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On ne badine pas avec l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail

CPH Fontainebleau 20 septembre 2011, RG 10/00395


Il résulte des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail que « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ».

Cet article, dont les dispositions sont d'ordre public, s’applique dès que les conditions suivantes sont cumulativement remplies (jurisprudence constante – Cass. ass. plén. 16 mars 1990 n°86-40.686 et 89-45.730) :
1. modification de la situation juridique de l’employeur
2. transfert d’une entité économique autonome
3. maintien de l’identité de l’entité lors du transfert
4. poursuite de l’activité par le repreneur.

Sa violation peut couter très cher, comme en témoigne le jugement rendu le 20 septembre 2011 par le Conseil de prud’hommes de Fontainebleau.

En l’espèce, la Société DHL qui assurait, en application d’un contrat de prestation de services, le conditionnement et la distribution des DVD et multimédias de la Société Paramount, a perdu ce marché au profit de la Société Arvato GmbH qui avait désigné la Société SMED pour exécuter le contrat de prestation de services pour Paramount en France.

Arvato GmbH et SMED ayant successivement refusé de reprendre les salariés que DHL avaient dédié à l’exécution du contrat de prestation de services qui venait de prendre fin, cette dernière a mis en place une procédure de licenciement collectif pour motif économique de près de 80 salariés.

Considérant qu’elle avait été contrainte de supporter les coûts d’un plan de sauvegarde de l’emploi (« PSE ») alors que les contrats de ses salariés auraient dû être transférés au repreneur en application des dispositions de l'article L.1224-1 précité, DHL a assigné Arvato GmbH et SMED afin d’obtenir le paiement de plus de 4.1 millions d’euros de dommages intérêts correspondant notamment au coût du PSE.

DHL justifiait de ses demandes en s’appuyant sur les éléments suivants :
- L’activité de prestation de services dont elle s’occupait pour Paramount était concentrée sur un site dont Paramount était le seul client , générant 78 % de son chiffre d’affaires et que ce site avait dû être fermé,
- Des services atypiques, dans le cadre d’une prestation logistique classique, avaient été mis en place pour permettre à Paramount d’externaliser des services normalement intégrés,
- La prestation de services exécutée pour le compte de Paramount consistait en une prestation essentiellement de main d’œuvre à laquelle était associé un logiciel spécifique de gestion de commande spécialement customisé pour Paramount et que ce logiciel n’ était depuis, plus utilisé,
- 80 % des salariés du site étaient exclusivement dédiés à l’exécution du contrat de prestation de services conclu avec Paramount
- Le personnel dédié était formé à l’usage de moyens de productions spécifiques.

Par jugement du 20 septembre 2011, constatant, à la vue des faits exposés, que les conditions exigées par l’article L. 1224-1 étaient remplies, le Conseil a fait droit à la demande indemnitaire et a solidairement condamné les sociétés défenderesses à payer à la société DHL 4,1 millions d’euros.

A l’instar de la jurisprudence antérieure, le Conseil de prud’hommes de Fontainebleau a considéré que, si la seule perte d’un marché (voir notamment Cass. ass. plén. 16 mars 1990 ; Cass. soc. 6 novembre 1991 Dr. Soc. 1992 p 186) n’emporte pas en elle-même application de l’article L. 1224-1, la perte d’un marché peut donner lieu au transfert des contrats en cours lorsqu’il existe un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre (Cass.soc. 24 septembre 2002 n°00-44.923).

La « seule modification des modalités d’exécution de l‘activité ne fait pas obstacle au constat de la poursuite de l’activité par le repreneur » (jurisprudence constante - Cass. Soc. 12 octobre 2004 n°02-44.309), contrairement à ce dont se prévalaient les défenderesses.

L’affaire n’est pas close puisque les sociétés condamnées ont interjeté appel du jugement rendu. Compte tenu cependant de l’état de la jurisprudence, il est fort probable que le jugement entrepris soit confirmé en appel.

Quoiqu’il en soit, le fait est qu’à notre connaissance, c’est la première fois que l’ancien employeur (et non les salariés dont les contrats de travail n’ont pas été repris) agit directement contre le(s) repreneur(s) pour obtenir réparation du préjudice qu’elle a estimé avoir subi du fait de la violation de l’article L. 1224-4 du Code du travail et qu'il lui est donné gain de cause. Les conséquences économiques et stratégiques d’une telle décision sont considérables.

La Revue est une publication Squire Sanders | Avocats Paris
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Vendredi 10 Février 2012




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