Rémy Mahoudeaux
Ingratitude ?
C’était mon soupçon immédiat lorsque Hania Gouttiere nous a informé que le taux de syndicalisation était de 12 % en Pologne. Après tout, le rideau de fer et l’idéologie néfaste qui le cimentait ne sont-ils pas tombés (en partie bien sûr) grâce à un Pape et un syndicat polonais ? Mais si le sentiment des salariés est que l’entreprise est une seconde famille, et que la culture d’évitement des conflits prévaut, alors peut-être qu’il n’est contextuellement pas nécessaire de se syndiquer. Elle souligne en outre le complexe dont souffrent les dirigeants polonais vis à vis des autres pays, la Pologne ayant vécu près de 50 ans avec des entreprises d’état exclusivement.
Le poids du papier timbré
José Miguel Garcia nous a parlé de la place incontournable du notaire espagnol qui continue de peser sur la vie et les actes des entreprises. Par ailleurs, les 80 % d’entreprises espagnoles qui sont familiales, sont assez peu syndiquées. Enfin il nous parle de l’impérieuse nécessité dictée par la crise très violente subie par l’Espagne d’aller chercher ailleurs des débouchés qui n’existaient plus localement. Les dirigeants espagnols et leurs entreprises ont du s’adapter à cette nouvelle donne et surmonter les difficultés et réticences qu’ils éprouvaient à franchir les frontières.
Le contrat d’abord
Créer une société en ligne en 10 minutes pour 30 livres, la liquider pour 15. Constater que les syndicats n’existent pas chez les petites et moyennes entreprises. Acter que le dirigeant dirige, éventuellement seul. Signer des contrats de travail pour 0 heures et favoriser la flexibilité tant pour les salariés que pour les entreprises. S’attacher au contrat d’abord. Le royaume de nos meilleurs ennemis semble être le paradis du libéralisme. Est-ce que cette absence de contre-pouvoir est dangereuse ? Bob Lewis souligne que chez les entreprises et les dirigeants d’outre-Manche, l’héritage séculaire d’une culture de gouvernance, le respect de la norme morale et de l’obligation de transparence permet de s’en passer sans dommages.
La collégialité vraie
Un chef d’entreprise allemand respecte l’employé : il maîtrise le geste nécessaire pour que l’entreprise fonctionne. L’employé respecte le chef d’entreprise et ne conteste pas une décision une fois qu’elle est prise : il se contente de l’exécuter. Ceci n’empêche pas des discussions houleuses, compliquées, âpres, longues, avec parfois des bris de vaisselle et noms d’oiseaux. Mais ces discussions existent pour tenter de faire émerger un consensus authentique quand c’est possible, et toutes les parties autour de la table mettent la pérennité de l’entreprise comme ultime priorité. Cela peut se traduire par un syndicaliste siégeant dans un conseil de surveillance qui approuve une fermeture d’usine et le plan social qui en découle. Les rigidités formelles (par exemple respecter un ordre du jour) me semblent un bien petit prix à payer par rapport à cette prise de conscience collective de la fragilité intrinsèque des entreprises, perçues comme un bien commun, et du nécessaire besoin de les protéger par le meilleur consensus entre toutes les parties concernées. Guy Maugis nous a fait rêver, et la salle d’abonder : l’Allemagne est sur le toit du monde.
Quel contrepoison ?
Il faut bien conclure, et ce sera personnel. La comparaison avec ces pays doit nous permettre de poser sur nous-même un diagnostic. Nos relations sociales semblent bien empoisonnées : instrumentalisation brutale des salariés chez certaines entreprises à la direction ou au management pervers ; syndicats oligopolistiques mais illégitimes du fait d’une négligeable représentativité ; paritarisme inefficient et qui permet sans doute le maintien de l’entre-soi, mais ce au détriment des protections sociales et de leurs coûts ; lourdeurs et complexités administratives sans fins même dans les processus les plus simples ; dialectiques biaisées par le seul prisme des intérêts de l’étiquette catégorielle que chacun porte dans le dos (salarié – actionnaire – dirigeant). J’arrête mon réquisitoire avant de lasser. Un de mes amis suggérait de rendre l’adhésion de chaque salarié à un syndicat obligatoire, mais de lui permettre de créer un syndicat unipersonnel. Puis de laisser le temps agir et les fusions de syndicats unipersonnels s’opérer jusqu’à rendre à de nouvelles représentations du travail une légitimité. L’ornière où nous sommes est assez profonde pour laisser libre cours à nos imaginations pour en trouver la sortie, et les mauvaises solutions du passé ont déjà démontré leur inefficacité.
Merci à l’ADAE pour la convivialité et la chaleur de son accueil. Ce n’est pas lassant de le redire à chaque billet …
(1) L'ADAE (Association des Dirigeants et Administrateurs d'Entreprise) que préside Daniel Corfmat a pour objectif de promouvoir la gouvernance au sein des PME depuis 1996 avec 4 axes d'actions principaux : (i) Informer les parties prenantes ; (ii) Former ses membres (1ère formation d’administrateur qualifiés indépendants en entreprise en France AQI®); (iii) Réfléchir sur la doctrine et établir/proposer des « softlaws » ; (iv) Diffuser ses travaux. Si vous souhaitez plus d'information : http://www.adae.asso.fr
C’était mon soupçon immédiat lorsque Hania Gouttiere nous a informé que le taux de syndicalisation était de 12 % en Pologne. Après tout, le rideau de fer et l’idéologie néfaste qui le cimentait ne sont-ils pas tombés (en partie bien sûr) grâce à un Pape et un syndicat polonais ? Mais si le sentiment des salariés est que l’entreprise est une seconde famille, et que la culture d’évitement des conflits prévaut, alors peut-être qu’il n’est contextuellement pas nécessaire de se syndiquer. Elle souligne en outre le complexe dont souffrent les dirigeants polonais vis à vis des autres pays, la Pologne ayant vécu près de 50 ans avec des entreprises d’état exclusivement.
Le poids du papier timbré
José Miguel Garcia nous a parlé de la place incontournable du notaire espagnol qui continue de peser sur la vie et les actes des entreprises. Par ailleurs, les 80 % d’entreprises espagnoles qui sont familiales, sont assez peu syndiquées. Enfin il nous parle de l’impérieuse nécessité dictée par la crise très violente subie par l’Espagne d’aller chercher ailleurs des débouchés qui n’existaient plus localement. Les dirigeants espagnols et leurs entreprises ont du s’adapter à cette nouvelle donne et surmonter les difficultés et réticences qu’ils éprouvaient à franchir les frontières.
Le contrat d’abord
Créer une société en ligne en 10 minutes pour 30 livres, la liquider pour 15. Constater que les syndicats n’existent pas chez les petites et moyennes entreprises. Acter que le dirigeant dirige, éventuellement seul. Signer des contrats de travail pour 0 heures et favoriser la flexibilité tant pour les salariés que pour les entreprises. S’attacher au contrat d’abord. Le royaume de nos meilleurs ennemis semble être le paradis du libéralisme. Est-ce que cette absence de contre-pouvoir est dangereuse ? Bob Lewis souligne que chez les entreprises et les dirigeants d’outre-Manche, l’héritage séculaire d’une culture de gouvernance, le respect de la norme morale et de l’obligation de transparence permet de s’en passer sans dommages.
La collégialité vraie
Un chef d’entreprise allemand respecte l’employé : il maîtrise le geste nécessaire pour que l’entreprise fonctionne. L’employé respecte le chef d’entreprise et ne conteste pas une décision une fois qu’elle est prise : il se contente de l’exécuter. Ceci n’empêche pas des discussions houleuses, compliquées, âpres, longues, avec parfois des bris de vaisselle et noms d’oiseaux. Mais ces discussions existent pour tenter de faire émerger un consensus authentique quand c’est possible, et toutes les parties autour de la table mettent la pérennité de l’entreprise comme ultime priorité. Cela peut se traduire par un syndicaliste siégeant dans un conseil de surveillance qui approuve une fermeture d’usine et le plan social qui en découle. Les rigidités formelles (par exemple respecter un ordre du jour) me semblent un bien petit prix à payer par rapport à cette prise de conscience collective de la fragilité intrinsèque des entreprises, perçues comme un bien commun, et du nécessaire besoin de les protéger par le meilleur consensus entre toutes les parties concernées. Guy Maugis nous a fait rêver, et la salle d’abonder : l’Allemagne est sur le toit du monde.
Quel contrepoison ?
Il faut bien conclure, et ce sera personnel. La comparaison avec ces pays doit nous permettre de poser sur nous-même un diagnostic. Nos relations sociales semblent bien empoisonnées : instrumentalisation brutale des salariés chez certaines entreprises à la direction ou au management pervers ; syndicats oligopolistiques mais illégitimes du fait d’une négligeable représentativité ; paritarisme inefficient et qui permet sans doute le maintien de l’entre-soi, mais ce au détriment des protections sociales et de leurs coûts ; lourdeurs et complexités administratives sans fins même dans les processus les plus simples ; dialectiques biaisées par le seul prisme des intérêts de l’étiquette catégorielle que chacun porte dans le dos (salarié – actionnaire – dirigeant). J’arrête mon réquisitoire avant de lasser. Un de mes amis suggérait de rendre l’adhésion de chaque salarié à un syndicat obligatoire, mais de lui permettre de créer un syndicat unipersonnel. Puis de laisser le temps agir et les fusions de syndicats unipersonnels s’opérer jusqu’à rendre à de nouvelles représentations du travail une légitimité. L’ornière où nous sommes est assez profonde pour laisser libre cours à nos imaginations pour en trouver la sortie, et les mauvaises solutions du passé ont déjà démontré leur inefficacité.
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