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Les crises sont toujours des phases d'opportunités

« Et bien alors, Marc, où est passé votre optimisme habituel ? » Telle est la remarque qui m'est régulièrement adressée depuis quelques mois et notamment depuis que j'ai annoncé que 2015 allait être une année difficile tant d'un point de vue économique que boursier. Soyez rassurés, je reste optimiste par nature. Pour autant, il serait stupide de se voiler la face : oui, une nouvelle crise économico-financière a bien commencé en 2015. Les symptômes sont malheureusement nombreux : ralentissement de l'économie chinoise, récession dans de nombreux pays (notamment « émergents », tels que l'Argentine, le Brésil et la Russie, mais aussi dans des pays développés, tel que le Canada), décélération de la croissance mondiale, correction boursière et forte volatilité des variables financières...


Marc Touati
Marc Touati
Le pire est que face à ces évolutions défavorables, les armes de politique économique pour tenter de relancer la machine sont limitées, pour ne pas dire inexistantes. En fait, seuls les pays disposant de réserves de change conséquentes (notamment les pays asiatiques) et/ou d'une marge de manœuvre budgétaire appréciable (principalement l'Allemagne et la Chine) ont de quoi affronter cette nouvelle crise. Les Etats-Unis devraient tirer difficilement leur épingle du jeu, grâce à l'hégémonie du dollar et à un taux de chômage encore faible. Quant à la zone euro (hors Allemagne), sa cartouchière est vide : le taux refi est déjà à 0,05 %, la dette publique est trop élevée, la planche à billets est déjà en marche mais n'a que très peu d'effets positifs sur la croissance, produisant plutôt une « trappe à liquidités ».

Dans ces conditions, la crise de 2015 pourrait s'avérer encore plus difficile et dommageable que celle de 2008. Face à cette sombre perspective, il pourrait évidemment être tentant de baisser les bras. Mais attention : si nous nous décourageons, nous sommes alors sûrs de perdre, car le pessimisme est, par définition, auto-réalisateur et par là même destructeur. Dès lors, il faut songer à se barricader, s'acheter un lopin de terre pour cultiver ses légumes et élever ses chèvres, tout en se munissant d'un fusil pour défendre le tout…

En revanche, nous pouvons aussi opter pour une deuxième solution : celle de la sortie de crise par le haut. Pour ce faire, il suffit de se retrousser les manches et de retrouver une certaine dose d'espoir, voire d'optimisme. Ne l'oublions jamais : les crises font partie de la vie économique. Autrement dit, si, un jour un homme politique ou un économiste annonce qu'il a la recette pour supprimer les crises, vous saurez que c'est un menteur. En économie, c'est un peu comme avec le corps humain ou le climat, il y a des crises et des tempêtes, l'essentiel est d'en sortir par le haut.

Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'en mandarin, le mot « crise » se décompose en deux mots « danger » (Wei) et « opportunité » (Ji) ! Souvenons-nous également que l'économie n'est pas une science exacte mais une science humaine, sur laquelle les hommes et les femmes ont donc un véritable pouvoir et pour laquelle il n'y a donc pas de fatalité. Notre avenir est entre nos mains et si nous n'en sommes pas conscients, nous devenons alors la proie du doute et de la faillite.

Malheureusement pour nous, c'est-à-dire les Français et les Européens continentaux, cette réalité et cette conviction que tout devient possible grâce à la volonté ont du mal à être intégrées culturellement. De la sorte, nous devenons beaucoup plus vulnérables que nos partenaires anglo-saxons, sans parler des pays émergents et notamment de la Chine chez qui la vision d'avenir est une seconde nature. Soyons donc clairs : si nous continuons de broyer du noir, si des pays comme la France refuse de réformer en profondeur leur économie, si les gouvernements de la zone euro ne réussissent pas à se mettre d'accord pour unir leurs forces, si les partenaires sociaux refusent de s'entendre, alors, comme en 2008, l'Euroland sera la grande perdante de cette crise.

D'ailleurs, grâce à une réactivité structurelle et à une culture de la prise de risque et de l'investissement sur l'avenir, les Chinois, les Américains, les Anglais, les Canadiens ou encore les Brésiliens sauront relever les défis de cette crise et surprendre par la rapidité et la vigueur de leur reprise. En revanche, dans la mesure où tel n'est pas le cas chez nous et où, au contraire, c'est la culture de la fatalité, du pessimisme et du regard dans le rétroviseur qui persiste, nous sommes en danger. Pour éviter la dépression tant économique que psychologique, nous avons donc l'obligation de nous prendre en main sans trop compter sur les pouvoirs publics qui, de toutes façons, finiront par nous faire payer la facture en ré-augmentant les impôts.

Pour une entreprise, cette volonté de ne pas sombrer dans le défaitisme peut passer par quatre voies stratégiques : 1. Des stratégies de niches, sur des produits et des services sur lesquels elles ont un savoir-faire. 2. Elles ne doivent pas hésiter à le faire savoir en développant leurs efforts de communication. 3. Miser au maximum sur l'innovation et les efforts de Recherche-développement, de manière à conserver en permanence un ou deux trains d'avance sur la concurrence, notamment en provenance des pays asiatiques. 4. Développer son rayonnement à l'international, en particulier dans le monde émergent qui continuera de réaliser, malgré la crise, les deux tiers de la croissance mondiale. Si une entreprise développe ces quatre stratégies, elle est donc sûre de sortir gagnante de la crise. Si elle en dispose d'une ou deux, cela ira. Par contre, si elle n'en a aucune, il faut absolument qu'elle s'en trouve une.

Quant aux salariés, un comportement similaire doit être adopté : se retrousser les manches, se rendre indispensable, adhérer au projet de l'entreprise, améliorer ses compétences, ne pas hésiter à aller voir ailleurs et notamment à l'international. Quand on sait qu'actuellement de plus en plus de financiers occidentaux rendus malheureux par la crise retrouvent un job… en Asie, on se dit qu'il n'y a pas de quoi se décourager. A l'inverse, celui qui baisse les bras, qui ne se remet pas en question, qui joue contre son entreprise et compte sur l'Etat pour lui sauver la mise est sûr de perdre.

Espérons donc qu'à l'instar de nos partenaires américains, anglais, irlandais, chinois ou indiens, de plus en plus de Français et d'Européens continentaux, entreprises et ménages confondus, sauront retrouver une vision d'avenir et relever les défis de demain avec espoir, car, ne l'oublions pas, l'optimisme paie toujours…

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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Vendredi 4 Septembre 2015




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