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Un pont trop loin pour la BNS

Le Franc Suisse est le nouveau Deutschemark. Il n’y a probablement pas de quoi s’en réjouir outre mesure mais la raréfaction – à la faveur de le crise aigue – d’actifs sécuritaires et inspirant toute confiance a eu pour effet de gonfler des bulles touchant les rares investissements jugés encore qualitativement fiables par temps de grandes tourmentes. C’est ainsi que la très impressionnante appréciation de la devise helvétique ces mois derniers – certes consécutive au marasme européen – a été en outre nettement amplifiée par une quête quasi désespérée des rares actifs AAA encore à disposition de toute la gamme des investisseurs et des spéculateurs.


Michel Santi
Michel Santi
Pourtant, malgré la place prépondérante de la Suisse dans le système financier mondial et en dépit des avantages et profits considérables apportés par la globalisation au pays, sa banque centrale (la Banque Nationale Suisse) a tout récemment cru sonner la fin des réjouissances en déclarant la guerre à des marchés et à des systèmes ayant jusqu’à un passé très récent incontestablement profité à son pays. Pourtant, la BNS – qui avait déjà chèrement payé en 2010 (plus de 20 milliards de francs) le prix de ses interventions ratées pour affaiblir sa monnaie – devrait savoir que ce type de manœuvres (je n’ai pas dit « manipulations ») est irrémédiablement voué à l’échec. Pourquoi la respectée (petite) banque centrale d’une nation elle-même jugée sérieuse ayant notablement amélioré son niveau de vie grâce à la mondialisation déclarerait-elle aujourd’hui une guerre (perdue d’avance) et rejoindrait-elle le club des manipulateurs ? Après le Japon champion toutes catégories des interventions sur les Changes mais également sur ses marchés obligataires, après la Chine – qui s’acharne depuis des années à maintenir sa propre devise à des niveaux injustifiables -, après les Etats-Unis qui, du haut de leurs multiples baisses de taux quantitatives, tordent leurs taux d’intérêts dans tous les sens, après le Brésil ou la Corée qui ont récemment adhéré à ce club en freinant la hausse de leurs monnaies respectives… il va de soi que notre monde n’est strictement plus en état de tolérer ni d’ingérer l’interventionnisme d’une nouvelle nation !

Car il est un fait indéniable que cette crise a révélé, c’est que les banques centrales ne sont pas omnipotentes. De surcroît, quand elles étaient encore parées de leur aura de crédibilité et de puissance, le préalable sine qua non au succès (au moins sur le court terme) de leur entrée sur les marchés consistait en une concertation de leurs interventions. La BNS donc échouera dans cette nouvelle guerre qu’elle vient de déclarer et il y a d’autant plus à craindre que cette lutte ne soit pour elle la lutte de trop qu’elle se retrouve toute seule à la mener ! Ayant effectivement d’autres chats (géants et agonisants) à fouetter, la BCE s’est ainsi empressée d’annoncer que ces interventions décrétées par la BNS et visant à affaiblir le franc suisse étaient de « sa seule responsabilité »… Et pour cause puisque la BCE voit en effet ces achats d’Euros d’un très mauvais œil : Euros qui ne pourront être réinjectés que dans les Bons du Trésor allemands et français (qui sont AAA) et qui auront donc pour effet immédiat d’aggraver le différentiel (spread) entre les papiers valeurs du Nord de l’Europe et des pays dits « périphériques » ! Ou comment la Suisse offre sa propre contribution à la déstabilisation de l’Union Européenne tout en apportant de l’eau au moulin des amateurs de francs suisses.

Comment la BNS tiendra-t-elle son engagement de préserver le niveau Euro/Suisse de 1.20 et combien devra-t-elle dépenser pour défendre sa crédibilité ? En réalité, le marché des Changes étant le plus vaste et le plus liquide au monde, il n’y a virtuellement pas de limite à la quantité de francs suisses qu’elle serait conduite à vendre et qui pourrait se chiffrer en centaines de milliards, voire en un millier de milliards de francs afin de contre balancer la boulimie globale en actifs de qualité ! Ne nous y trompons pas : les marchés poseront très prochainement cette question et y amèneront leur propre réponse envers en contre la BNS qui devra alors encaisser des pertes sans commune mesure avec celles douloureusement enregistrées l’an dernier. Et les divers secteurs de l’activité helvétique comme ses industries et ses exportateurs – applaudissant des deux mains aujourd’hui à ce regain d’interventionnisme de leur banque centrale - se rendront alors compte de la gigantesque addition de ces vaines tentatives d’affaiblir leur monnaie. Sans même évoquer les effets collatéraux « mécaniques » de cet activisme qui se traduiront en une reprise de l’inflation et en une ruée hors des actifs boursiers helvétiques. Lors de la précédente phase interventionniste de la BNS à la fin des années 70, l’inflation n’avait-elle en effet pas grimpé de 1 à 7% entre 1978 et 1981 ? Du reste, du point de vue de l’investisseur global très méfiant dès lors que les fluctuations des marchés sont perturbées par des agents exogènes, pourquoi les bourses des valeurs d’une nation convertie à la manipulation des marchés exerceraient-elles encore un attrait ?

A la vérité, cette spectaculaire résolution de la BNS de défendre coûte que coûte ce palier de 1.20 de la parité Euro/Franc Suisse est probablement le pari financier – et politique – le plus risqué de l’Histoire de la Suisse. Comment des autorités dont on attend un minimum de sérieux et de pondération peuvent-elles bien se lancer dans une telle partie de poker ?

Michel Santi
Economiste et Analyste Financier (indépendant)
www.gestionsuisse.com

Mercredi 21 Septembre 2011




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