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Réforme du code civil : préparez-vous !

Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.


Dans un contexte d’inflation législative, de refonte de codes, ou de soi-disant simplification, une réforme se distingue des autres par la portée qui lui est donnée : la réforme d’un des blocs fondamentaux du code civil, portant sur les obligations et le contrat.

Bien que l’objectif soit de moderniser le code et de permettre à tous de mieux connaitre la règle de droit régissant leurs relations contractuelles, le texte, incroyablement dense, soulève un grand nombre de questions ou de difficultés. Il est donc important de s’interroger sur ce que cela implique pour les entreprises.

Le Code civil : « la constitution civile des français »[1]

Promulgué le 30 ventôse an XII (21 mars 1804), par Napoléon Bonaparte, le code civil est le fondement du droit civil français et, plus largement, de tout le droit français.

Rappelons qu’il pose les règles générales s’appliquant dans les relations entre personnes privées, à la différence des codes spécialisés (comme le code de commerce s’appliquant dans les relations entre professionnels ou encore le code de la consommation s’appliquant dans les relations entre professionnels et consommateurs).

Si le Code civil a inspiré le système juridique de nombreux pays, il a perdu de son attractivité.

Sur quoi porte la réforme ?

La réforme ne porte que sur le droit des obligations, le droit commun des contrats et la preuve des obligations.

Une réforme complémentaire est attendue sur la responsabilité[2].

Cette réforme est présentée comme le premier changement significatif depuis 200 ans. À la différence des modifications opérées pour transposer le droit communautaire, l’objet est ici de refondre des définitions et concepts juridiques français, tout en préservant une cohérence globale du droit civil français.

Entrée en vigueur
Le 1er octobre 2016.
Attention :
- Les contrats conclus avant cette date demeureront soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion.
Une exception cependant pour les toutes nouvelles « actions interrogatoires » qui s'appliqueront aux contrats en cours dès le 1er Octobre (voir ci-après).

- Les instances judiciaires en cours avant cette date sont poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne (cette règle s'applique également en appel et en cassation).

Portée du nouveau texte concernant le contrat

La plupart des dispositions sont supplétives (à savoir qu’elles s’appliquent par défaut si elles ne sont pas exclues par les parties), sauf celles qui sont d’ordre public (article 1101).
Les dispositions sont d’ordre général et elles ne s’appliquent pas dans les cas où existe par ailleurs des règles particulières (article 1104).

Quelle est l’utilité de cette réforme ?

1. Elle a pour objet de rendre le droit plus accessible et lisible

Si « nul n’est censé ignorer la loi », force est de constater qu’aujourd’hui la seule lecture du code civil ne nous permet pas de connaitre l’état du droit. Le code a fait l’objet de nombreuses interprétations, adaptions voire modifications (y compris contrat legem) par la jurisprudence. Et parfois jurisprudence varie…

L’un des objectifs de la réforme est d’intégrer dans le code les solutions de la jurisprudence (par exemple la jurisprudence « Chronopost » et « Faurecia », sur le fait que les clauses limitant la responsabilité ne doivent pas vider le contrat de sa substance), parfois en les adaptant et, plus exceptionnellement, en les contredisant (par exemple, sur le régime de la promesse, qui dorénavant privilégie l’exécution forcée et non les dommages et intérêts, ou encore avec l’introduction de l’« imprévision » qui sonne la fin de la jurisprudence « canal de Craponne »).

Ce faisant, le droit français retourne à sa philosophie fondamentale, qui le différencie de celui des pays de « Common law » : la règle de droit se trouve « par avance » dans le code et n’est pas établie au cas par cas par la jurisprudence, ce qui la rend plus facile à trouver, lui donne un caractère plus général et offre d’avantage de sécurité juridique.

2. Elle a aussi pour objet de moderniser et clarifier le code

La partie du code objet de la réforme a été réorganisée dans la présentation logique des principes.

Certaines notions juridiques complexes (par exemple, la « cause ») ou considérées comme peu pertinentes (par exemple l’ « obligation de faire » ou « de donner ») sont abandonnées et d’autres sont introduites ou définies (par exemple, le « contrat d’adhésion », la « promesse », la « force majeure ».). Des dispositions sont reformulées pour plus de clarté. Des définitions sont précisées (par exemple « résolution » et « résiliation »).

La réforme précise le régime de la négociation du contrat (avec notamment l’obligation générale d’information, et la définition de l’indemnisation ) et celui de la formation des contrats avec notamment les règles de l’« offre » et l’« acceptation », et leur éventuelle rétractation ou caducité, la règle de calcul des dommages et intérêts, et la théorie de la réception. Le régime de l’inexécution du contrat (sanctions et exception d’inexécution) est aussi précisé.

La réforme introduit des innovations dont certaines sont réclamées depuis longtemps pour simplifier la pratique commerciale, comme par exemple, la « cession de contrat » ou la « cession de dette » et la disparition de la signification par huissier dans la cession de créance, l’affirmation du principe de caducité des contrats dans les ensembles contractuels.

Elle introduit aussi 3 actions interrogatoires[3] en matière de : pacte de préférence, mandat apparent et de nullité relative. Il s'agit de dispositifs destinés à permettre à une partie de mettre fin à une situation d'incertitude, sans porter atteinte aux contrats.

3. Elle donne dans certains cas un pouvoir d’action unilatérale aux parties par priorité à l’intervention du juge

La réforme donne un certain nombre de pouvoirs d’action unilatérale aux parties concernant notamment la fixation du prix dans un « contrat cadre » ou une « prestation de services », la demande de révision du prix en cas d’ « inexécution », la résolution du contrat en cas d’inexécution ou la suspension du contrat dans le cadre de l’« exception d’inexécution ». Ce pouvoir est néanmoins encadré a posteriori par le juge.

4. Elle devrait faciliter le commerce international et permettre la restauration de l’aura du droit français

Certaines règles ont été ajoutées pour intégrer des concepts développés par les projets européens ou internationaux d’harmonisation du droit[4].

Or, il y a un enjeu économique d’importance stratégique à ce que le droit français ne soit pas délaissé au profits d’autres droits pour régir les contrats internationaux, de même pour que la place de Paris reste un lieu de référence pour l’arbitrage.

Mais ces objectifs sont-ils entièrement atteints ?

1. Sécurité juridique

Si l’effort de codification de la jurisprudence permet d’apporter une stabilité et sécurité juridique, on peut d’ores et déjà prévoir, qu’à l’inverse, certaines innovations vont nourrir un contentieux important.

Pour ne prendre pour exemple que la disposition sur l’ « imprévision » (en anglais « hardship »), annoncée en grande pompe, elle n’apporte pas de solution véritable mais de vrais champs d’incertitude. Il en va de même pour les actions interrogatoires.

Certaines définitions aussi laissent perplexes (par exemple, celle du « contrat à exécution successive ») et certaines dispositions laissent place à une interrogation (par exemple : la clause résolutoire doit-elle comme par le passé indiquer que son application est de « plein droit » ?).

2. Rôle du juge

Une fois la liberté contractuelle affirmée, la réforme introduit à diverses reprises, souvent expressément, l’intervention du juge, jusqu’à lui accorder dans certains cas un pouvoir de détermination du contenu des obligations des parties (par exemple dans le cadre de l’ « imprévision ») !

De plus, le code utilise des standards ou qualifications relatives qui nécessitent une intervention du juge.

Le premier d’entre eux est la « bonne foi », qui reste un élément essentiel de notre droit civil et se retrouve maintenant à tous les niveaux de la relation (avant, pendant et à la fin de la relation). Pour apprécier les contours de ce principe, il faudra donc examiner la jurisprudence et non le code. Ce n’est pas nouveau en soi, mais ceci nous éloigne donc de la pure conception civiliste et de la « sécurité juridique ».

Il y a aussi des notions sujettes à interprétation, telles que « abusif » « anormal », « excessif », « légitime », « grave », « substantiel », « manifeste »…

Ce sont, selon le Professeur Laurent Aynès, des incidences où le juge est « appelé à compléter la norme »[5] sous le contrôle de la Cour de cassation, « car il ne s’agit pas ici d’appréciation de faits ».

Par ailleurs, le code prévoit que ses dispositions sont de nature supplétives sauf si elles sont d’ordre public, mais seules très peu de clauses sont expressément d’ordre public. Là encore, le juge pourra être amené à intervenir pour préciser si une disposition est ou non d’ordre public.

3. La volonté de protéger le plus faible

La réforme introduit un certain nombre de dispositions visant à protéger la partie la plus faible. Il s’agit notamment de l’extension du vice du consentement pour violence à l’abus de « l’état de dépendance » de l’autre partie, lorsque le cocontractant a tiré « un avantage excessif de la situation ».

Il s’agit surtout de l’introduction de la notion des clauses abusives, mais qui a cependant été restreinte aux contrats d’adhésion. On peut s’interroger de ce grand écart opéré par la réforme entre la protection des consommateurs et la lutte contre les pratiques restrictives de concurrence, en introduisant la notion de « déséquilibre significatif » dans un contexte a priori si limité.

Certains y ont vu une contradiction avec le principe même de liberté contractuelle pourtant réaffirmé dans le code. D’autres, comme le Professeur Thierry Revet[6] , y voient au contraire la reconnaissance de ce que certains contrats sont soustraits à la négociation, et que seules les stipulations effectivement négociées bénéficient de la « sanctuarisation » du contrat.

4. Oublis

On peut regretter que la réforme n’ait pas intégré des notions aussi fondamentales que l’« obligation de résultat » et l’« obligation de moyen », développées par la jurisprudence. Bizarrement ce n’est pas n’ont plus le cas dans l’avant-projet sur la réforme du droit de la responsabilité.

5. Une période transitoire compliquée

Les tribunaux vont continuer à appliquer le droit antérieur aux contrats conclus avant le 1er Octobre 2016 mais on peut imaginer que la jurisprudence va évoluer pour se rapprocher des nouvelles dispositions. Il n’est pas certain cependant que ce soit le cas pour les solutions qui sont radicalement contraires à la jurisprudence actuelle.

Il faudra que les juges soient à même de jongler non seulement avec les nouveaux régimes et concepts mais aussi avec l’application de la loi dans le temps. La transition pourrait durer plusieurs décennies sur certains contrats. Il est prévu que les juges reçoivent une formation spécifique à cet effet.

Il faudra aussi que les entreprises déterminent si leur contrat à reconduction tacite se « renouvelle » (à savoir qu’il constitue un nouveau contrat soumis aux nouvelles dispositions) ou se « proroge » (à savoir reste régi par l’ancien régime).

En conclusion, il est temps de vous préparer

Il faut vous préparer dès aujourd’hui à cette réforme, qui aura un impact sur la rédaction de tous vos contrats. La réforme est incroyablement dense et ne se limite pas aux dispositions les plus commentées (comme l’imprévision ou les clauses abusives). La majorité des règles ont un caractère supplétif et vous devrez identifier celles dont vous avez intérêt à exclure ou à organiser d’avantage l’application, notamment dans les conditions générales. Compte tenu de l’incertitude introduite par certaines des nouvelles dispositions cet exercice semble indispensable.

De même, le contentieux va être moins prévisible sur un certain nombre de sujets, certaines règles ayant changé et d’aucunes accordant de grands pouvoirs aux juges. Il faudra éviter de se jeter dans l’arène sans préparation ou mal conseillé.

N’hésitez pas à faire appel à nous pour vous assister dans ce nouveau dédale.
[1] Dixit le doyen Jean Carbonnier
[2] Une consultation publique a d’ailleurs été lancée le 29 avril 2016 sur un avant-projet de loi http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-soumis-a-concertation-10179/reforme-du-droit-de-la-responsabilite-civile-28936.html
[3] articles 1123 alinéas 3 et 4, 1158 et 1183
[4] Par exemple les principes UNIDROIT, les principes du droit européen des contrats de la commission Lando, le projet de code européen des contrats ou code Gandolfy, les travaux de l’association Henri Capitant ayant abouti aux Principes Contractuels Communs…)
[5]Article de Laurent Aynès « Le juge et le contrat ; nouveaux rôles ? » dans Revue des contrats Avril 2016 Hors série
[6] Article de Thierry Revet « Une philosophie ? » dans Revue des contrats Avril 2016 Hors série

La Revue est une publication du cabinet d'avocats Squire Patton Boggs, partenaire chroniqueur de votre quotidien Finyear.
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Mardi 24 Mai 2016




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