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Le Figaro et Auschwitz

Le Figaro et Auschwitz. En passant devant le château de Chillon, j’expliquais à un ami en visite qu’on avait pensé à le raser pour faire passer le chemin de fer, il y a cent ans.


David Laufer
David Laufer
Face à l’énorme bâtisse, l’idée paraît aujourd’hui aussi absurde que sacrilège : s’attaquer à des murs de 5 mètres d’épaisseur qui ont tenu bon durant 8 siècles, pour le seul plaisir de faire passer des touristes anglais en route vers les palaces de Zermatt. C’est qu’alors on n’entretenait pas le même rapport avec le passé. Ce rapport était vivant, quotidien, on ne ressentait donc pas le besoin d’en conserver des traces matérielles. On vivait comme son grand-père, on respectait les mêmes traditions et on connaissait dès son jeune âge l’endroit du cimetière l’on irait reposer plus tard, à côté de plusieurs générations portant le même nom.

Serge Klarsfeld, le célèbre « chasseur de nazis », a récemment fait des déclarations étonnantes et très représentatives de notre époque. Il s’inquiète de la détérioration du camp de Birkenau, particulièrement des baraques en bois où dormaient les prisonniers qui, on s’en doute, n’avaient pas été construites pour durer 60 ans et plus. Soulignant qu’il s’agit du dernier camp de concentration nazi presque complet, Klarsfeld pense que sa conservation représente une chance inouïe pour les générations à venir de comprendre, se souvenir, réfléchir à la Shoah. Un budget, à répartir sur quelques pays européens, est d’ailleurs prononcé : 120 millions d’Euros, pour maintenir lesdites baraques, et aussi trouver des moyens de conservation pour les tas de cheveux, de chaussures et de valises qui ont tendance à tomber en poussière face aux manipulations des quelque 1,3 millions de visiteurs annuels.

Pour louable et compréhensible qu’elle soit, je ne crois pas que cela soit une bonne idée. D’abord, parce que ces monuments sont l’œuvre de ce que la Terre a porté de plus effroyable dans l’humanité et que la destruction du mal passe aussi par des actes, passifs ou actifs. Une ruine, lente mais inéluctable, de cette architecture de l’horreur me semble autrement plus symbolique et efficace que sa conservation à tout prix. Même si elle peut servir à des fins pédagogiques, cette conservation me semble être aussi, d’une façon particulièrement perverse, une espèce de victoire des bourreaux sur les victimes, incapables d’en détacher leurs regards à jamais ébloui. La visite du camp de Westerbork, en Hollande, qui n’est plus qu’une clairière dans une forêt d’épicéas, m’avait profondément marqué par l’absence de toute trace. On était seul face à ce vide sacré, de toute façon incompréhensible pour celui qui n’y est pas passé, et il y avait quelque réconfort à savoir que, précisément, tout avait été détruit.

L’autre raison de ne pas conserver Birkenau à tout prix est plus désespérée. On n’a bien vu que toutes les preuves matérielles n’empêchaient pas les cuistres par milliers de remettre en doute, au nom d’une supposée science, la vérité historique. Comme certains doutaient encore, dans les années 60, de l’innocence de Dreyfus. Les cuistres ne voient que ce qu’ils veulent bien voir et même si tous les camps de travail et tous les camps d’extermination nazis étaient encore debout, ils nous abreuveraient quand même de leurs questions arithmétiques macabres. Ce ne sont pas quelques baraques en bois qui sauveront la mémoire des milliers d’innocents qui y sont passés.

La mémoire de ces victimes doit être défendue becs et ongles, sous peine de quoi c’est une seconde mort qui les menace. Mais il me semble parfaitement garanti que cette mémoire existe et survivra toutes les attaques qu’elle subit de la part de ces esprits malades et criminels, parce que, au bout du compte, la vérité trouve toujours son chemin à travers les mensonges. L’histoire de la femme de Lot, dans la Genèse, me semble pleine d’enseignements pour la présente situation. Se retournant sur Sodome en flammes, c'est-à-dire sur un passé corrompu, pleine de nostalgie et de regrets, elle se fait transformer en statue de sel, immobile et stérile. Et c’est un peu ce qui menace notre époque qui, au lieu de se souvenir et de réfléchir, préfère toucher quelques planches et quelques briques pour ressentir un frisson fugace et probablement inutile. Il faut laisser les morts reposer en paix et s’en souvenir. Et la meilleure façon de le faire, c’est de commencer par laisser s’écrouler, lentement, le lieu de leur martyre.

David Laufer
Partenaire expert CFO-news

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Lundi 9 Mars 2009




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