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Interview | Présentation de Fanny Picard et d’Alter Equity

Entretien avec Fanny Picard, Fondatrice et dirigeante d’Alter Equity.


Première société de gestion française ayant proposé un modèle d’investissement dans des entreprises dont l’activité présente un impact positif pour les personnes ou la nature, Alter Equity a été créé en 2007 par Fanny Picard, l’une des premières financières militantes.

Après 14 années chez Rothschild, Danone et Wendel, pourquoi avez-vous décidé de lancer votre fonds ?

Comme tous les humanistes je pense, j’ai réfléchi de longue date aux modèles d’économie politique. J’ai passé des jours, des nuits et beaucoup à penser aux moyens d’organiser la société et la vie des affaires de façon à optimiser à la fois la qualité de vie des personnes – salariés et consommateurs -, l’efficacité de l’entreprise et la rémunération des capitaux. Depuis que j’ai compris la gravité des dérèglements environnementaux en 2007, je n’ai de cesse que d’essayer de les expliquer d’une part, pour que le plus grand nombre d’entre nous s’engage également vers l’écologie, et de contribuer à ma mesure à trouver des solutions.

Nous sommes nombreux à nous interroger sans cesse pour trouver des systèmes permettant d’éradiquer la pauvreté, de permettre au plus grand nombre d’accéder à l’éducation et à la santé ainsi qu’à la satisfaction de ses besoins tout en soutenant efficacement l’innovation et la compétitivité internationale, de sorte à imposer la démocratie et les droits de l’homme.

Qu’est-ce qui vous a conduit à créer Alter Equity ?

J’ai souhaité trouver un équilibre entre ce qui me portait émotionnellement et intellectuellement et mon activité professionnelle. Cela m’a conduite à essayer de contribuer à un monde plus inclusif et plus durable, ce que je faisais à titre personnel dans un contexte associatif.

A une certaine étape de ma vie professionnelle, je n’ai plus résisté au grand écart qui était le mien entre les valeurs que j’avais reçues et faites miennes et la réalité des investissements que je structurais, dans un niveau de cynisme et de brutalité ahurissants et un rapport de force qui faisait abstraction de toute considération éthique.

Il est devenu indispensable pour moi de contribuer à démontrer que l’humain peut et doit être remis au cœur des échanges économiques, qu’il est parfaitement possible d’investir d’une manière utile non seulement à l’intérêt des actionnaires mais également à celui des autres acteurs de la société civile : les salariés, les consommateurs et aussi les fournisseurs, la nature et les territoires d’implantation (notamment en payant ses impôts, en respectant la biodiversité et en évitant la prédation des ressources).

C’est un long parcours de pensée, influencé par un grand nombre de personnes et d’idées. Il est évident pour moi aujourd’hui que l’entreprise est un acteur de l’intérêt général, en situation de l’accélérer. Je crois dans la nécessité d’une évolution vers plus de respect de la dignité de chaque être humain, en même temps que d’une réelle transition écologique. J’ai été influencée par l’Économie Sociale et Solidaire et le micro-crédit mais convaincue que le rendement financier est nécessaire pour diffuser ces idées dans l’ensemble de l’économie. Grâce à Alain Grandjean, co-fondateur de Carbone 4, j’ai compris en 2007 la gravité des enjeux environnementaux et tenté de formuler des solutions à cet égard par l’investissement.

Alain m’a aussi encouragée à réfléchir aux chemins d’un capitalisme durable. Par différence avec les investisseurs cleantech, je n’ai jamais renoncé au combat pour les enjeux sociaux qui sont au cœur, à l’origine de mon engagement. La pauvreté ou les discriminations, la peur d’une mère pour son enfant, les enjeux d’éducation, l’accès à l’emploi, à la santé me touchent profondément. Ma culture est humaniste, intégrant désormais les enjeux environnementaux. Je suis immensément mobilisée par la lutte contre le dérèglement climatique, l’épuisement de la biodiversité et des ressources et les enjeux de qualité de l’eau de l’air et les sols, tellement importants pour la survie et les conditions de vie des êtres humains.
Dans une humilité absolue et une ambition à la limite à l’époque de l’utopie, Alter Equity a essayé de formuler des solutions à l’ensemble de ces enjeux.

Alter Equity a été créé en 2007, quel est le bilan, aujourd’hui, ? (Combien de fonds levés, combien de start-ups financées, pouvez-vous mesurer l’impact d’Alter Equity sur l’environnement ?)

Nous avons levé un premier fonds de 41,5m€ et un second de 110m€. Au total, nous gérons un peu plus de 150m€. Nous avons investi dans 12 entreprises avec le premier fonds et 7 avec le second.

Nous pensons avoir l’impact positif sur l’environnement le plus important du private equity français, nos participations ayant à fin 2020 évité l’émission de 2,4 millions de tonnes de CO2, soit un peu plus de 0,5% des émissions annuelles de la France.

Nous avons cédé deux participations avec un TRI de 23% pour l’une et 400% pour l’autre. Les entreprises du portefeuille de notre second fonds ont multiplié par deux leur chiffre d’affaires en 2020.

Quel résultat d’intérêt général pensez-vous avoir ?

Nos résultats d’intérêt général s’inscrivent à plusieurs niveaux.

En premier lieu, notre philosophie d’investissement pose comme première condition à un investissement que l’activité de l’entreprise ait un impact positif sur la société : ses produits ou services répondent à un enjeu social ou environnemental majeur. Cela se traduit notamment par l’éviction d’émissions de Gaz à Effet de Serre comme évoqué ci-dessus. Il y a bien d’autres impacts en termes de transition énergétique, d’éviction de consommation de matières, de transition vers l’agriculture et l’agro-alimentaire durables, de consommation responsable ou d’accès à l’emploi de celles et ceux qui en sont éloignés.

En second lieu par les pratiques de gestion plus responsables que nous encourageons au sein de nos participations : l’entreprise doit s’engager dans une dynamique de progrès en matière de responsabilité sociale et environnementale dans la conduite des affaires par la mise en œuvre d’un plan d’action, appelé Business-Plan Extra-Financier comprenant 10 à 15 indicateurs sur lesquels elle va progresser pendant la durée de notre investissement.

Par ailleurs, en ayant travaillé sur nos biais vis-à-vis de la diversité, nous détenons à notre connaissance un autre record du Private equity français puisque 4 des 12 participations de notre premier fonds sont des femmes, soit un tiers. L’équipe de gestion est également féminine à 50%.

Enfin, nous espérons avoir à notre mesure eu une influence sur les acteurs de l’investissement. Nous avons été les premiers à utiliser le terme de finance à impact en France et en Europe et à avoir structuré un modèle d’investissement triple bottom line avec une finalité People Planet Profit, vers lequel se dirigent toujours plus de flux financiers. Peut-être faisons-nous partie de celles et ceux qui ont permis d’accélérer le mouvement de responsabilisation de la finance.

Quel est votre ticket d’entrée ? Et quelles sont vos exigences ?

En termes de taille, nous nous concentrons sur des entreprises ayant atteint un chiffre d’affaires de 800k€ et y apportons des fonds propres à hauteur de 3 à 10m€ environ. D’un point de vue géographique, nous étudions prioritairement des entreprises françaises et commençons à nous intéresser à quelques startups européennes.

Nous recherchons des entreprises répondant à ce double niveau d’impact. Par ailleurs, nous sélectionnons celles à potentiel de forte croissance rentable. Et à cette fin, nous sommes vigilants, comme les fonds traditionnels, à ce que nous percevons de la qualité de l’équipe et de son management. Nous étudions bien sur la qualité du ou des produits et services, y compris par comparaison avec les propositions concurrentes, les moyens de l’entreprise, à la fois humains, technologiques, de production, et leur protection intellectuelle, les barrières à l’entrée, les facteurs clés de succès, …

Nous nous différencions probablement par un haut niveau de rigueur dans l’analyse. Nous composons notre portefeuille avec une grande discipline.

Avez-vous noté une évolution des mentalités depuis le début de la crise sanitaire ?

Bien que les liens entre ces deux crises ne sont pas démontrés, nous constatons une forte accélération de la prise de la conscience des enjeux environnementaux, notamment en matière de dérèglement climatique et de perte de biodiversité. Cette accélération s’inscrit parmi d’autres, comme celle de la digitalisation. Elle conduit à des croissances beaucoup plus rapides des entreprises contribuant aux Objectifs du Développement Durable, auxquelles nous nous intéressons. Mais également à l’arrivée de nombreux acteurs dans le domaine de la finance à impact, accompagnée d’une flambée des valorisations.

D’un point de vue social, la prise de conscience de l’importance des systèmes de soin, des soignants, et des personnes habituellement « invisibles » notamment dans la chaine de valeur de la distribution alimentaire, a été soulignée. La solidarité s’est exprimée vis-à-vis de nos aînés, dans un choix collectif international qui a conduit à sauver leurs vies au risque de bloquer ou en tous cas ralentir l’économie.

Le décès de George Floyd aux Etats-Unis a provoqué une réaction majeure avec le mouvement Black lives matter, impliquant toute une génération choquée par les vidéos d’un racisme fatal. L’intégration des personnes de couleur dans les entreprises est devenue cette année un sujet de préoccupation des investisseurs anglo-saxons. Elle a ravivé l’enjeu de diversité de genre. En Europe, ces questions sont moins présentes mais nous anticipons que les gestionnaires d’actifs internationaux exigent prochainement des entreprises européennes une mutation en ce sens.

La souffrance sociale est multipliée sans qu’il soit aisé d’en évaluer les conséquences en termes de santé publique, d’économie ni de politique, notamment pour nos jeunes. Augmentation des dépressions psychologiques, du chômage, de la pauvreté, du décrochage scolaire…

Globalement, nous constatons une nette accélération des enjeux de Responsabilité Sociale et Environnementale.

Quelles sont vos ambitions pour les années à venir ?

Continuer à être un catalyseur de la prise de conscience, de la réflexion et de l’action en direction d’une transition vers un modèle de société beaucoup plus durable, inclusif et généreux. Nous y sommes aidés par les jeunes, plus conscients de la gravité des enjeux environnementaux et sociaux.

Du point de vue d’Alter Equity, accompagner les meilleurs projets démultipliant cette évolution, portés par les dirigeants les plus ambitieux et les équipes les plus motivées !

Jeudi 17 Juin 2021




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