Ainsi, sans remonter à l'aveuglement de la bulle Internet qui permettait de valoriser des entreprises en bourse non pas en fonction de leurs bénéfices, mais de leur chiffre d'affaires, voire de leurs pertes, la crise dans laquelle nous évoluons depuis 2008 s'est accompagnée d'une déferlante impressionnante de contre-vérités. Si nous ne croyons absolument pas à la théorie trop pratique (car « déresponsabilisante », donc dangereuse) du complot, il faut néanmoins reconnaître qu'une grande partie des évolutions économico-financières de ces dernières années a été basée sur du vent. Pour autant, ces mensonges, manipulations et autres arnaques ne font que renforcer le rôle de l'économiste qui, bien loin de suivre bêtement le consensus, doit, au contraire, tout faire pour déceler et dénoncer au grand jour ces contre-vérités. Il est d'ailleurs instructif de noter que tous les faux-semblants de ces dernières années et ceux qui prévalent encore aujourd'hui demeurent largement décelables. A condition de bien vouloir ôter les lunettes déformantes de la pensée unique.
Tout a commencé avec la titrisation de la dette subprime qui a notamment permis de transformer une dette extrêmement risquée en un titre au-dessus de tout soupçon puisque noté AAA par des agences de notations à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession. Sous couvert de mathématisation et de modélisation extrême, la finance était donc en train de rompre avec une de ses règles de base et de bon sens, à savoir la corrélation positive entre le rendement et le risque. Nous ne le dirons jamais assez, cette crise dite des subprimes est avant tout une crise de mauvaise gestion du risque.
Ensuite, ce fût au tour de la flambée des prix pétroliers. Ainsi, en 2008, tous les « meilleurs spécialistes pétroliers » de la planète se battaient pour annoncer unanimement que le monde était en train de faire face à une pénurie de pétrole durable. Selon eux, le baril à 150 dollars était donc normal et les 200 dollars étaient imminents. Pourtant, comme nous le montrions à l'époque et comme nous continuons de le faire aujourd'hui, les statistiques étaient et sont encore formelles : l'offre mondiale de pétrole reste largement supérieure à la demande. Tel ne sera peut-être plus le cas dans trente ans, mais, d'ici là, nous avons le temps de voir venir. Rappelons-nous qu'il y a trente ans, on nous promettait aussi la fin du pétrole pour l'an 2000. De quoi rappeler que ce « canular » a la vie longue et marche à tous les coups…
Parallèlement, les risques d'hyper-inflation n'ont cessé d'être mis en avant, notamment par la BCE. Si bien qu'aujourd'hui le monde développé s'est engouffré dans une déflation particulièrement dangereuse. Car, ne l'oublions pas la déflation est bien plus dramatique que l'inflation. La crise qui a suivi le krach de 1929 ou l'effondrement du Japon depuis 25 ans sont là pour nous le rappeler. Que dire alors de l'effondrement des Etats-Unis annoncé depuis les années 1980 ?! Rappelons-nous par exemple qu'au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis étaient promis au déclin immédiat et durable. Pourtant, dès 2002, leur croissance redémarre, alors que celles de la zone euro et du Japon continuent de s'affaisser jusqu'en 2005. Il en fut de même après la crise de 2008, et pourtant, même s'il a perdu de son dynamisme, l'Oncle Sam a retrouvé rapidement le chemin de la croissance, tandis que la zone euro et la France ont replongé dans la baisse de l'activité dès 2011 et restent depuis engluées dans la croissance molle, alors qu'on ne cesse d'y annoncer une reprise, qui s'avère complètement chimérique.
Et le pire c'est qu'il y a toujours une majorité « d'innocents » pour croire à ces énormités. Encore ces derniers jours, la Chine a annoncé que sa croissance avait à peine ralenti, passant de 7 % au deuxième trimestre 2015 à désormais 6,9 %. Une résistance particulièrement étonnante au regard de l'effondrement des indices des directeurs d'achat depuis six mois. Qu'à cela ne tienne. Toute la planète savait qu'une forte baisse de la croissance chinoise susciterait un nouvel effondrement des marchés boursiers internationaux, comme cela s'est produit fin août. Il ne fallait donc surtout pas affoler les investisseurs. Aussi, tout le monde s'est félicité du chiffre chinois et quasiment personne n'a osé dénoncer ce mensonge aussi visible que le nez sur la figure. Seulement voilà, la réalité finira forcément par ressortir, notamment au travers de la réduction du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises occidentales en Chine, ce qui se traduira par un amoindrissement de leurs profits, donc des dividendes distribués et in fine par une baisse de leurs cours boursiers.
Mais les mensonges d'Etat ne sont pas le simple fait de la Chine, ils sont également pléthore dans l'Hexagone. Ainsi, depuis 2008, tous les dirigeants français n'ont cessé d'annoncer le retour de la croissance forte, avec pour seul résultat une progression annuelle moyenne du PIB de 0,4 % ! De même, depuis une quinzaine d'années, on nous annonce que les dépenses et la dette publiques vont baisser. Résultat des courses : les premières atteignent 57,2 % du PIB et la seconde presque 100 %. Des records historiques qui n'empêchent cependant pas le chômage de flamber et la situation sociale de se dégrader. Là encore, deux mensonges récurrents dans notre douce France. Cette semaine encore, on a voulu nous faire croire que les relations sociales étaient apaisées, que la retraite par répartition était aisément financée pendant les trente prochaines années ou encore que la situation dans les ZUS (zones urbaines sensibles) s'améliorait et que le chômage était en train de baisser. Y-a-t-il encore vraiment des personnes sérieuses pour croire à toutes ces inepties ?
Espérons donc qu'un jour, les marchés, les investisseurs et les citoyens sauront prendre du recul et ne plus se faire avoir par des mensonges finalement très coûteux, imposant aux dirigeants de dire enfin la vérité. Pour ce faire, il faudra simplement retrouver un horizon temporel de moyen terme et sortir du court-termisme ambiant, car, comme le soulignait l'écrivain roumain Alexandru Vlahuta : « La vérité attend. Seul le mensonge est pressé ».
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Tout a commencé avec la titrisation de la dette subprime qui a notamment permis de transformer une dette extrêmement risquée en un titre au-dessus de tout soupçon puisque noté AAA par des agences de notations à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession. Sous couvert de mathématisation et de modélisation extrême, la finance était donc en train de rompre avec une de ses règles de base et de bon sens, à savoir la corrélation positive entre le rendement et le risque. Nous ne le dirons jamais assez, cette crise dite des subprimes est avant tout une crise de mauvaise gestion du risque.
Ensuite, ce fût au tour de la flambée des prix pétroliers. Ainsi, en 2008, tous les « meilleurs spécialistes pétroliers » de la planète se battaient pour annoncer unanimement que le monde était en train de faire face à une pénurie de pétrole durable. Selon eux, le baril à 150 dollars était donc normal et les 200 dollars étaient imminents. Pourtant, comme nous le montrions à l'époque et comme nous continuons de le faire aujourd'hui, les statistiques étaient et sont encore formelles : l'offre mondiale de pétrole reste largement supérieure à la demande. Tel ne sera peut-être plus le cas dans trente ans, mais, d'ici là, nous avons le temps de voir venir. Rappelons-nous qu'il y a trente ans, on nous promettait aussi la fin du pétrole pour l'an 2000. De quoi rappeler que ce « canular » a la vie longue et marche à tous les coups…
Parallèlement, les risques d'hyper-inflation n'ont cessé d'être mis en avant, notamment par la BCE. Si bien qu'aujourd'hui le monde développé s'est engouffré dans une déflation particulièrement dangereuse. Car, ne l'oublions pas la déflation est bien plus dramatique que l'inflation. La crise qui a suivi le krach de 1929 ou l'effondrement du Japon depuis 25 ans sont là pour nous le rappeler. Que dire alors de l'effondrement des Etats-Unis annoncé depuis les années 1980 ?! Rappelons-nous par exemple qu'au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis étaient promis au déclin immédiat et durable. Pourtant, dès 2002, leur croissance redémarre, alors que celles de la zone euro et du Japon continuent de s'affaisser jusqu'en 2005. Il en fut de même après la crise de 2008, et pourtant, même s'il a perdu de son dynamisme, l'Oncle Sam a retrouvé rapidement le chemin de la croissance, tandis que la zone euro et la France ont replongé dans la baisse de l'activité dès 2011 et restent depuis engluées dans la croissance molle, alors qu'on ne cesse d'y annoncer une reprise, qui s'avère complètement chimérique.
Et le pire c'est qu'il y a toujours une majorité « d'innocents » pour croire à ces énormités. Encore ces derniers jours, la Chine a annoncé que sa croissance avait à peine ralenti, passant de 7 % au deuxième trimestre 2015 à désormais 6,9 %. Une résistance particulièrement étonnante au regard de l'effondrement des indices des directeurs d'achat depuis six mois. Qu'à cela ne tienne. Toute la planète savait qu'une forte baisse de la croissance chinoise susciterait un nouvel effondrement des marchés boursiers internationaux, comme cela s'est produit fin août. Il ne fallait donc surtout pas affoler les investisseurs. Aussi, tout le monde s'est félicité du chiffre chinois et quasiment personne n'a osé dénoncer ce mensonge aussi visible que le nez sur la figure. Seulement voilà, la réalité finira forcément par ressortir, notamment au travers de la réduction du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises occidentales en Chine, ce qui se traduira par un amoindrissement de leurs profits, donc des dividendes distribués et in fine par une baisse de leurs cours boursiers.
Mais les mensonges d'Etat ne sont pas le simple fait de la Chine, ils sont également pléthore dans l'Hexagone. Ainsi, depuis 2008, tous les dirigeants français n'ont cessé d'annoncer le retour de la croissance forte, avec pour seul résultat une progression annuelle moyenne du PIB de 0,4 % ! De même, depuis une quinzaine d'années, on nous annonce que les dépenses et la dette publiques vont baisser. Résultat des courses : les premières atteignent 57,2 % du PIB et la seconde presque 100 %. Des records historiques qui n'empêchent cependant pas le chômage de flamber et la situation sociale de se dégrader. Là encore, deux mensonges récurrents dans notre douce France. Cette semaine encore, on a voulu nous faire croire que les relations sociales étaient apaisées, que la retraite par répartition était aisément financée pendant les trente prochaines années ou encore que la situation dans les ZUS (zones urbaines sensibles) s'améliorait et que le chômage était en train de baisser. Y-a-t-il encore vraiment des personnes sérieuses pour croire à toutes ces inepties ?
Espérons donc qu'un jour, les marchés, les investisseurs et les citoyens sauront prendre du recul et ne plus se faire avoir par des mensonges finalement très coûteux, imposant aux dirigeants de dire enfin la vérité. Pour ce faire, il faudra simplement retrouver un horizon temporel de moyen terme et sortir du court-termisme ambiant, car, comme le soulignait l'écrivain roumain Alexandru Vlahuta : « La vérité attend. Seul le mensonge est pressé ».
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