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Le choix de Madoff (4)

«J’ai rencontré Bernard Madoff entre 30 et 35 fois». Des premiers contacts au début des années 1990 à la révélation de la fraude le 11 décembre 2008, les associés de Genevalor Alberto et Stéphane Benbassat racontent leur relation d’affaires avec le financier déchu.


Le choix de Madoff (4)
«J’ai une mauvaise nouvelle: Madoff a été arrêté». Prévenu par son frère Alberto, Stéphane Benbassat se souvient avoir réveillé quelques clients proches le soir même du 11 décembre 2008.

Ce jeudi 11 décembre, la direction de Genevalor venait d’arriver dans une station de ski grisonne, pour un long week-end de brainstorming comme la société de gestion genevoise en organisait tous les six mois. Comme dans les films, une furieuse tempête de neige s’était abattue sur la région, empêchant deux des associés d’atteindre
les Grisons.

Arrivés vers 19h, trois des cinq associés dînent et regagnent leur chambre vers 12h30. Vers 22h40, quinze minutes après avoir avalé un dormicom, Stéphane reçoit un appel de son frère. «J’ai une mauvaise nouvelle : Madoff a été arrêté par le FBI. On ne sait pas pourquoi». Un associé de Genevalor avait appris la nouvelle de l’arrestation de la part d’une connaissance basée à Londres.

Les interrogations fusent dans la tête des Benbassat, très inquiets : l’arrestation était-elle liée à l’activité financière de Madoff ? Ou devait-il témoigner dans le cadre d’une autre affaire? Ou s’agissait-il de problèmes personnels ? Avec l’espoir que son arrestation n’ait rien à voir avec une fraude.

S’en suit une consultation effrénée de Bloomberg, qui finit par confirmer le pire : Madoff venait d’être arrêté pour ses activités financières. Sous le choc, Alberto appelle son épouse. Incrédulité, panique, choc: leur vie vient de basculer. Aujourd’hui, le choc est pratiquement toujours aussi vif, tant il est invraisemblable. S’être fait trompé pendant seize ans par une personne que l’on tenait en haute estime, le choc est rude et les remises en question, nombreuses. «Nous avons immédiatement appelé New York, trois fois, avec l’espoir de joindre Peter Madoff, le frère de Bernard, qui était le chef de la compliance de BMIS». Trois fois, la réceptionniste répond qu’il est «en meeting» et qu’il les rappellera dès que possible. Les frères Benbassat ne l’atteindront jamais, ni qui que ce soit d’autre, d’ailleurs. Le «meeting» de Peter Madoff était probablement avec le FBI. Le week-end de brainstorming a été annulé.

On ne connaît pas l’étendue des dégâts, mais il y aura probablement un impact sur les fonds.

«Dès le 12 au petit matin, après une nuit blanche, nous avons tenté d’appeler nos clients pour les informer que les fonds Madoff ne valaient vraisemblablement plus rien, qu’il s’agissait d’une fraude a priori totale, selon les premiers éléments dont nous disposions à l’époque».

La majeure partie des clients savaient que pour ces fonds, la stratégie était exécutée par une seule entité. Certains savaient qu’il s’agissait de BMIS, d’autres pas. Certains avaient même insisté lors des semaines précédentes pour que leur exposition à Madoff soit renforcée, suite à la faillite de Lehman Brothers mi-septembre et au
climat d’incertitude qui prévalait à l’époque.

Tous ceux appelés ces jours-là ont été eux aussi sidérés, au minimum. Une petite poignée s’est montrée agressive. Un seul a demandé «si nous allions faire un geste». Nombreux ont été ceux qui voulaient connaître exactement l’impact sur leurs avoirs.

Concernant les possibilités de dédommagement immédiates, elles étaient et restent inexistantes. «Nous n’avons pas la surface financière pour effectuer un «geste commercial », nous ne pourrions même pas rembourser 1% des avoirs de tous nos clients; nous avons choisi d’utiliser nos ressources pour lancer des procédures».

Le 12 au matin, dans le train qui les ramène des Grisons, les deux associés prennent contact avec plusieurs études d’avocats en Suisse et en Irlande, pour prendre les mesures nécessaires à la protection des investisseurs et lancer des poursuites contre les responsables.

Sébastien Ruche

Prochain épisode : «nous avons répondu à toutes les demandes d’information»

L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Jeudi 16 Décembre 2010




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