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Telephone, grille-pain, lave-linge : rest in peace

Une affaire somme toute banale. Le bureau où je squatte à Paris a du récemment acheter un nouveau combiné de téléphone, le précédent donnant des signes de faiblesse peu compatibles avec une poursuite d'activité sans risque de rupture. Cette situation était a priori frustrante, le combiné précédent étant un achat récent. Passant non loin d'une chaîne de distribution de produits grands public, le gérant de l'entreprise-hôte et moi-même y allons pour y acheter un nouveau combiné. Le vendeur, honnête me semble-t-il, répond 2 ans à notre question sur l'obsolescence programmée de l'objet de notre choix :2 ans, soit la durée de la garantie.


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
J'aurais pu écrire la même histoire sur l'effrayante consommation de grille-pain dont ma famille se rend coupable mais je suis responsable de la fin prématurée de l'avant-dernier : j'y ai malencontreusement fait griller un couteau à manche plastique, je plaide coupable. De même, mon premier lave-linge a servi sans faiblir pendant 20 ans, et son remplaçant n'a qu'une espérance de vie de 5 ans, tout comme le nouveau lave-vaisselle. Les DVD sensément réinscriptibles sont en fait des quasi-consommables. J'ai perdu le compte des ordinateurs qui ont supporté mon travail. Mon téléphone (prétendument) intelligent a 3 ans et donne des signes de faiblesse, et bon nombre d'applications le considèrent comme trop vieux pour que je puisse effectuer une mise à jour vers leurs versions les plus récentes. Les fermetures éclair n'ont plus la solidité d'antan … brisons-là.

Du temps où je n'avais pas encore claqué la porte de la DFCG, j'ai pu y assister à la présentation d'un nouveau livre - sensément une bible - sur le développement durable, écrit collectivement par des membres d'un grand cabinet d'audit et de conseil, et édité par l'affiliée d'un grand cabinet d'avocat. Cet ouvrage était même offert aux participants. Pervers que je suis, j'avais tout de suite cherché « obsolescence programmée » dans l'index. Rien, choux-blanc, que dalle, nichts, niente, nada, ensemble vide. J'en ai fait la remarque à l'orateur, il a pudiquement abondé, s'en est étonné, puis est passé rapidement à autre chose.

Vous avez vos propres anecdotes qui corroborent les miennes. En bref, les biens durables le sont de moins en moins, le « mean time between failure » (1) est calculé au plus juste au dessus du seuil de garantie, les objets sont conçus pour ne plus être réparables et tout le monde est condamné à ce device-zapping (2) et semble trouver ça normal, dans l'indifférence la plus générale. Le business se gausse éperdument des considérations écologiques, et sa seule ambition est de faire tomber ce qu'il vend en panne non réparable juste après l'expiration de la garantie explicite ou implicite (3), afin de recréer une opportunité de vente.

Pourtant les technologies durables existent, et il n'y a pas fatalités à ce qu'un appareil électronique cesse de fonctionner au bout d'un court laps de temps. Demandez aux militaires s'ils accepteraient de changer toute l'électronique d'un système d'arme, d'un avion, d'un bâtiment tous les 5 ans. De même, la diversité programmatique des laves-linge est-elle assez usitée pour être justifiée ? Comment expliquer les faiblesses mécaniques constatées quand la robustesse des produits d'il y a 25 ans témoigne d'un tonitruant « Nous avons pu » ? Je ne serais pas tranquille lors d'un vol si j'imaginais un seul instant que l'électronique embarquée dans l'avion était de même facture que l'électronique domestique à laquelle j'ai accès.

Il est choquant de voir que l'intelligence collective parvient à allonger considérablement la durée de vie des humains (4 mois par an) et qu'elle refuse aussi obstinément et aveuglément de se pencher sur comment faire durer les biens a priori durables plus longtemps. A cause d'intérêts à court terme et sans considération pour l'écosystème.

Le jour où je pourrais acheter à un prestataire des cycles de lavages dans la machine qu'il installera chez moi et dont il assurera la maintenance, je pense que la durée de vie de l'appareil et sa maintenabilité seront revues singulièrement à la hausse. Mais il faut aussi changer nos manières de penser.

Je souhaite pouvoir lire un jour sur l'étiquetage de l'objet en rayon une estimation fiable et sincère de sa durée de vie estimée, « opposable » à son distributeur ou à son producteur/importateur.

Je ne suis pas en train de souhaiter l'abolition de l'usure (ce serait ridicule), mais je déplore que les objets soient si peu réparables, au détriment de l'écologie et des emplois de proximité qui pourraient exister.

En ces temps de consommation irrépressible et compulsive, je suis sans doute un bien triste sire, un pathétique Don Quichotte qui veut s'abîmer sur des moulins trop gros pour moi. Mais nous sommes collectivement engagés dans une impasse écologique, et nul ne donne l'impression ni de faire demi-tour, ni même de vouloir ralentir. Les chantres de la croissance consumériste pourront m'appeler Cassandre : c'est l'un des plus beau compliment professionnel que j'ai jamais reçu.

(1) Mean time between failure : la période entre deux pannes (ou de la mise en service à la première panne)
(2) Néologisme qui décrit la facilité déconcertante de passer d'un appareil à son successeur
(3) Je ne sais pas si ce concept de garantie implicite existe, mais je le définirais comme la durée de vie / de fonctionnement minimum d'un objet, qui, si elle n'était pas respectée, générerait une frustration disqualifiant irrémédiablement le producteur lors du remplacement de l'achat.


Vendredi 21 Décembre 2012




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