Dans ce cadre, certains, notamment du côté de Matignon et de l'Elysée (mais pas seulement), se mettent alors à rêver à un nouveau triomphe français en 2014, qui pourrait faire oublier tous les échecs économiques et politiques récents, puis relancer la confiance, donc la croissance et, enfin, faire baisser fortement et durablement le chômage. Si ce raisonnement peut apparaître plaisant, il est pourtant complètement erroné.
En effet, si la croissance française a été forte de 1998 à 2000, ce n'est pas parce que la France a remporté la coupe du monde puis la coupe d'Europe de foot, mais parce que les fondamentaux économiques mondiaux et européens étaient particulièrement favorables. Et pour cause : la révolution internet battait son plein à travers la planète, le baril de pétrole valait entre 10 et 20 dollars, la croissance mondiale était forte, atteignant même 4,7 % en 2000, l'euro oscillait autour des 0,90 dollar, la situation géopolitique internationale était globalement stable. Bref, comparativement aux crises qui allaient suivre, notamment après le 11 septembre 2001 et le 15 septembre 2008, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Tout allait tellement bien que, dans l'Hexagone, le gouvernement de l'époque, dirigé par Lionel Jospin, s'employait même à augmenter les dépenses publiques structurelles, en utilisant les recettes fiscales supplémentaires liées au regain conjoncturel d'activité. On nous parlait alors de « cagnotte ». Autrement dit, alors que le moteur tournait déjà à plein régime grâce à un contexte mondial très porteur, on n'hésitait pas à dépenser davantage de carburant, ce qui allait finalement noyer le moteur quelques trimestres plus tard. Seulement voilà, tous les politiciens et économistes bien-pensants imaginaient que la France était portée par une vague d'optimisme durable et qu'à l'image de son équipe de football, rien ne pouvait l'arrêter. Quel manque de lucidité !
Bien entendu, une victoire de l'équipe nationale au Mondial de foot ou dans une autre compétition internationale joue positivement sur le moral collectif. Pour autant, elle ne constitue que la cerise sur un gâteau qui doit être préalablement conséquent. Avoir la cerise sans le gâteau ne sert pas à grand-chose… A titre d'illustration, les nombreuses victoires de l'Espagne au foot, au basket, au tennis et tutti quanti depuis la fin des années 2000 n'ont pas permis à l'économie espagnole d'éviter la crise et encore moins de retrouver le chemin de la croissance forte. En 1994, le Brésil remporte le Mondial, mais son inflation avoisine les 2 000 %. En 1982, c'est au tour de l'Italie d'empocher le trophée, mais cela ne lui permet pas d'éviter la récession. En 1978, l'Argentine organise et gagne la coupe du monde, mais reste engoncée dans la crise économique… En résumé, laisser croire qu'une victoire au Mondial de foot peut effacer la réalité économique relève de la gageure ou plus exactement du mensonge.
Pour autant, il faut reconnaître que les divertissements et les jeux publics peuvent temporairement détourner les esprits d'un quotidien difficile. C'était déjà le cas au temps de la Rome antique, ce l'est, par définition, encore plus, aujourd'hui, dans un monde où les apparences sont reines et où les médias sont rois. Et ce, a fortiori dans une France et une Europe en crise économique, sociale et politique. La question est donc simple : comment éloigner le spectre de la crise et détourner le prisme médiatique des difficultés économico-politiques franco-européennes ? Dans une dictature, la réponse aurait été simple, mais comme fort heureusement, nous sommes en démocratie, la seule solution réside dans la réalisation d'un évènement international encore plus fort que les vicissitudes de la politique économique hexagonale et qui permette enfin de penser à autre chose. Une catastrophe géopolitique n'est évidemment pas souhaitable, non seulement pour des raisons humanitaires, mais aussi parce qu'elle ne ferait que mettre de l'huile sur le feu. Non, le seul évènement qui puisse nous éloigner durablement de la psychose de la crise est forcément sportif pour ne pas dire festif.
Le Mondial de foot tombe donc à pic, pour occuper les esprits et monopoliser la scène médiatique. Les buts, les cartons jaunes, les « ola » et autres coups francs vont donc pouvoir remplacer les déficits publics, la charge d'intérêts de la dette, ou encore la piètre crédibilité des dirigeants français en matière de restauration de la croissance et d'assainissement des comptes publics. En trois mots : Vive le Mondial ! En espérant simplement que les résultats sportifs ne seront pas à l'aune de la réalité économique et que les pays de la zone euro et en particulier la France ne seront pas laminés par les pays dits « petits » et/ou « émergents »…
Une chose est sûre : quelle que soit l'issue de la compétition, les réalités économiques hexagonales reprendront très vite le dessus : croissance proche de zéro, chômage historiquement élevé, déficits publics bien plus lourds qu'annoncé par le gouvernement, tensions sociales exacerbées,… En attendant, ayons donc une petite pensée pour celles et ceux qui n'aiment pas le foot et n'auront donc même pas le loisir de profiter du mois à venir pour oublier l'horreur économique nationale…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
En effet, si la croissance française a été forte de 1998 à 2000, ce n'est pas parce que la France a remporté la coupe du monde puis la coupe d'Europe de foot, mais parce que les fondamentaux économiques mondiaux et européens étaient particulièrement favorables. Et pour cause : la révolution internet battait son plein à travers la planète, le baril de pétrole valait entre 10 et 20 dollars, la croissance mondiale était forte, atteignant même 4,7 % en 2000, l'euro oscillait autour des 0,90 dollar, la situation géopolitique internationale était globalement stable. Bref, comparativement aux crises qui allaient suivre, notamment après le 11 septembre 2001 et le 15 septembre 2008, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Tout allait tellement bien que, dans l'Hexagone, le gouvernement de l'époque, dirigé par Lionel Jospin, s'employait même à augmenter les dépenses publiques structurelles, en utilisant les recettes fiscales supplémentaires liées au regain conjoncturel d'activité. On nous parlait alors de « cagnotte ». Autrement dit, alors que le moteur tournait déjà à plein régime grâce à un contexte mondial très porteur, on n'hésitait pas à dépenser davantage de carburant, ce qui allait finalement noyer le moteur quelques trimestres plus tard. Seulement voilà, tous les politiciens et économistes bien-pensants imaginaient que la France était portée par une vague d'optimisme durable et qu'à l'image de son équipe de football, rien ne pouvait l'arrêter. Quel manque de lucidité !
Bien entendu, une victoire de l'équipe nationale au Mondial de foot ou dans une autre compétition internationale joue positivement sur le moral collectif. Pour autant, elle ne constitue que la cerise sur un gâteau qui doit être préalablement conséquent. Avoir la cerise sans le gâteau ne sert pas à grand-chose… A titre d'illustration, les nombreuses victoires de l'Espagne au foot, au basket, au tennis et tutti quanti depuis la fin des années 2000 n'ont pas permis à l'économie espagnole d'éviter la crise et encore moins de retrouver le chemin de la croissance forte. En 1994, le Brésil remporte le Mondial, mais son inflation avoisine les 2 000 %. En 1982, c'est au tour de l'Italie d'empocher le trophée, mais cela ne lui permet pas d'éviter la récession. En 1978, l'Argentine organise et gagne la coupe du monde, mais reste engoncée dans la crise économique… En résumé, laisser croire qu'une victoire au Mondial de foot peut effacer la réalité économique relève de la gageure ou plus exactement du mensonge.
Pour autant, il faut reconnaître que les divertissements et les jeux publics peuvent temporairement détourner les esprits d'un quotidien difficile. C'était déjà le cas au temps de la Rome antique, ce l'est, par définition, encore plus, aujourd'hui, dans un monde où les apparences sont reines et où les médias sont rois. Et ce, a fortiori dans une France et une Europe en crise économique, sociale et politique. La question est donc simple : comment éloigner le spectre de la crise et détourner le prisme médiatique des difficultés économico-politiques franco-européennes ? Dans une dictature, la réponse aurait été simple, mais comme fort heureusement, nous sommes en démocratie, la seule solution réside dans la réalisation d'un évènement international encore plus fort que les vicissitudes de la politique économique hexagonale et qui permette enfin de penser à autre chose. Une catastrophe géopolitique n'est évidemment pas souhaitable, non seulement pour des raisons humanitaires, mais aussi parce qu'elle ne ferait que mettre de l'huile sur le feu. Non, le seul évènement qui puisse nous éloigner durablement de la psychose de la crise est forcément sportif pour ne pas dire festif.
Le Mondial de foot tombe donc à pic, pour occuper les esprits et monopoliser la scène médiatique. Les buts, les cartons jaunes, les « ola » et autres coups francs vont donc pouvoir remplacer les déficits publics, la charge d'intérêts de la dette, ou encore la piètre crédibilité des dirigeants français en matière de restauration de la croissance et d'assainissement des comptes publics. En trois mots : Vive le Mondial ! En espérant simplement que les résultats sportifs ne seront pas à l'aune de la réalité économique et que les pays de la zone euro et en particulier la France ne seront pas laminés par les pays dits « petits » et/ou « émergents »…
Une chose est sûre : quelle que soit l'issue de la compétition, les réalités économiques hexagonales reprendront très vite le dessus : croissance proche de zéro, chômage historiquement élevé, déficits publics bien plus lourds qu'annoncé par le gouvernement, tensions sociales exacerbées,… En attendant, ayons donc une petite pensée pour celles et ceux qui n'aiment pas le foot et n'auront donc même pas le loisir de profiter du mois à venir pour oublier l'horreur économique nationale…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Les médias du groupe Finyear
Chaque jour (5j/7) lisez gratuitement :
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
La newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises de la finance d’entreprise et de la finance d'affaires.
Chaque mois lisez gratuitement :
Le magazine digital :
- Finyear Magazine
Les 6 lettres digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- Le Capital Investisseur
- GRC Manager
- Le Contrôleur de Gestion (PROJET 2014)
Un seul formulaire d'abonnement pour recevoir un avis de publication pour une ou plusieurs lettres
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
La newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises de la finance d’entreprise et de la finance d'affaires.
Chaque mois lisez gratuitement :
Le magazine digital :
- Finyear Magazine
Les 6 lettres digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- Le Capital Investisseur
- GRC Manager
- Le Contrôleur de Gestion (PROJET 2014)
Un seul formulaire d'abonnement pour recevoir un avis de publication pour une ou plusieurs lettres
Autres articles
-
Comment l'utilisation de la fintech a-t-elle contribué à promouvoir la culture financière et à améliorer l'éducation financière ?
-
Projet de loi DDADUE : quel bilan pour les marchés crypto ?
-
La sécurité des données dans un monde hybride
-
Sopra Steria finalise l’acquisition d’une participation majoritaire au capital de CS Group
-
En 2023, les start-up de la PropTech doivent anticiper la fin de l’hypercroissance