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Zone euro : la fin du début ou le début de la fin ?

Finalement et sans surprise, l'été 2012 a été plutôt calme pour la zone euro. Le nouveau gros pansement posé sur la crise grecque a tenu tant bien que mal, les taux d'intérêt des dettes espagnoles, portugaises et italiennes n'ont pas trop flambé et les dirigeants politiques et monétaires eurolandais ont tout fait pour continuer d'endormir les populations et les investisseurs à coup de déclarations apaisantes et de promesses anesthésiantes.


Zone euro : la fin du début ou le début de la fin ?
La recette a si bien fonctionné que la publication des comptes nationaux du deuxième trimestre est presque passée inaperçue. Pourtant, après avoir déjà baissé de 0,3 % au quatrième trimestre 2011, puis stagné au premier de 2012, le PIB de la zone euro a reculé de 0,2 % au deuxième trimestre. Si les deux trimestres consécutifs de baisse de l'activité (qui sont censés caractériser officiellement une récession) ne sont donc toujours pas affichés, la situation économique eurolandaise est bien devenue dramatique. Le glissement annuel du PIB est d'ailleurs tombé à - 0,4 %, un plus bas depuis 2009. Autrement dit, même si elle ne veut pas dire son nom, c'est bien une récession qui est en train de s'installer dans l'Union Economique et Monétaire.

Certes, continuant d'engranger les fruits des réformes menés depuis une décennie, l'Allemagne continue de résister. Ainsi, après avoir augmenté de 0,5 % au premier trimestre, son PIB a progressé de 0,3 % au deuxième. Ce n'est pas flamboyant, mais cela devrait suffire à nos voisins d'outre-Rhin pour assurer le paiement des intérêts de la dette publique et stabiliser le chômage à un niveau relativement bas. Le problème est qu'en temps normal, la locomotive allemande aurait dû tracter ses partenaires eurolandais. Seulement voilà, les wagons ont été détachés et continuent de s'enliser dans la récession.

Certains pays y sont tristement habitués et commencent même à présenter des signes de dépression. C'est par exemple le cas du Portugal, dont le PIB a chuté de 1,2 % sur le seul deuxième trimestre 2012. A l'exception d'un court répit en 2010, nos partenaires lusitaniens sont ainsi englués dans une récession historique depuis la fin 2008.

Même s'ils n'en sont pas encore là, leurs voisins espagnols ne sont pas en reste : après avoir déjà reculé de 0,3 % au quatrième trimestre 2011 et au premier de 2012, leur PIB a baissé de 0,4 % au deuxième trimestre. Bien plus inquiétant, leur taux de chômage frôle les 25 % et celui des moins de 25 ans dépasse les 50 %. Ce n'est donc plus d'une crise économique dont il s'agit, mais bien d'une crise sociale. Pour l'instant relativement préservée par ce scénario catastrophe, l'Italie est aussi aux abonnés absents de la croissance : en reculant de 0,7 % au deuxième trimestre 2012, son PIB enregistre ainsi son quatrième trimestre consécutif de baisse et affiche un glissement annuel de 2,5 %.

Dans ce triste concert de la récession, la France est pour l'instant exempte. Du moins en apparence. En effet, cela fait désormais trois trimestres consécutifs que le PIB français stagne, mais ne baisse pas. Ouf ! L'honneur est sauf. Pourtant, hors stocks, celui-ci a reculé de 0,1 % au premier trimestre 2012 et de 0,3 % au deuxième. Il s'agit donc de ce que nous avons appelé une « récession Canada Dry », c'est-à-dire d'une récession masquée qui en a toutes les caractéristiques, mais qui n'en porte pas le nom… La nouvelle augmentation mensuelle du chômage (la plus forte depuis 2009) montre d'ailleurs qu'en France aussi, la crise est bien en train de devenir sociale.

Et ce ne sont évidemment pas les emplois aidés version Hollande qui vont changer la donne. Cela fait plus de vingt ans que l'on applique les mêmes recettes de lutte contre le chômage et cela finit toujours pas les mêmes échecs. Tant que les dirigeants français n'auront pas compris que pour créer des emplois, il faut baisser le coût du travail, réduire les rigidités du marché de l'emploi, dégraisser les dépenses publiques et restaurer une croissance durablement soutenue, l'Hexagone continuera de tourner en rond et de s'enfoncer dans la crise de la dette. Le Président français a beau tancer les Grecs pour qu'ils réforment leur pays, il serait grand temps que la France en face de même.

En attendant, il sera toujours facile de critiquer la Grèce, mais la crise qui y sévit ne fait qu'annoncer ce qui nous attend si nous continuons à refuser les évidences. De quoi avoir froid dans le dos. Et pour cause : la Grèce a enregistré son quinzième trimestre consécutif de récession. Depuis le début de cette dernière, le PIB grec a reculé de quasiment 20 %. Déjà à 22,5 % en avril, le taux de chômage hellène devrait encore augmenter, rendant mécaniquement le plan de rigueur budgétaire de plus en plus difficile à mettre en œuvre, voire inapplicable. Qu'à cela ne tienne, Mme Merkel et M. Hollande se sont montrés intraitables : en dépit de l'opération séduction du premier ministre grec, aucune souplesse supplémentaire ne sera accordée à la Grèce. En d'autres termes, le sparadrap grec ne va pas tarder à sauter de nouveau, réactivant par là même la crise de la zone euro.

C'est en cela que les prochaines semaines vont s'avérer déterminantes. En effet, pour sortir de la récession et de la crise, il n'y a qu'une seule solution : permettre à la BCE d'actionner la planche à billets, c'est-à-dire d'acheter en direct de la dette publique des pays eurolandais. De la sorte, l'euro et les taux d'intérêt baisseront, permettant de restaurer progressivement la croissance, puis de faire baisser le chômage et de sortir du marasme social. Une nouvelle zone euro plus politique, plus fédérale et plus crédible pourra alors voir le jour. De la sorte, la crise historique que nous avons traversée depuis 2007 aura été un mal pour un bien, qui aura finalement permis à l'UEM de devenir une véritable zone monétaire optimale.

Evidemment, nous sommes encore loin de cette configuration idyllique. Et malheureusement, il n'y aura certainement pas de situation intermédiaire. Ce sera soit la sortie vers le haut, soit la descente aux enfers. Car si l'Allemagne ne met pas de l'eau dans son vin (ce qu'elle ne fera que si la France accepte de réduire ses dépenses publiques), le clash politique avec la Grèce, l'Espagne, mais aussi l'Italie et la France finira forcément par avoir lieu. Ce sera alors le début de la fin de la zone euro et l'entrée dans un trou noir dont nous mettrons plus d'une décennie à sortir. Bon courage à tous.

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


Vendredi 31 Août 2012




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