Ce type d’opération s’inscrit tout-à-fait dans le mouvement de désintermédiation bancaire qui affecte l’Europe depuis quelques années. Rappelons que les prêts bancaires représentent encore
75 % des financements par la dette des entreprises, contre 25 % pour les marchés, à travers les émissions d’obligations « corporate ». Cette proportion est l’inverse de ce qu’on observe aux Etats-Unis où les marchés financiers représentent près de 80 % des financements par la dette(1). La mise en place des règlementations prévues pour Bâle III, qui obligent les banques à consacrer plus de capitaux propres pour des opérations à risque devrait renforcer le recours au marché pour les entreprises moyennes, dans la mesure où les concours bancaires seront moins disponibles.
La première émission d’Euro-PP a été réalisée en 2012 par Bonduelle (145 millions d’euros). D’autres émetteurs se sont ensuite lancés sur ce marché ; citons, sans vouloir être exhaustifs : Nexity, Eramet, Manitou, Altran, Orpéa, Havas, Steria, Laurent Perrier, Lactalis, Ubisoft, Néopost, Plastic Omnium, etc. Soit un total de plus de 3 milliards d’euros en 2012, 2013 et 2014, avec une tendance à la baisse de la taille moyenne des opérations : 150 millions en 2012, 80 millions en 2013 et 60 millions en 2014 et, concomitamment, une augmentation du nombre des transactions : 21,39 et 55. Les principales caractéristiques de ces opérations : une maturité comprise entre 3 et 7 ans, un montant compris entre 15 et 250 millions d’euros, des taux d’intérêt entre 3,15 % et 5,25 %. Ces émissions peuvent faire l’objet de notation (mais ce n’est pas obligatoire) et d’une cotation éventuelle sur un marché. La documentation contractuelle est allégée, par rapport à une émission obligatoire classique et le lancement de l’opération, entre sa conception et la finalisation, prend environ 3 mois.
L’intérêt pour l’émetteur est d’élargir la base de ses créanciers (en plus les titres sont la plupart du temps « transférables »), tout en recueillant des fonds à un coût raisonnable. Pour les investisseurs, c’est la possibilité d’accéder à une nouvelle classe d’actifs et de diversifier leurs portefeuilles(2), ainsi les assureurs peuvent tirer parti du décret du 2 août 2013 qui leur permet d’intervenir sur les marchés financiers(3). De même, le décret du 17 décembre 2014 a élargi ces dispositions aux mutuelles et aux institutions de prévoyance. Quant aux banques, la fonction « d’arrangeur » leur évite d’avoir à mobiliser des capitaux pour prêter aux entreprises, tout en satisfaisant leurs clients à la recherche de financements.
D’un point de vue technique, l’émission d’Euro-PP(4), peut être effectuée, soit par la méthode du « book-building » : la banque « arrangeuse » propose une fourchette de prix et constitue un carnet d’ordres, le prix final étant révélé par le marché, soit par la méthode du « competitive biding », où la banque fait un appel d’offres auprès des investisseurs potentiels. Autre possibilité intéressante : la création « d’un fonds de prêt », constitué d’un certain nombre d’investisseurs institutionnels, qui va souscrire à l’émission obligatoire. Un exemple probant est fourni par le fonds NOVO, composé de la Caisse des Dépôts, de 17 compagnies d’assurance et du Fonds de Réserve pour les Retraites (le FRR) : il envisage de mobiliser un montant total de plus d’un milliard d’euros, qui pourrait bénéficier à environ une quarantaine d’ETI(5).
Ainsi, la France, en promouvant le marché des « private placements » ne fait qu’imiter les Etats-Unis et l’Allemagne. Le marché des US-PP a dépassé les 65 milliards en 2013 ; les principaux souscripteurs sont les compagnies américaines d’assurance-vie. Quant à l’Allemagne, elle a développé un marché original, le marché des « Schuldschein » (presque 9 milliards en 2013), qui attire également de plus en plus de sociétés étrangères. Par conséquent, les « placements privés » vont trouver leur place, à côté des obligations « corporate »(6) comme des financements de la dette, à destination plus particulièrement des entreprises moyennes, moteur principale de la croissance et de la création d’emploi dans une économie moderne.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC PARIS
Président d’Honneur du Club Finance HEC
4 mai 2015
(1) Cet éditorial n’aborde pas les alternatives de financement autres que la dette, à savoir : le private equity, l’appel au marché (IPOs), le Crowdfunding, etc.
(2) Le Code des Assurances offre désormais aux compagnies d’assurance de consacrer une part de leurs activités au financement de l’économie (capacité portée à 50 milliards).
(3) Tout en bénéficiant d’une rémunération élevée (plus de 200 points de base en dessus des O.A.T. de même maturité.
(4) Ces dispositions concernent surtout les opérations les plus importantes.
75 % des financements par la dette des entreprises, contre 25 % pour les marchés, à travers les émissions d’obligations « corporate ». Cette proportion est l’inverse de ce qu’on observe aux Etats-Unis où les marchés financiers représentent près de 80 % des financements par la dette(1). La mise en place des règlementations prévues pour Bâle III, qui obligent les banques à consacrer plus de capitaux propres pour des opérations à risque devrait renforcer le recours au marché pour les entreprises moyennes, dans la mesure où les concours bancaires seront moins disponibles.
La première émission d’Euro-PP a été réalisée en 2012 par Bonduelle (145 millions d’euros). D’autres émetteurs se sont ensuite lancés sur ce marché ; citons, sans vouloir être exhaustifs : Nexity, Eramet, Manitou, Altran, Orpéa, Havas, Steria, Laurent Perrier, Lactalis, Ubisoft, Néopost, Plastic Omnium, etc. Soit un total de plus de 3 milliards d’euros en 2012, 2013 et 2014, avec une tendance à la baisse de la taille moyenne des opérations : 150 millions en 2012, 80 millions en 2013 et 60 millions en 2014 et, concomitamment, une augmentation du nombre des transactions : 21,39 et 55. Les principales caractéristiques de ces opérations : une maturité comprise entre 3 et 7 ans, un montant compris entre 15 et 250 millions d’euros, des taux d’intérêt entre 3,15 % et 5,25 %. Ces émissions peuvent faire l’objet de notation (mais ce n’est pas obligatoire) et d’une cotation éventuelle sur un marché. La documentation contractuelle est allégée, par rapport à une émission obligatoire classique et le lancement de l’opération, entre sa conception et la finalisation, prend environ 3 mois.
L’intérêt pour l’émetteur est d’élargir la base de ses créanciers (en plus les titres sont la plupart du temps « transférables »), tout en recueillant des fonds à un coût raisonnable. Pour les investisseurs, c’est la possibilité d’accéder à une nouvelle classe d’actifs et de diversifier leurs portefeuilles(2), ainsi les assureurs peuvent tirer parti du décret du 2 août 2013 qui leur permet d’intervenir sur les marchés financiers(3). De même, le décret du 17 décembre 2014 a élargi ces dispositions aux mutuelles et aux institutions de prévoyance. Quant aux banques, la fonction « d’arrangeur » leur évite d’avoir à mobiliser des capitaux pour prêter aux entreprises, tout en satisfaisant leurs clients à la recherche de financements.
D’un point de vue technique, l’émission d’Euro-PP(4), peut être effectuée, soit par la méthode du « book-building » : la banque « arrangeuse » propose une fourchette de prix et constitue un carnet d’ordres, le prix final étant révélé par le marché, soit par la méthode du « competitive biding », où la banque fait un appel d’offres auprès des investisseurs potentiels. Autre possibilité intéressante : la création « d’un fonds de prêt », constitué d’un certain nombre d’investisseurs institutionnels, qui va souscrire à l’émission obligatoire. Un exemple probant est fourni par le fonds NOVO, composé de la Caisse des Dépôts, de 17 compagnies d’assurance et du Fonds de Réserve pour les Retraites (le FRR) : il envisage de mobiliser un montant total de plus d’un milliard d’euros, qui pourrait bénéficier à environ une quarantaine d’ETI(5).
Ainsi, la France, en promouvant le marché des « private placements » ne fait qu’imiter les Etats-Unis et l’Allemagne. Le marché des US-PP a dépassé les 65 milliards en 2013 ; les principaux souscripteurs sont les compagnies américaines d’assurance-vie. Quant à l’Allemagne, elle a développé un marché original, le marché des « Schuldschein » (presque 9 milliards en 2013), qui attire également de plus en plus de sociétés étrangères. Par conséquent, les « placements privés » vont trouver leur place, à côté des obligations « corporate »(6) comme des financements de la dette, à destination plus particulièrement des entreprises moyennes, moteur principale de la croissance et de la création d’emploi dans une économie moderne.
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