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Grèce : du plan A au plan C...

Cela commence vraiment à devenir fatiguant : depuis le début de la crise grecque en 2010, le même épisode se répète inlassablement : la Grèce est au bord de l'explosion, à deux doigts de sortir de la zone euro, et, au dernier moment, une solution est trouvée, redonnant un bol d'air aux dirigeants grecs et apaisant temporairement les partenaires européens et les marchés financiers, jusqu'à la prochaine crise. On se croirait presque dans « les feux de l'amour », mais sans amour…


Marc Touati
Marc Touati
Les dernières semaines viennent de nous en donner un nouvel exemple. En effet, alors que, depuis son élection, Alexis Tsipras ne cesse de gagner du temps, laissant croire à ses créanciers qu'il va respecter les engagements financiers de la Grèce, son discours s'est quelque peu tendu depuis environ un mois. Il a tout d'abord annoncé qu'il ne reviendrait pas sur ses promesses de nouvelle relance à environ 20 milliards d'euros (sans savoir d'ailleurs comment il en trouvera le financement), puis n'a pas hésité à provoquer une nouvelle fois l'Europe en allant rencontrer Vladimir Poutine, laissant croire qu'une solution russe était possible pour la Grèce. Et ce, pour le grand plaisir des dirigeants russes et au grand agacement de ceux de la zone euro.

Mieux, ou plutôt pire, la énième réunion « de la dernière chance » avec l'Eurogroupe de Riga le vendredi 24 avril a tourné au vinaigre lorsque que le ministre de l'économie Yanis Varoufakis a tapé du poing sur la table, en disant tout haut ce que tout le monde savait tout bas sans oser se l'avouer, en l'occurrence que la Grèce n'avait aucune intention de rembourser sa dette publique en l'état et encore moins de revenir sur les promesses électorales de Syriza.

Face à cet aveu, les Européens n'ont alors eu d'autre choix que de claquer la porte, tout en la laissant ouverte, de peur de faire paniquer les investisseurs. Conscient néanmoins de la gravité de ce nouveau clash et toujours dans le souci de gagner encore plus de temps, Tsipras a alors décidé de modifier l'équipe de négociation grecque en reléguant Varoufakis au rang d'observateur et en le remplaçant au poste de chef d'équipe par Euclides Tsakalotos, une personnalité a priori beaucoup plus policée que son prédécesseur. Dans le sillage de cette annonce, les marchés se sont alors emballés, confirmant leur aveuglement récurrent sur le dossier grec.

Car, il ne faut pas se leurrer : que le chef de l'équipe de négociation grecque soit un « pitbull » ou un « labrador », le gouvernement grec n'a toujours pas l'intention de revenir sur son programme et de respecter les échéances de remboursement de la dette publique. Autrement dit, le plan A de renégociation de la dette grecque avec en contrepartie l'abandon des mesures économiques prônées par Syriza est mort et enterré.

Il reste donc toujours le plan B, qui aurait notre préférence mais qui fait évidemment peur à tout le monde, en l'occurrence le non-remboursement d'une partie de la dette grecque en échange d'une sortie propre et sous contrôle de la Grèce de la zone euro. Ce « grexit » aurait plusieurs avantages.

Tout d'abord pour la Grèce. Cela lui permettrait effectivement de faire table rase du passé et de dévaluer fortement sa devise, condition sine qua non pour retrouver une croissance forte et durable. N'oublions pas que le niveau d'équilibre de l'euro en Grèce est de 0,70 dollar pour un euro. Ensuite, cela enverrait un signal fort aux autres pays de la zone euro et à l'ensemble de la planète. Si on accepte encore de supprimer la dette grecque sans contrepartie, cela susciterait au contraire un aléa moral, créant une grande injustice vis-à-vis des autres pays qui ont fait des efforts conséquents et n'ont pas bénéficié de tels cadeaux, à l'image de l'Espagne, du Portugal ou de l'Italie. Pire, cela pourrait inciter ces derniers à élire un parti extrémiste à leur tête et supprimer tout ou partie de leur dette, signant l'arrêt de mort de l'UEM et le début d'une nouvelle crise dévastatrice.

A l'inverse, si la Grèce quitte la zone euro tout en restant de l'Union européenne, ces effets pervers n'auront pas lieu et la crédibilité de l'UEM en sortira renforcée. Le seul problème de ce plan B est que les dirigeants eurolandais n'en ont vraisemblablement pas le courage et ont peur des conséquences de court terme qu'il pourrait engendrer.

D'où l'avènement d'un plan C. Celui-ci consisterait à octroyer un nouveau cadeau d'une centaine de milliards d'euros à la Grèce sans contrepartie majeure, si ce n'est quelques ajustements cosmétiques du discours de Tsipras. Dès lors, comme le déficit public grec continuera d'augmenter, il faudra encore consentir de nouveaux cadeaux dans environ un an. Et le puit sans fond continuera de se creuser… Autrement dit, la Grèce deviendra un pays sous perfusion permanente, réduisant encore davantage la crédibilité, déjà bien faible, de la zone euro.

Deux questions demeurent néanmoins en suspens. Premièrement, rien ne dit que Tsipras, après avoir abusé au maximum du bon vouloir des Européens ne se tournera tout de même pas vers Poutine et la Russie. Deuxièmement, en différent, c'est-à-dire en fait en annulant, une nouvelle partie de la dette grecque, les Etats eurolandais devront inscrire cette nouvelle perte dans leurs comptes. D'où une augmentation de leur déficit et de leur dette. Ce nouveau dérapage pourrait alors constituer le déclencheur de la remontée des taux d'intérêt des obligations d'Etat, entraînant un krach obligataire, puis une tempête boursière et enfin une récession.

Tout ça, simplement parce que, une fois encore, les dirigeants politiques eurolandais n'auront pas eu le courage d'affronter la réalité en face et de mettre la Grèce devant ses responsabilités. En d'autres termes, qu'il s'agisse du plan B ou C, une tempête économique et financière, d'abord européenne, puis internationale, paraît inévitable d'ici la fin 2015.

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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Lundi 4 Mai 2015




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