Marc Touati
1. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a décrit la réforme des retraites présentée mardi 27 août comme « responsable, juste, équilibrée et structurelle. » Peut-on tout d'abord considérer qu'elle est structurelle et suffisante alors que le gouvernement s'en tient à un allongement de la durée de cotisation à 43 annuités à compter de 2035 ?
Il ne s'agit que d'une réformette qui ne résout absolument pas le problème structurel de financement de la retraite par répartition. Lorsque cette dernière a été créée et jusqu'au début des années 1970, on comptait près de 3,5 actifs pour un retraité. Le financement de ce système consistant à faire payer les retraités par les actifs ne posait donc aucun problème. Pourtant, on savait déjà que ce « système Ponzi » finirait forcément par exploser à partir du moment où les effets du baby-boom de l'après-guerre s'inverseraient. « Dans les années 2010 », disait-on à l'époque, et cela paraissait bien loin. Aujourd'hui, on ne recense plus que 1,51 actif pour un retraité. À l'instar du système Madoff qui s'est effondré lorsque les nouveaux cotisants n'étaient plus suffisamment nombreux par rapport aux anciens, le système de retraite par répartition à la française est voué à l'explosion. Souligner une telle réalité ne relève pas de la politique, ni même de l'économie, mais tout simplement de la mathématique. Pourtant, en dépit d'une telle évidence, les dirigeants français continuent de vouloir maintenir le statu quo, à quelques artifices près.
2. La réforme des retraites de Jean-Marc Ayrault ne table pas sur une convergence des régimes spéciaux et du régime général. Les disparités de calcul des pensions des régimes du privé et du public sont également maintenues. Peut-on dans ces conditions parler de réforme juste ? Ou une réforme juste impliquerait-elle de supprimer les régimes spéciaux ?
Effectivement, nous sommes très loin d'une véritable justice. Chaque individu est capable de comprendre que s'il vit plus longtemps (et c'est tant mieux), il doit forcément cotiser plus pour garder le même niveau de prestations retraites qu'avant. En revanche, il doit aussi avoir la certitude que ces cotisations supplémentaires ne serviront pas simplement à entretenir le « mammouth » ou à payer des personnes qui ont beaucoup moins cotisé que lui. La suppression des régimes spéciaux est inévitable si l'on veut sauver le système de retraite par répartition, mais le gouvernement actuel, comme d'ailleurs ses prédécesseurs depuis vingt ans, a eu peur de s'attaquer à ce dogme.
3. La réduction du déficit du système de retraite passera par une augmentation des cotisations sociales (salariales et patronales) et donc un alourdissement du coût du travail. En procédant ainsi, le gouvernement ne bat-il pas en brèche la recommandation émise dans le rapport Moreau de rendre le système des retraites « moins sensible aux variations de la croissance » ?
Tout alourdissement du coût du travail est une erreur stratégique et ne fera qu'aggraver la mollesse de l'économie française, avec faible croissance et chômage élevé à la clé. Plus globalement, la réformette Ayrault se contente d'établir des prévisions de croissance et de chômage irréalistes, avec des colmatages de brèches en tous genres, des saupoudrages de mesurettes et une augmentation des impôts qui pèsera principalement sur les entreprises. Autrement dit, beaucoup de bruit et de marketing pour pas grand-chose et surtout pour beaucoup d'inefficacités.
4. Si le gouvernement souhaite effectivement réduire le coût du travail doit-on s'attendre à une hausse de la CSG en 2014 en compensation du manque à gagner d'une réduction des charges patronales ?
Surtout pas. Nous avons déjà l'une des pressions fiscales les plus élevées du monde. L'aggraver encore serait suicidaire pour notre croissance et nos emplois. Ne l'oublions pas, pour résoudre définitivement le problème du financement de ces retraites, il faut d'abord restaurer durablement la croissance. Or, pour y arriver, il est indispensable de réduire la pression fiscale qui pèse sur les entreprises et les ménages, tout en diminuant les dépenses publiques de fonctionnement.
5. Est-ce que les mesures proposées peuvent s'avérer non seulement inefficaces mais aussi nocives économiquement ?
Malheureusement oui, puisqu'elles vont casser le peu de croissance qui nous reste et aggraver le chômage. Compte tenu de la faible crédibilité de cette réforme, il faut également se préparer à une nouvelle dégradation de la note de la dette publique française dans les prochains mois. D'où une augmentation des taux d'intérêt, impliquant moins de croissance, plus de déficits, plus de trous des retraites et de la sécu…
6. En quoi consisterait une réforme des retraites véritablement juste et structurelle ?
Parallèlement à la restauration de la croissance (évoquée plus haut), la solution devra passer par une plus grande responsabilisation des Français face à leur retraite et par une harmonisation de l'ensemble des systèmes. Ensuite, chacun pourra choisir : partir tard ou tôt à la retraite et, en fonction de son choix, recevoir plus ou moins de pensions. Dans le même temps, il faudra forcément soutenir le système par répartition avec une retraite par capitalisation qui permettra aux retraités de toucher l'ensemble des sommes collectées pendant leur vie active, soit d'un seul coup, soit sous forme de rente.
Les deux mots clés du sauvetage de la retraite française sont donc « responsabilité » et « liberté ». Il n'est plus possible de continuer à entretenir la déresponsabilisation des Français à l'égard de l'économie en général et des systèmes sociaux en particulier, en trouvant constamment des boucs émissaires à nos problèmes, et en défendant qu'il suffit d'augmenter les impôts pour résoudre les questions difficiles.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Il ne s'agit que d'une réformette qui ne résout absolument pas le problème structurel de financement de la retraite par répartition. Lorsque cette dernière a été créée et jusqu'au début des années 1970, on comptait près de 3,5 actifs pour un retraité. Le financement de ce système consistant à faire payer les retraités par les actifs ne posait donc aucun problème. Pourtant, on savait déjà que ce « système Ponzi » finirait forcément par exploser à partir du moment où les effets du baby-boom de l'après-guerre s'inverseraient. « Dans les années 2010 », disait-on à l'époque, et cela paraissait bien loin. Aujourd'hui, on ne recense plus que 1,51 actif pour un retraité. À l'instar du système Madoff qui s'est effondré lorsque les nouveaux cotisants n'étaient plus suffisamment nombreux par rapport aux anciens, le système de retraite par répartition à la française est voué à l'explosion. Souligner une telle réalité ne relève pas de la politique, ni même de l'économie, mais tout simplement de la mathématique. Pourtant, en dépit d'une telle évidence, les dirigeants français continuent de vouloir maintenir le statu quo, à quelques artifices près.
2. La réforme des retraites de Jean-Marc Ayrault ne table pas sur une convergence des régimes spéciaux et du régime général. Les disparités de calcul des pensions des régimes du privé et du public sont également maintenues. Peut-on dans ces conditions parler de réforme juste ? Ou une réforme juste impliquerait-elle de supprimer les régimes spéciaux ?
Effectivement, nous sommes très loin d'une véritable justice. Chaque individu est capable de comprendre que s'il vit plus longtemps (et c'est tant mieux), il doit forcément cotiser plus pour garder le même niveau de prestations retraites qu'avant. En revanche, il doit aussi avoir la certitude que ces cotisations supplémentaires ne serviront pas simplement à entretenir le « mammouth » ou à payer des personnes qui ont beaucoup moins cotisé que lui. La suppression des régimes spéciaux est inévitable si l'on veut sauver le système de retraite par répartition, mais le gouvernement actuel, comme d'ailleurs ses prédécesseurs depuis vingt ans, a eu peur de s'attaquer à ce dogme.
3. La réduction du déficit du système de retraite passera par une augmentation des cotisations sociales (salariales et patronales) et donc un alourdissement du coût du travail. En procédant ainsi, le gouvernement ne bat-il pas en brèche la recommandation émise dans le rapport Moreau de rendre le système des retraites « moins sensible aux variations de la croissance » ?
Tout alourdissement du coût du travail est une erreur stratégique et ne fera qu'aggraver la mollesse de l'économie française, avec faible croissance et chômage élevé à la clé. Plus globalement, la réformette Ayrault se contente d'établir des prévisions de croissance et de chômage irréalistes, avec des colmatages de brèches en tous genres, des saupoudrages de mesurettes et une augmentation des impôts qui pèsera principalement sur les entreprises. Autrement dit, beaucoup de bruit et de marketing pour pas grand-chose et surtout pour beaucoup d'inefficacités.
4. Si le gouvernement souhaite effectivement réduire le coût du travail doit-on s'attendre à une hausse de la CSG en 2014 en compensation du manque à gagner d'une réduction des charges patronales ?
Surtout pas. Nous avons déjà l'une des pressions fiscales les plus élevées du monde. L'aggraver encore serait suicidaire pour notre croissance et nos emplois. Ne l'oublions pas, pour résoudre définitivement le problème du financement de ces retraites, il faut d'abord restaurer durablement la croissance. Or, pour y arriver, il est indispensable de réduire la pression fiscale qui pèse sur les entreprises et les ménages, tout en diminuant les dépenses publiques de fonctionnement.
5. Est-ce que les mesures proposées peuvent s'avérer non seulement inefficaces mais aussi nocives économiquement ?
Malheureusement oui, puisqu'elles vont casser le peu de croissance qui nous reste et aggraver le chômage. Compte tenu de la faible crédibilité de cette réforme, il faut également se préparer à une nouvelle dégradation de la note de la dette publique française dans les prochains mois. D'où une augmentation des taux d'intérêt, impliquant moins de croissance, plus de déficits, plus de trous des retraites et de la sécu…
6. En quoi consisterait une réforme des retraites véritablement juste et structurelle ?
Parallèlement à la restauration de la croissance (évoquée plus haut), la solution devra passer par une plus grande responsabilisation des Français face à leur retraite et par une harmonisation de l'ensemble des systèmes. Ensuite, chacun pourra choisir : partir tard ou tôt à la retraite et, en fonction de son choix, recevoir plus ou moins de pensions. Dans le même temps, il faudra forcément soutenir le système par répartition avec une retraite par capitalisation qui permettra aux retraités de toucher l'ensemble des sommes collectées pendant leur vie active, soit d'un seul coup, soit sous forme de rente.
Les deux mots clés du sauvetage de la retraite française sont donc « responsabilité » et « liberté ». Il n'est plus possible de continuer à entretenir la déresponsabilisation des Français à l'égard de l'économie en général et des systèmes sociaux en particulier, en trouvant constamment des boucs émissaires à nos problèmes, et en défendant qu'il suffit d'augmenter les impôts pour résoudre les questions difficiles.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Autres articles
-
Mon Ami Poto, la nouvelle fintech solidaire très blockchain de Ryad Boulanouar, fondateur de Nickel
-
KissKissBankBank roucoule désormais avec Ulule
-
Tether met fin à son stablecoin, l'EURT
-
Bleap, le nouveau projet de compte bancaire blockchain, lève 2,3 millions de dollars
-
Bangk, une ICO pour un projet de néobanque éthique et décentralisée