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La loi française consacre “la RSE à l’européenne” et la fait entrer dans le champ du développement durable

Le Sénat vient de voter en première lecture l’article 83 qui clarifie et rénove le rôle de la responsabilité sociétale d’entreprise, dans le sens voulu par le Grenelle de l’Environnement, en explicitant sa mission au service de la politique générale de développement durable. A compter de 2011, toutes les entreprises de plus de 500 salariés, mais aussi les Sicav et les sociétés de gestion rendront des comptes sur leurs impacts sociaux, environnementaux et la qualité de leur gouvernance.


Patrick d’Humières
Patrick d’Humières
C’est un tournant dans la conception de la RSE, introduite dans les obligations d’information des entreprises cotées depuis 2001 (loi NRE, article 116) mais cantonnée jusqu’à ce jour dans l’esprit d’une démarche volontaire des entreprises, surtout limitée à des comportements dits plus éthiques. La crise est passée par là et surtout la volonté des Etats et de la Société d’engagements forts qui couvrent le champ large du développement durable.

Il y a encore beaucoup de malentendus à propos de la RSE

Il suffit de lire l’évaluation faite par le ministère français du Développement durable (CGDD) sur l’application de l’obligation de reporting social et environnemental votée en 2001 pour constater que le concept de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est écartelée entre plusieurs conceptions. Les libéraux n’y voient aucune utilité économique et considèrent que c’est à l’Etat seul de fixer la norme et aux entreprises de la respecter, vision qui rejoint celle des critiques de l’économie de marché qui dénoncent une légitimation à bon compte des entreprises et une marchandisation dangereuse de biens publics. Cette lecture idéologique est encore très prégnante chez les acteurs. Elle explique l’absence de dynamique sur le sujet au sein des entreprises et la faible crédibilité des démarches RSE.

La RSE pâtit de son assimilation historique à la seule question éthique

Depuis quelques années seulement, ces interrogations sur la valeur politique et opérationnelle de la RSE sont de plus en plus confrontées à des démarches audacieuses et originales de la part d’entreprises qui n’hésitent pas à remettre en cause des process polluants, à réviser des marketings excessifs et à négocier des partenariats engageants. La conception éthique originelle, américaine, de la RSE est en train de s’effacer progressivement, même si la perception est encore loin d’être celle-là.

La RSE ancienne – “la vieille éthique des affaires” décrédibilisée par la crise - ne serait-elle pas en train de laisser sa place à la nouvelle RSE – “l’intégration du développement durable” par les organisations ?

L’époque du “tout volontaire” qui s’achève aura permis aux entreprises les plus avancées d’afficher des initiatives à leur main. Mais elle n’a pas permis de construire un dispositif mesurable et comparable dans lequel investisseurs, pouvoirs publics, parties prenantes, se retrouvent pour juger d’une réalité opposable. La confusion règne encore largement sur le terrain des référentiels (GRI, Iso 26000, Global Compact…) et la France, en fixant ses propres critères d’information n’est pas le pays qui a le plus favorisé une intégration des travaux internationaux dans sa pratique. L’Europe a reconnu être passée à côté de cette question même si depuis le Sommet de Göteborg, une certaine exigence du modèle social européen et la consultation régulière des acteurs de la société, ont fait valoir une exigence large de la RSE, fortement environnementale, soucieuse du bien être des salariés et au coeur des problématiques du monde contemporain.

L’acuité de la crise et la contestation des pratiques économiques confèrent à la RSE une ambition nouvelle

Sous l’impulsion des travaux internationaux en matière de développement et de bonne gouvernance (OCDE, PNUD…) et du fait de la pression des enjeux (protocole de Kyoto, objectifs du millénaire) et de la Société (ONG, medias), le concept de RSE est en train de basculer. Comme mes débats sur “les temps nouveaux” à la dernière université du Medef l’ont montré, l’éthique reste l’affaire morale des individus et la conformité à la loi un minimum indiscutable. Ce n’est pas là-dessus que l’entreprise est attendue : cela va de soi. En revanche, tout le champ du progrès volontaire au service des enjeux collectifs n’a jamais été aussi ouvert et pressant. La RSE apporte la réponse à cette nouvelle donne, c’est-à-dire favoriser et rendre possible la transition des schémas économiques vers le modèle durable ou comment “changer la roue en roulant”. Et comment dégager des solutions re-constructives à la crise actuelle.

1. La RSE n’est plus pertinente dans sa conception originelle et prend un nouveau sens dans une relation au service du développement durable.

2. Il reste nombre d’obstacles et de contraintes qui limitent cette conception “durable” de la RSE fortement attendue par la Société

C’est par l’innovation, la reconnaissance du marché et un positionnement au sein de la gouvernance des entreprises que la RSE va aider la rénovation du modèle*.

1. La RSE n’est plus pertinente dans sa conception originelle à l’issue de la crise et face aux grands défis contemporains. Ce changement est perceptible partout dans le monde

• Le débat français à l’occasion de la loi Grenelle 2 a révélé la persistance de la conception ancienne de la RSE dont le seul objectif est d’améliorer la réputation de l’entreprise, en alignant des intentions sociétales qu’elle se donne librement et dont elle se veut seule juge. Cette conception facilite incontestablement les schémas d’adaptation et a le mérite de permettre une internalisation progressive des coûts induits. Mais la Société n’y trouve pas toujours son compte et le dit. Cela va trop lentement, ou est trop marginal. Le temps politique et le temps économique se télescopent sur ce terrain ainsi que les modes dé décision, jugées trop séparées, entre l’univers du calcul économique et celui du bien-être collectif.

• La RSE s’est aussi trop limitée au “reporting”. C’est le cas de la France où les lois (NRE et Grenelle 2) cantonnent la démarche au seul fait de rendre compte de certains impacts sur quelques points que l’Etat a défini. Du coup, la plupart des groupes se sont appliqués à cette restitution et en font l’essentiel de leur démarche, renforcée par des bonnes pratiques dans les domaines où elles sont en état de progresser le plus facilement. Le résultat est là mais peu lisible et non interprétable. En élargissant l’obligation d’information aux sociétés de plus de 500 salariés et aux sociétés financières, l’Etat dépasse le formalisme ancien.

• La culture économique traditionnelle s’est habituée à une séparation simple entre ce qui ressort du marché et ce qui ressort de l’intervention publique – la deuxième devant favoriser la première. Ceci a entretenu une conception auto centrée de la RSE qui transpose la morale à individuelle à la pratique comportementale de l’entreprise : respecter la loi, bannir la corruption, éviter les accidents et les condamnations…On est encore loin de “la marche du monde” et des problématiques de la Société, d’ailleurs et de demain ! Mais “une entreprise peut-elle gagner dans un monde qui perd ?”

• Certes, les Etats-Unis restent largement attachés à la conception de ce “business ethics” qui a forgé le courant de la “corporate social responsability” ; celle-ci consiste pour l’essentiel à souscrire à des engagements formels sur le respect des droits humains, du bien être dans l’entreprise et à faire des dons d’intérêt général. Comme le dit Bill Gates, c’est à l’entrepreneur philanthrope de combler ensuite ce que le marché n’a pas réalisé ! Mais de crises en crise, ce formalisme a perdu sa crédibilité aux yeux de la Société. Et les critiques sont vives outre-atlantique pour remettre en cause une philosophie purement déclarative.

• Au bout de plusieurs années de discussion, dans les cercles engagés du WBCSD, de la GRI, du Global Compact et de l’iSO, une définition extensive de la RSE a vu le jour : c’est devenu le fait de participer volontairement aux actions collectives de bonne gouvernance mondiale au service du développement durable. La définition posée dans l’ISO 26000 traduit bien ce glissement : la RSE devient l’expression de la volonté d’intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans les décisions de l’entreprise, d’en mesurer les progrès, de s’impliquer de façon transparente et de contribuer au développement durable. La déclaration des entreprises leaders au sein du WBCSD affirme le lien indissociable entre la recherche du progrès économique et la satisfaction des attentes externes.

• Le concept de RSE se précise de plus en plus comme une articulation entre la recherche de l’intérêt de l’entreprise et celui de la Société toute entière, dans le temps et l’espace. Il s’agit d’un champ d’action ouvert entre la loi qui s’impose à tous et la demande sociale attendue, que l’entreprise choisit de combler par la voie de l’innovation, du contrat, de l’engagement ponctuel. La RSE consiste désormais à réduire ses impacts négatifs tout en contribuant à résoudre les enjeux collectifs qui menacent la durabilité du monde. C’est une action volontariste et plus seulement volontaire, qui rejoint l’action collective.

2. Il existe encore nombre d’obstacles et de contraintes qui limitent ce changement de doctrine autour de la RSE, même si sonmode d’organisation s’affirme

• La mondialisation vécue de façon sauvage ou non régulée, a suscité des réactions contre le dumping social (délocalisation salariale), le dumping environnemental (prédation sur l’ecosystème) et l’affaiblissement des gouvernances locales et nationales. La question des paradis fiscaux, devenue insupportable pour les Etats, est l’exemple d’une “non-responsabilité” que la gouvernance mondiale cherche à corriger. La RSE est le résultat de cette tension entre les firmes et les Etats.

• SI les Etats appellent les acteurs économiques à la responsabilité, pour autant ils ne reconnaissent pas encore les efforts entrepris et les investissements engagés en ce sens. La régulation publique n’a pas encore pris en compte la RSE . Les entreprises engagées et vertueuses ne sont pas récompensées dans les marchés publics ou par l’impôt alors qu’elles font un effort pour “internaliser” des coûts externes, comme cela devrait être le cas dans tout marché (cf. ocde). Tant que les Etats ne mettront pas la RSE dans leur panoplie, celle-ci restera dépendante de sa reconnaissance par les consommateurs et donneurs d’ordre essentiellement.

• L’engagement des professions à travailler collectivement pour borner le cadre de la compétition au sein d’un secteur, en fixant des recommandations sociales et environnementales, et en les contrôlant, reste rare. Le secteur du ciment a su le faire mais c’est exceptionnel ; les branches préfèrent que la compétition s’exerce en leur sein et que les Etats sévissent, plutôt que de “faire leur police”. La question des règles concurrentielles se pose plus particulièrement à propos de la supply-chain (fournisseurs), de la gestion de certaines ressources rares ou des risques liés aux process et aux innovations (cf. nanotechnologies, etc…).

La discussion en cours de l’article 83 – et 82 – du projet de loi Grenelle 2 (déjà adopté par le Sénat) qui concerne la gouvernance durable des entreprises, et des fonds financiers, est l’occasion de consacrer cette reconnaissance de la RSE, en étendant plus largement le champ de l’obligation d’information (entreprises de plus de 500 salariés), au sein des rapports de gestion. Mais on peut espérer que l’Assemblée Nationale aille encore plus loin en proposant aux professions de fixer leurs indicateurs, d’introduire aussi les avis des parties prenantes, et de créer une incitation comme le lien avec les marchés publics ? On peut l’espérer, même si acteurs publics et privés restent encore divisés, faute d’avoir suffisamment recherché ensemble une dynamique de progrès. Une large table-ronde de suivi et de pilotage du mouvement de la RSE serait bien utile pour que cette dynamique se poursuive en continu dans la recherche du consensus le plus large possible.

La RSE s’impose progressivement comme l’outil de la participation au développement durable de la part des entreprises, dans le cadre des politiques publiques

La France, comme de nombreux grands pays, a élaboré une stratégie nationale du développement durable, en lien avec la stratégie européenne. C’est le cadre des objectifs que les acteurs publics et privés, économiques et institutionnels, doivent rechercher ensemble, par le moyen combiné d’incitations et de contrats, permettant de favoriser la transition entre un modèle ancien, où les externalités sont coûteuses pour la collectivité, et un modèle durable, où les agents assument les coûts de leurs consommations et s’y adaptent. Tout l’intérêt de la RSE est de faire ce lien, entre marché et intérêt général, entre initiative économique et enjeu collectif.

La définition d’un cadre partenarial – entreprise Société – passe par la recherche de compromis entre acteurs, dans des programmes précis, grâce à des dialogues et à des accords ponctuels. C’est tout l’intérêt des relations avec les parties prenantes. La RSE est indissociable de cette contractualisation.
Les Rapports doivent donc permettre le témoignage des parties prenantes, au premier rang desquels les partenaires sociaux, pour traduire le caractère contradictoire et la dynamique politique de ces démarches.

Enfin, la reconnaissance de la RSE dans les politiques publiques est suspendue au problème de sa mesure. Ce qu’on appelle la comptabilité extra-financière, c’est-à-dire l’intégration dans la comptabilité générale des données sociales, environnementales et sociétales est un chantier balbutiant sur le plan mondial. Tant qu’on n’aura pas normalisé ces données, l’appréhension d’une valeur durable – ou non – des firmes, au bilan et lors des transactions posera une difficulté fondamentale (cf. appréciation du goodwill qualitatif et réalité de l’appréciation des risques, sociaux, environnementaux et de réputation).

En attendant l’émergence d’une comptabilité extra financière universelle, la RSE reste fondée sur un “reporting” de bonnes pratiques et d’initiatives constructives qui s’inspire des consensus volontaires établies par les parties prenantes (type GRI) que les Etats doivent favoriser.Ce reporting doit servir aussi à une construction stratégique élaborée : analyse des impacts négatifs et positifs du DD sur la valeur de la firme, sur ses potentialités ; capacité à négocier des accords de progrès collectifs avec les acteurs et à porter des innovations corrigeant les impacts, engagement managérial pour créer de la valeur en ce sens, objectivité des évaluations etc… C’est cette analyse stratégique – dite “ecovalue®” – que réalise Company 21 pour aider les firmes à faire de la RSE un avantage durable pour leur développement et à faire reconnaître ce gain positif pour la Société également.

Cet angle de la création d’une valeur durable – gagnant gagnant – devrait s’imposer dans le futur proche, tant les exigences sont fortes. il faudrait alors parler plus justement de “RE DD” que de RSE, c’est-à-dire d’une “responsabilité d’entreprise pour le développement durable” ! Soit d’une politique d’entreprise qui dégage des solutions de progrès, innovantes par-dessus tout, reconnues par le marché, portées par la gouvernance, qui oriente vers les modèles d’avenir et qui dépasse largement l’univers de la contrainte éthique. La RSE est bien un outil de management approprié aux défis du développement de l’entreprise dans un monde qui se veut plus durable. Sa construction par les professionnels en charge de ces questions est soumise à un défi d’appropriation par l’ensemble de la communauté économique. Le passage par l’obligation de mesure normée va accélérer le mouvement.

Il faut donc le vivre comme un atout et non comme une contrainte. Comme un levier de création de valeur durable.

* Cf. nos Notes Company 21 de juillet et septembre 2009, accessibles sur le site
www.company21.fr

Patrick d’Humières
www.company21.fr

Mercredi 21 Octobre 2009




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