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La consécration par le droit français de modalités conventionnelles alternatives de résolution amiable des différends

Le Décret du 20 janvier 2012 (le « Décret ») a créé, au sein du Code de procédure civile (« CPC »), un nouveau Livre V consacré à « La résolution amiable des différends ». Transposant la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008, le Décret réglemente le régime de la médiation et la conciliation conventionnelles – la conciliation et la médiation judiciaires étant déjà traitées respectivement aux articles 127 et 831 et suivants du CPC et aux articles 131-1 et suivants du CPC – et précise le fonctionnement de la nouvelle « procédure participative », une sorte d’hybride entre un mode conventionnel et un mode judiciaire de résolution des litiges. Il développe ainsi en matière civile, commerciale, sociale et rurale, un régime toujours plus favorable au recours aux mécanismes de résolution amiable des litiges, et renforce leur efficacité. Si la doctrine critique la baisse d’implication certaine du juge judiciaire, parfois au profit de l’avocat, les parties pourraient y trouver leur compte. Ses dispositions sont entrées en vigueur le 23 janvier 2012.


Médiation et conciliation conventionnelles : le juge judiciaire entérine l’accord des parties

Objectif : attirer les parties vers des mécanismes confidentiels…

La médiation et la conciliation font intervenir des tiers qui, à l’inverse du juge ou de l’arbitre, ne trancheront pas le litige, mais aideront les parties à le résoudre par elles-mêmes. Le Décret étend ainsi la définition de la médiation et de la conciliation conventionnelles à « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends avec l’aide d’un tiers choisi par elles et qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence » (article 1530 CPC). Choix des parties, impartialité, compétence et diligence, toutes les garanties sont posées afin de favoriser la confiance des parties dans ces mécanismes.

Ainsi, comme dans le cadre d’une médiation judiciaire, les parties qui désirent avoir recours à une médiation conventionnelle peuvent désigner pour accomplir la médiation, soit une personne physique, soit une personne morale ; dans cette seconde hypothèse, l’institution désigne, avec l’accord des parties, la personne physique qui sera effectivement chargée de la mission (article 1532 CPC).

Qui doit être ce médiateur ? Le nouvel article 1533 CPC exige désormais, en surplus de son impartialité, qu’il soit compétent : le médiateur doit ainsi disposer de qualifications suffisantes tirées de ses activités passées ou présentes eu égard à la nature du différend, ou doit pouvoir justifier d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation. L’objectif de cette mesure est sans nul doute d’accroître la légitimité du médiateur afin de renforcer la confiance des parties dans le processus.

Le Décret codifie, en outre, un principe absolument essentiel et déterminant du succès d’une résolution amiable de litiges : la confidentialité. Le nouvel article 1531 du CPC formalise ainsi que les constatations faites par le médiateur ou le conciliateur dans le cadre de leur mission, ainsi que les déclarations des parties recueillies dans le cadre de la résolution amiable du litige, ne peuvent ni être divulguées à des tiers, ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale si les parties n’y ont pas donné leur accord. Même si des exceptions, d’ailleurs limitées, demeurent, l’exigence de confidentialité devrait là encore renforcer la confiance des parties dans ces modes alternatifs de règlement des différends.

.... à l’efficacité renforcée
Enfin, le Décret prévoit que les parties peuvent facilement mettre en œuvre une médiation conventionnelle, qu’elles l’aient prévue en stipulant une clause à cet effet dans leur contrat, ou qu’elles décident d’y avoir recours une fois le litige survenu. Elles peuvent également saisir facilement, sans forme particulière, un conciliateur de justice (nouvel article 1536 CPC) qui a la possibilité pour mener à bien sa mission de réunir les parties, de se transporter sur les lieux et d’entendre, avec leur accord, toutes les personnes dont l’audition lui paraît utile ; il peut en outre s’adjoindre, avec l’accord des parties, le concours d’un autre conciliateur de justice (nouveaux articles 1537 à 1539 CPC).

A l’issue de la tentative de résolution amiable, si les parties ont pu s’accorder pour résoudre leur différend, elles doivent ensemble faire homologuer, sans débat, par le juge compétent les accords et constats d’accord auxquels elles sont parvenues, sans qu’il puisse en modifier les termes (nouveaux articles 1565 et 1566 CPC). Son éventuel refus d’homologuer l’accord des parties est susceptible d’appel. C’est là surtout que réside l’efficacité des mesures, puisque cette homologation permet aux accords d’acquérir force exécutoire.

Né de la transposition d’une directive, le principe de l’octroi de la force exécutoire aux accords issus de ces mesures est commun aux pays membres de l’UE ; il existe donc une véritable efficacité intra-communautaire de tels accords, puisque le juge français reconnaît les accords issus de médiations rendus exécutoires dans d’autres pays membres (article 1535 CPC), et que les accords issus de médiations homologués en France sont désormais dotés de la force exécutoire dans les autres pays membres (sous réserve des dispositions de leur droit national transposant la même directive).

La procédure participative : une négociation originale sous forme de mise en état avec avocats mais sans magistrat
Introduite par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, dite « loi Béteille », la convention de procédure participative définie à l’article 2062 du Code civil est « une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ». Cet outil permet aux parties, qui doivent être assistées de leurs avocats, de convenir des modalités de la négociation d’une issue à leur différend.

Un bref rappel de ses conditions de mise en œuvre permet de mieux cerner cette procédure « à l’américaine » :
- l’assistance d’un avocat est requise, et ce alors que, pour mémoire, cette assistance n’est pas obligatoire devant un Tribunal de commerce français ;
- ni juge ni arbitre ne sont saisis;
- à peine de nullité, la convention doit préciser son terme, l’objet du litige et les pièces et informations nécessaires à sa résolution. Cette procédure s’applique donc aux différends nés et il n’est pas possible de prévoir d’y avoir recours par avance dans le contrat liant les parties.

De manière classique, les droits en cause doivent être disponibles et ce type de résolution des différends est exclu en matière de litiges résultant d’un contrat de travail.

Le Décret détaille les modalités du déroulement de la procédure participative et c’est donc grâce à lui que les parties peuvent désormais avoir recours à cette procédure. Il la divise en deux phases : (i) une phase conventionnelle de recherche d’accord et, le cas échéant, (ii) une phase de procédure aux fins de jugement. Ainsi, le juge ne sera impliqué qu’une fois l’accord trouvé ou l’absence d’accord constatée au terme de la convention, sauf à ce qu’il intervienne pour l’exécution de la convention de procédure participative elle-même (comme le juge d’appui de l’arbitrage).

Lors de la première phase, les parties, assistées de leurs avocats, recherchent conjointement, dans les conditions de la convention de procédure participative qu’elles ont conclue, un accord mettant un terme au différend qui les oppose. Les avocats s’échangent, pour ce faire, écritures et pièces sous bordereau (nouvel article 1545 CPC). Cette étape de la procédure ressemble donc fortement à une mise en état classique mais en l’absence de magistrat ou d’arbitre, l’accord des parties détermine toutes les modalités de ces échanges. L’avocat est donc placé au centre de cette procédure et ce sont ses idées et sa pratique qui la définiront. Si l’expérience devrait être vite acquise, les styles donnés à cette procédure seront multiples et il existe, en conséquence, à l’heure actuelle, de nombreuses incertitudes quant à son succès.
Le texte prévoit par ailleurs que les parties peuvent avoir recours à un technicien (nouvel article 1547 CPC) dont le rapport pourrait ensuite être produit en justice. L’idée est donc de permettre aux parties d’avoir recours à des techniques de preuve sophistiquées dès la phase amiable.

La confidentialité des négociations manque cruellement à la loi Béteille et le Décret n’y pallie pas. Il est considéré par certains auteurs que la confidentialité des échanges entre avocats suffit à la garantir. Toutefois, comme exposé ci-dessous, toutes les pièces échangées lors de la phase conventionnelle peuvent être communiquées au juge en cas d’échec des négociations. Cette absence de confidentialité est donc déjà vivement critiquée. Certes, dans les faits, il est possible que les négociations demeurent confidentielles mais rien – sauf à ce que les parties le prévoient ab initio – ne garantit le respect de ce principe.

Lorsque la démarche réussit avant le terme de la convention, les parties fixent leur accord par écrit toujours assistées par leurs avocats. Si les parties n’ont résolu qu’une partie de leur différend, elles l’indiqueront en conséquence dans ledit accord.

La seconde phase de procédure commence, et le juge judiciaire réapparaît : il est saisi de l’affaire soit (i) pour homologuer l’accord des parties, qu’il soit partiel ou qu’il mette un terme à l’entier différend, soit (ii) pour statuer sur la partie du litige subsistant ou l’entier litige.

Dans un souci de célérité, le Décret prévoit même que, devant le tribunal de grande instance, l’affaire peut être appelée directement à l’audience sans être renvoyée devant le juge de la mise en état, cette phase ayant a priori déjà eu lieu. Toutefois, l’entier différend peut aussi être soumis à la procédure de droit commun. Les parties ont donc deux choix pour régler leur différend : soit à travers une procédure classique, soit en faisant appel à une procédure accélérée sans mise en état mentionnée précédemment. Si elles choisissent la procédure accélérée, elles saisissent le juge par requête conjointe en indiquant leurs prétentions respectives et versent les pièces communiquées au cours de la procédure participative. L’affaire ne sera renvoyée à la mise en état que s’il est nécessaire d’actualiser le montant de créances à exécution successive, opposer un paiement ou une compensation ultérieure ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord ou encore si des explications complémentaires sont demandées par le juge. Les parties n’auront ainsi pas perdu de temps à rechercher une solution amiable. Lorsque le juge est saisi de l’entier différend, il est également possible pour une partie de déposer une requête unilatérale, étant précisé que les mécanismes de nature à préserver le respect de la contradiction ont été prévus (nouvel article 1563 CPC).

Cette procédure apparaît d’ores et déjà comme une procédure particulièrement adaptée à des affaires sensibles ou des affaires dans lesquelles les parties auraient à cœur soit de réduire l’aléa judiciaire, soit de préserver leurs relations commerciales et éviter l’agressivité de la procédure contentieuse. Des doutes peuvent toutefois être émis quant à la possibilité que les parties se mettent d’accord sur une mise en état efficace.

Une suspension des délais de prescription de nature à rassurer les parties
Enfin, parmi les efforts du législateur à l’endroit des mécanismes de résolution amiable des litiges, il faut rappeler que le régime de la prescription a été modifié en 2008 à la faveur d’une suspension lorsqu’une tentative de règlement amiable du différend est entamée (article 2238 du Code civil). Le délai recommence ensuite à courir à compter de la date à laquelle la médiation ou la conciliation est terminée. Le délai de prescription ne peut alors être inférieur à six mois.

Les parties ne perdent ainsi littéralement plus leur temps à tenter une résolution amiable.

Eliott & Markus

Vendredi 2 Mars 2012




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