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Que penser du (nouveau) devoir de vigilance imposé aux entreprises françaises ?

Pour se faire une idée – objective si possible et raisonnée, en dépassant les polémiques manichéennes qui ont animé le débat – de la nouvelle obligation légale votée en première lecture à l’Assemblée, imposant aux grandes entreprises, la mise en place d’un « plan de vigilance » contenant les mesures raisonnables en vue de prévenir les atteintes dans le champ des droits humains, de la santé publique, de l’environnement et de la lutte contre la corruption, étendu à leur chaîne de grands fournisseurs, on s’en tiendra à trois points : quel intérêt, quelle implication, quelle condition de succès ?


Patrick d’Humières
Patrick d’Humières
En introduction, il faut rappeler que cette mesure portée par les ONG, tiers-mondistes et défenseurs des droits humains, répond essentiellement à une vision politique qui veut faire de la France – et donc des entreprises exerçant leurs activités à partir de France – le fer de lance d’un combat juridique pour réduire les atteintes graves que la mondialisation de l’économie a rendu possible, faute de gouvernance locale forte et sous l’effet d’un dumping social et environnemental. La France se veut donc à l’avant-garde de cette construction juridique nouvelle d’un ordre économique mondial dont la régulation globale se cherche et que les événements dénoncés ici et là régulièrement rend nécessaire si on veut concilier mieux le développement avec nos exigences de durabilité du modèle, au niveau des valeurs de base qui inspirent nos sociétés.

Pour autant, le dispositif dont on attend de connaître la forme finale qui sera votée et définie par décret, pose forcément la question de la pertinence d’une initiative française isolée, au regard de la perception de lourdeur qu’elle engendrera dans la communauté économique car son effet principal est de rompre l’autonomie juridique des filiales et de créer une responsabilité civile élargie de groupe qui est loin d’être partagée par nos compétiteurs, même s’ils proclament haut et fort des engagements de valeur dans ces domaines. L’intérêt de la loi se mesurera donc à sa capacité à peser dans l’ordre international, en Europe d’abord et dans le cadre des conventions internationales régissant les échanges, pour qu’on relie ensemble les textes existants – des principes des Nations Unies à ceux de l’OCDE en passant par les cadres OMC et les grands accords commerciaux entre zones, sans oublier la référence aux conventions sectorielles « soft » etc.. – et qu’on finisse par donner forme au statut de base de la firme internationale, soumise à des principes supérieurs de droit reconnus et applicables universellement, qui soient les mêmes sous toutes les latitudes.

L’implication que les entreprises françaises vont inaugurer formellement est la mise en place de ce « plan de vigilance » raisonnable qui sera une suite de procédures à déployer, dont beaucoup sont connues, pratiquées et suivies, pour organiser, former, contrôler l’application au bout de la chaîne de production et d’achats des attentions à ce que les principes fondamentaux ne soient pas « passés à l’as » par déni, sous-estimation ou négligence. Il faudrait que ces plans de vigilance ne restent pas « formels » et que par des mécanismes de systèmes d’alerte (les whistle blowing imposés aux entreprises américaines), d’audits aléatoires et de contrôle hiérarchique normal, on s’assure de leur appropriation d’une part et d’une capacité à traiter les atteintes, des quasi- incidents aux accidents…Ceci ne coûtera pas trop aux firmes déjà organisées, directement ou indirectement car l’effort est d’abord managérial. La menace peut venir de situations qui surprennent ou qui soulèvent des contradictions locales et sur lesquelles les entreprises « n’auront pas la main », de bonne foi !

Les conditions de succès du texte – c’est-à-dire son applicabilité par les entreprises sans charge excessive – sont donc à trois niveaux assez évidentes : que les entreprises s’appuient sur des procédures types que les conseils expérimentés sauront formaliser, d’une part, qu’elles intègrent dans leur culture opérationnelle de base (chartes, valeurs et projets RSE…) le respect de ces principes sans ambiguïté, ni hésitation, d’autre part et enfin qu’elles structurent des outils allant des modules d’apprentissage au reporting en passant par les relations parties prenantes, les systèmes d’alerte et les traitements de crise, en commençant par les zones géographiques à risque et sensibles. Il serait bien que des « cibles nouvelles d’investissement », comme le Myanmar, le Mozambique mais aussi l’Afrique de l’Est etc. soient l’objet d’engagements particuliers, collectifs et sectoriels, pour y rechercher des co-développements fondés sur des approches économiques et humaines associées.

En s’appuyant sur cette bonne volonté de mise en œuvre, on retournera une crainte bureaucratique en levier de progrès pour « modéliser » l’engagement exemplaire du business français qui poursuit, étape par étape, sa prise en compte de la dimension responsable au cœur du projet économique, ce que de nombreux pionniers reconnus, de Danone à Carrefour, de Lafarge à Schneider, démontrent progressivement. Pour autant, il faut que les politiques et les ONG – mais on peut espérer que les organisations d’entreprises trouvent le chemin contractuel qu’elles ont du mal à emprunter depuis l’engagement du mouvement de la RSE, faut de vision constructive négociée – afin que cette initiative française serve de levier à la formalisation d’un cadre international qui fera rentrer dans le champ des grands principes d’une part, et de la compétition arbitrée par les consommateurs et les investisseurs, d’autre part, une vision responsable du développement qui est une finalité « civilisationnelle », eu égard à la réalité des risques, souvent inacceptables, dont nous sommes solidaires, tant que nous ne faisons pas ce qu’il faut pour les réduire. Et beaucoup est possible.

Patrick d’Humières
www.institutrse.com

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Mercredi 8 Avril 2015




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