé, vous ayiez eu la possibilité d’investir dans une petite boite comme AOL. Aujourd’hui, vous toucheriez un pouième de cents à chaque fois qu’un e-mail est échangé dans le monde...Pas mal, non ?
Pour nous, c’est exactement ce qui se passe dans la blockchain aujourd’hui. Nous sommes convaincus que ces entreprises spécialisées dans l’infrastructure blockchain sont trop loin de leur valeur réelle.
Or, pour des investisseurs : ces entreprises ont une existence concrète, elles ont une liquidité et une taille critique. C’est juste le bon moment pour y aller.

Comment W3Index fonctionne concrètement ?

Nicolas Reynaud & Gonzague de la Tournelle : Nous avons listé 25 entreprises dont la liste est publique. Le souscripteur investit pour un montant de 125 000 dollars (minimum) et, nous répartissons cette somme entre ces valeurs grâce à un partenaire qui transforme les FIAT en crypto (nilos). Nous générons du rendement sur les valeurs en stackant, en les mettant dans des pools, en opérant des nœuds.
Si l’investisseur veut sortir, on lui remet sa somme suivant sa position avec sa plus ou sa moins-value (1,5 point de pénalité si c’est dans les 12 premiers mois). Très concrètement, le fonds ou l’AIF (Alternative Investment Fund) est opéré par une société de gestion basée au Luxembourg, Caibuo Capital qui s’occupe aussi de toute la partie Compliance et KYC.

Quelle est l’échéance ou le landmark qui vous indiquera que vous avez réussi cette nouvelle aventure du W3Index ?

Nicolas Reynaud & Gonzague de la Tournelle : Le nerf de la guerre reste l’AUM (Assets Under Management) et la performance, donc un mix de ce que nous pourrons lever et bien entendu, des performances que nous afficherons.
Le fonds générera un rendement, récurrent par la prise de nos positions (en les apportant dans des pools de liquidités, via du stacking ou encore en opérant des Noeuds) et parira sur un potentiel de forte hausse sur des valeurs qui sont, aujourd’hui, pour certaines d’entre elles en dessous de leurs cours d’introduction.
Nous assistons à des dizaines d’événements, échangeons avec les dirigeants et nous avons à disposition des dizaines d’indices nous indiquant l’amorce d’un nouveau bull run.
Il est vrai que la fenêtre de tir n’est pas réellement simple : il faut un peu de traction, une amorce de remontée et en même temps, il ne faut pas que ce soit trop puissant de façon à ne pas acheter trop cher.
Mais c’est aussi ce qui fait l’enjeu de ce type d’aventures !

Anne-Laure Allain

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Dimanche 17 Décembre 2023




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