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Entretien | Michel de Rovira, Creadev. "Operating Partner ? C’est créer de la valeur pour l’investisseur comme pour l’entreprise, grâce à son expertise, son expérience et ses réseaux."

Son prénom est devenu une marque. Ou plutôt, 50 % d’une marque qu’il partage volontiers avec son complice : Augustin Paluel-Marmont.
Après 19 ans à la tête de l’entreprise qui l’a auréolé du surnom de "trublion du goût", Michel de Rovira a rejoint Creadev, le véhicule d’investissement de la famille Mulliez (fondateurs notamment d’Auchan, Decathlon, Leroy Merlin.. ) en qualité de Managing Director de la verticale Food & AgTech.
Celui qui a piloté la success story Michel & Augustin aux côtés de structures comme Artemis (holding d’investissement du groupe Kering) ou encore Danone Manifesto Ventures (VC adossé au groupe Danone), se retrouve désormais de l’autre côté de la barrière.
Depuis 2021, il pilote une vingtaine de participations mixant maîtrise des arcanes financiers avec l’acuité d’expert industriel qu’il est devenu.
Au premier abord, il serait facile de penser que c’est lui, le premier operating partner de Creadev. Au travers de ses réponses, il nous explique comment son équipe s’organise pour s’appuyer sur cette typologie d’expertises, sans forcément faire appel à lui. Peut-être pour ne pas être juge et parti ?
Sans oublier de narrer au passage quelques anecdotes issues de sa propre expérience de dirigeant d’entreprise.

Propos recueillis par Anne-Laure Allain

Cette interview a été réalisée dans le cadre de notre partenariat avec Operating Partners Day qui se tiendra le 30 mai prochain.
Michel de Rovira, co-fondateur de Michel et Augustin, et désormais patron de la filière Food de Creadev, y sera l’un des grands témoins.


Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les activités de Creadev ?

Creadev est la structure d’investissement de la famille Mulliez. Les fondateurs d’Auchan, Décathlon, Leroy Merlin, Kiabi,etc ont créé cette entreprise il y a 20 ans pour diversifier les actifs de leur galaxie sur des sujets autres que le retail et la distribution.
Parmi les entreprises accompagnées, citons, par exemple le groupe Sitel, devenu Foundever. Initialement spécialisé dans les call-centers, cette aventure entrepreneuriale est passée d’une cinquantaine de millions de revenus à près de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires depuis que nous l’accompagnons et est aujourd’hui l’un des leaders des solutions omnicanales de centre de contact pour optimiser l’expérience client.
Nous avons trois verticales : la consommation durable (Selency par exemple), la santé (Maisons de Famille ou OuiHelp) et la Food / Ag Tech. Mon équipe pilote une vingtaine de participations internationales (quatre en Asie, une petite dizaine en Europe, deux en Afrique et cinq aux USA).
Chaque année, Creadev investit un peu plus de 200 millions d’euros. La partie Food drainant un peu moins de la moitié de cette enveloppe.

Creadev est votre première expérience au sein d’un fonds d’investissement après presque 20 ans d’expérience entrepreneuriale, est ce que l’on peut dire que vous êtes un peu le super operating partner de Creadev en matière de food ?

Pas exactement. (Sourires) Mon rôle avec l’équipe Food comporte toutes les facettes du métier de l’investissement. Ce qui signifie que j’ai la charge d’identifier des potentielles cibles pour réaliser ces investissements avec toute la partie de création du deal-flow ; de qualifier les différents dossiers que nous recevons et de mener à bien les différents processus d’investissement avec tout ce travail d’analyses, de due-diligence, d’analyse stratégique et de mise en œuvre de l’opération financière lors de la prise de participation. Ce à quoi, il faut rajouter l’accompagnement des exits (sorties de portefeuille).
En revanche, pour toute la partie concernant le suivi de portefeuille, mon rôle se rapproche effectivement de celui d’operating partner.
Cette double casquette d’investisseur/ entrepreneur me permet d’avoir un œil assez opérationnel sur les entreprises.

Et cet œil assez opérationnel sur les entreprises au portefeuille de Creadev, en quoi, selon vous, se différencie-t-il de celui d’autres collaborateurs ?

Le monde de l’investissement est parsemé de profils très différents. D’aucuns ont fait l’essentiel de leur carrière en finance. Ils ont généralement un regard très pointu sur l’analyse des marges, sur l’analyse bilancielle des participations. Le cœur de leur expertise se base sur l’évaluation des performances.
J’apporte un regard différent ayant passé presque 20 ans de ma vie dans des usines agro-alimentaires, dans des box de la grande distribution pour négocier des référencements en centrale d’achat, et en magasin pour m’assurer que mes produits étaient visibles, au bon prix et pas en rupture de stock… Disons que plus que de me faire un avis en me concentrant uniquement sur des slides, je scrute aussi particulièrement ces points.
Par la force des choses, l’expérience du terrain offre une appréhension un peu plus en profondeur des différents business avec une prise en compte des conséquences opérationnelles des décisions stratégiques.
Je fais la même distinction avec le monde des consultants en stratégie. Il y a des consultants qui sont très bons derrière leur bureau mais qui ont une compréhension de la réalité du business qui est un peu éloignée. Ils ont donc besoin d’avoir à leurs côtés des personnes qui ont cette expérience.

En tant qu’entrepreneur lorsque, par exemple, Artemis est entré au capital de Michel et Augustin en 2013, avez-vous senti ce décalage de compréhension entre ces deux mondes ?

Nous avons une petite anecdote avec Augustin (Paluel-Marmont) que nous aimons beaucoup à ce sujet. Nous avons eu la chance d’avoir Patrick Le Lay, ancien dirigeant de TF1, à nos côtés en qualité de représentant de notre actionnaire et de membre du conseil d’administration. Nous avions des réunions mensuelles stratégiques pour passer en revue l’état de notre business.
Un jour, en lisant la première ligne de notre rapport, il nous a félicité pour avoir fait 150 millions de chiffre d’affaires sur le mois…(rires). Lui qui était habitué aux métriques en millions ou en milliards du groupe TF1, était en léger décalage avec la réalité de notre structure qui, à l’époque, faisait un CA mensuel d’une centaine de milliers d’euros.
Passée l’anecdote, nous avons beaucoup aimé et appris en travaillant à ses côtés. Mais disons que parfois, les référentiels ne sont pas adaptés à des petites structures.
De notre côté, nous avons toujours cherché à nous faire aider. Dans notre entourage, nous avions par exemple, deux personnes qui, pour moi, ont joué le rôle d’operating partners : Patrick Mispolet et Matthieu Maillot, anciens patrons d’Orangina Schweppes. Ils nous ont beaucoup aidé sur toute la partie développement marketing et commercial de la marque ainsi que sur les relations avec la grande distribution.
Ces deux typologies d’accompagnement (Patrick Le Lay et le binôme Patrick Mispolet & Matthieu Maillot) étaient très différentes mais très utiles. Patrick et Matthieu ne laissant rien passer grâce à leur expérience de vétérans dans ce business.

Diriez-vous que, quel que soit le nom que l’on lui donne - Operating Partner, conseils, coach … - qu’ il est essentiel qu’un entrepreneur s’entoure de personnalités qui ont une véritable compréhension du business ?

Oui ! Un entrepreneur n’est ni omnipotent, ni omniscient. Avoir un écosystème autour de soi pour puiser des idées, des ressources, pour y tester ses innovations est crucial. Au-delà de l’expertise sectorielle, Il ne faut pas hésiter aussi à savoir s’entourer en fonction des questions : RH, financières ou stratégiques…
Et c’est l’une des raisons de la vague d’entreprenariat en France depuis 10 ans : avoir su créer un cadre autour d’eux pour ne pas les laisser seuls, à l’instar du Réseau Entreprendre qui propose un accompagnement par quelqu’un de bénévole et bienveillant.

Comment êtes-vous organisés au sein de Creadev pour proposer cet accompagnement nécessaire aux entreprises ?

Je ne sais si c’est l’ADN très entrepreneurial de Creadev qui veut cela mais nous avons deux typologies d’operating partners.
Il y a d’un côté, trois personnes salariées de la structure : une directrice financière, un ancien consultant en stratégie et une personne spécialisée dans les ressources humaines. Et, tous les trois apportent leurs compétences à nos participations de manière transversale.
A titre d’exemple : la CFO peut tout-à-fait intervenir sur tous les sujets concernant les financements bancaires, la structuration de dettes…Son rôle est d’apporter son expertise au bénéfice de Creadev comme à celui de l’entreprise.
Ensuite, nous nous appuyons sur des expériences sectorielles que nous recrutons dans le cadre d’un accompagnement spécifique. Nous avons par exemple, une entreprise, Nxt Food qui propose des protéines alternatives. Les équipes se doivent d’être dans la construction d’une marque de grande consommation. Nous nous appuyons donc sur l’expertise d’une spécialiste concernant ce déploiement. Dans ce cas, ce sont des personnes externes à Creadev, en prestation de services, choisies pour une entreprise ou plutôt pour la mise en place d’un axe stratégique au sein d’une entreprise. Nous les choisissons pour leur expérience du secteur mais aussi pour leur réseau.
Je reste d’ailleurs, très impressionné par la capacité de ces personnes à délivrer leurs connaissances marché et à faciliter la mise en relations avec les bonnes personnes.
Aujourd’hui, dans la partie Food/Agtech, nous faisons appel à 6/7 operating partners sur la vingtaine de participations. Les autres divisions, notamment la Santé, ont aussi les leurs dans les mêmes proportions.

D’après vous, le recours aux operating partners est-il en train de se généraliser au sein du Private Equity ?

Je ne sais pas si cela est en train de se généraliser. Mais cela se développe très fortement !
D’après moi, cela correspond à la maturité de ce marché du venture capital. Les acteurs ont aujourd’hui besoin de se différencier les uns des autres. Et, l’un des moyens pour y arriver est de proposer un accompagnement sur mesure aux entrepreneurs.
Par ailleurs, il y a le facteur marché. Lorsque la concurrence pousse à acheter des entreprises de plus en plus chères, il y a forcément un sujet de création de valeur durant la période où celle-ci est dans votre portefeuille. Rajouter cet accompagnement aux fondateurs pour les aider à gagner en performances, peut être déterminant.

En plus de la création de valeur, ne trouvez-vous pas que l’operating partner – à plus forte raison quand il est extérieur au fonds – contribue aussi à dissiper certaines incompréhensions entre investisseurs et entrepreneurs ?

Assez naturellement ! Entre entrepreneurs et investisseurs, il y a un rapport de confiance mais aussi de séduction. Ce système n’est pas toujours favorable aux rapports à 100 % dans la transparence même si nous convergeons vers cela, car c’est la clef de la performance sur le long terme.
Un entrepreneur aura peut-être plus de facilités à dire certaines choses à un operating partner qui ne fait pas partie des équipes de son investisseur.
Il se trouve que ces seniors advisors ou operating partners ont des expériences professionnelles précédentes relativement longues. Ils ont donc une habitude de la « dimension humaine ». Un de leurs talents est de savoir être à l’écoute pour éviter que des conflits ne se créent là où c’est inutile.

A propos de Michel de Rovira

Michel de Rovira est patron de la filière food pour Creadev depuis 2021, et pilote une équipe de 15 investisseurs à Paris, Singapour & New York. Il est en charge d’un portefeuille de 20 participations représentant 400M€ investis.
Michel avait démarré sa carrière en banque d’investissement à New York avant de rejoindre le cabinet de conseil en stratégie L.E.K. Consulting à Paris puis à Boston.
Après un MBA à l’INSEAD, il a co-fondé Michel et Augustin et co-dirigé l’entreprise pendant 15 ans avec la responsabilité des finances, du commerce et des opérations avant de céder l’entreprise en 2020 au groupe Danone.

A propos de Creadev

Creadev est une société d'investissement permanent opérant dans le monde entier, détenue par la famille Mulliez, fondatrice de l'une des plus grandes plateformes de vente au détail B2C au monde. Creadev s’associe avec des entrepreneurs innovants et passionnés, dont l'objectif est de créer un accès généralisé à des biens et services essentiels comme les soins de santé, la consommation durable et l'alimentation responsable. Basé à Paris, avec des bureaux à Lille, New-York, Singapour et Nairobi, Creadev investit dans des entreprises bien positionnées pour se développer et devenir des leaders mondiaux dans leurs secteurs respectifs. Lancée en 2002, Creadev a investi plus de 2 milliards d'euros dans des entreprises allant du capital-risque au
capital de croissance et au rachat.
Creadev

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Dimanche 26 Mai 2024




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