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La bulle qui se prépare sera peut-être chinoise

SIGNAUX D’ALARME. L’euphorie aveuglante à l’égard de la Chine tend à les minimiser.


La bulle qui se prépare sera peut-être chinoise
La Chine semble avoir tout pour séduire les investisseurs. Les perspectives de croissance ne connaissent aucun fléchissement. Les réserves en devises étrangères ont atteint 2400 milliards de dollars à fin 2009. Le PIB chinois s’est multiplié par 16 au cours des trente dernières années. Divisé par les 1,3 milliard d’habitants, le nombre reste dix fois plus petit que celui des Etats-Unis. Un potentiel de rattrapage énorme. Et pourtant.

La Chine d’aujourd’hui partage au moins dix caractéristiques avec les bulles survenues au fil des trente dernières années. Autant de signaux d’alarme. Edward Chancellor du gestionnaire américain GMO est donc loin d’abonder dans le sentiment d’euphorie générale à l’égard de la Chine. Le rêve d’une croissance illimitée représente au contraire le premier indicateur du danger d’une débâcle. «Il est simpliste d’associer l’augmentation de la population urbaine à la croissance de la classe moyenne», a remarqué le démographe chinois Kam Wing Chan. Bon nombre de nouveaux ouvriers dans les villes sont mal payés, et leurs salaires n’ont guère augmenté en dix ans. Justement en raison du flux de forces de travail en provenance de la campagne. Mais celui-ci risque de se tarir à partir de 2015 déjà, en raison des effets de la politique de l’enfant unique. Une hausse des salaires stimulerait certes la consommation. Mais elle risque aussi de nuire à la compétitivité de la Chine exportatrice de biens. Le processus de transformation des usines à forte intensité de main-d’oeuvre vers des industries de haute technologie devrait alors s’accélérer pour maintenir la croissance.

La politique économique reçoit les mêmes lauriers que celle du Japon lorsque celui-ci s’apprêtait à ravir la place aux Etats-Unis en tant que première économie mondiale à la fin des années 1980.

La Chine doit croître de 8% par année

Avant de plonger dans deux décennies de crise sévère! Le PIB chinois (+10,7%) n’a guère été touché par la crise financière, dépassant même l’objectif de croissance fixé à 8%. Un résultat d’autant plus étonnant que les exportations ont chuté de 16%, la balance commerciale se détériorant même de 33,72%! «La Chine ne peut pas continuer d’augmenter son excédent commercial par rapport à l’Occident sans inviter le protectionnisme », estime Edward Chancellor. Les chiffres officiels risquent d’être truqués: «En Chine, la croissance du PIB ne représente plus le résultat d’un processus économique, mais il en est devenu l’objet. »

Les gouvernements locaux prennent donc des décisions d’investissement, notamment dans l’infrastructure et l’immobilier, pour atteindre les objectifs de croissance fixés par Pékin. Cela aboutit au troisième trait distinctif des bulles: l’essor pris par les investissements, dont la part au PIB chinois a marqué un nouveau record l’année dernière, avec 58%. Aucune autre économie asiatique n’a jamais atteint ce taux. «Les paniques ne détruisent pas le capital, elles ne font que révéler la mesure dans laquelle il a déjà été détruit par son abus dans des travaux désespérément stériles.» Cette citation de l’économiste politique John Stuart Mill datant de 1868 exprime le danger qu’encourt la Chine.

En 2009, les investissements dans des actifs immobiles y ont représenté 90% de la croissance. L’utilisation des autoroutes existantes n’atteint pourtant que 12% de la moyenne OCDE. Le réseau ferroviaire à haute vitesse risque de ne pas attirer assez de passagers pour être rentable. La ville d’Ordos flambant neuve, conçue pour un million d’habitants, reste fantôme. Et les investissements dans l’industrie lourde continuent malgré des surcapacités manifestes. Comme Paul Krugman l’avait observé pour les tigres asiatiques, il s’établit une relation de dépendance entre les investissements, dont l’efficience est en baisse, et la croissance.

La hausse des dépenses dans l’infrastructure et l’immobilier donne un «coup d’accélérateur cyclique» à la corruption, selon Edward Chancellor. Par exemple, lorsque les autorités locales tolèrent l’utilisation de matériaux de construction de piètre qualité. «En Chine, vous ne volez pas une banque, vous volez l’infrastructure», affirme le professeur américain d’origine chinoise Minxin Pei. Autre source d’inquiétude, les taux d’intérêt sont restés bas, malgré une inflation relativement forte. Ce qui conduit les investisseurs à chercher des placements plus risqués. Les ménages spéculent sur les actions et sur l’immobilier, rendant les marchés plus volatils.

Les taux bas sont pour une bonne partie un choix forcé dû au cours de change du renminbi lié à celui du dollar. La sousévaluation du renminbi a contribué à la hausse des exportations et aux afflux de capitaux, majoritairement sous forme d’investissements étrangers directs. Les réserves peuvent servir à acheter des actifs étrangers, à payer des importations ou à se défendre contre des attaques sur la devise. Mais elles ne peuvent pas remédier aux suites de l’éclatement d’une bulle telles qu’un système bancaire brisé ou un héritage de mauvais placements. Ainsi, des réserves similaires comparé au PIB mondial n’ont guère aidé le Japon en 1989.

La situation des banques est en effet la source de quelques préoccupations. Le gouvernement central leur a demandé d’accorder des prêts équivalant à 29% du PIB (10.000 milliards de renminbi). La croissance phénoménale de la Chine pourra-t-elle supporter cette expansion du crédit? Une étude de la BIS a montré que des augmentations du crédit nettement au-delà de la tendance historique ont précédé des crises financières dans 80% des cas.

Mais même si les défauts de crédit se multiplient, leur statut d’instrument clé de la politique économique devrait préserver les banques. Dans les années 1980, ses banques japonaises, les plus capitalisées du monde, ont mené une politique de crédit agressive pour le moins tolérée par l’Etat. Au cours de la «décennie perdue», elles ont généré des pertes deux fois supérieures à leur capital initial. Explicite ou implicite, la garantie d’Etat semble produire un aléa moral détériorant la qualité des prêts. En Chine, la création de quatre «bad banks» (officiellement gestionnaires d’actifs), la mesure prise en 2000, risque de se répéter.

Les titres de dette chinois ne sont certes pas titrisés ou adossés à des actifs. Mais les banques ont leurs propres moyens pour maintenir leur capacité de prêter et transférer les risques. Des paquets de prêts bancaires sont revendus à des individus, d’autres établissements financiers ou des entreprises. Selon Fitch, les banques vendeuses peuvent les faire disparaître du bilan par le biais de contrats de rachat conclus avec les acquéreurs. Le remboursement de bon nombre de prêts dépend des revenus futurs. Et il est impossible de connaître le montant des prêts problématiques, estimé par Ernst & Young en 2006 à 900 milliards de dollars. Une forte activité de négoce de titres, un nombre de nouvelles cotations en hausse, des gains substantiels lors des premiers jours de négoce et la création de nouveaux marchés d’actions sont tous également des signes typiques d’euphorie collective. Les valorisations élevées se justifient par les perspectives de croissance.

Mais c’est le marché immobilier, favorisé notamment par les crédits à bas coût, qui se trouve au centre de la surchauffe. Dans le résidentiel, environ un cinquième des objets vendus récemment restent vides, car les prix des appartements risquent de partir à la baisse s’ils sont loués. Les villes comptent déjà 70% de propriétaires. En 2009, les prix ont certes toujours augmenté de 8%, comme au cours de la décennie passée. Une maison à Pékin coûte désormais plus de 15 fois le revenu annuel moyen. Le service d’une nouvelle dette hypothécaire consomme à lui seul environ 43% du revenu disponible, estime Morgan Stanley.

Du côté commercial, les loyers à Shanghai et à Pékin ont quasiment atteint le niveau de New York. Pourtant, les taux de vacance sont eux aussi très élevés, atteignant 22% à la capitale et 15% à Shanghai. Dans le district si reluisant de Pudong, il atteint même 50% – et la construction de nouveaux bâtiments continue. Après tout, les termes des prêts accordés aux promoteurs immobiliers laissent sept ans pour trouver des locataires. Aux yeux des optimistes, la croissance devrait tout arranger.

Pour conclure, Edward Chancellor estime comme Vitaliy Katsenelson du gestionnaire Investment Management Associates que l’économie chinoise fait face à la même menace que le bus du film Speed: la croissance du PIB doit absolument se maintenir au-dessus de l’objectif officiel de 8%. Sinon, les éléments critiques évoqués risquent de provoquer une catastrophe.

L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Lundi 5 Avril 2010




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