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L’Exequatur des sentences arbitrales étrangères en France après le Décret de 2011

Bien que les sentences arbitrales internationales soient par nature définitives et contraignantes, elles ne font pas nécessairement l’objet d’une exécution volontaire par les parties succombantes.


Ainsi, lorsqu’une partie a obtenu une sentence favorable dans une autre juridiction et que l’autre partie ne l’a pas volontairement exécutée, la partie victorieuse peut tenter d’exécuter la sentence arbitrale étrangère en France contre les actifs de la partie succombante présents sur le territoire français.

Pour ce faire, elle doit s’adresser au juge français afin d’obtenir, au terme d’une procédure non contradictoire, l’exequatur de la sentence étrangère, qui, une fois obtenue, pourra donner lieu à des mesures de recouvrement immédiates.

L’obtention nécessaire de l’exequatur par le juge français

Bien que la France soit signataire de la Convention de New York, [1], dont l’objectif est d’éliminer toute forme de discrimination à l’encontre des sentences étrangères, une sentence arbitrale étrangère ne peut faire l’objet d’une exécution directe contre les actifs du débiteur sans le concours des tribunaux locaux.
L’exequatur s’obtient au terme d’une procédure non-contradictoire, sur simple requête au Président du Tribunal de Grande Instance de Paris déposée au greffe de la juridiction, avec les documents nécessaires au soutien de la requête.

La présence d’actifs en France ne constitue pas un prérequis du tribunal pour octroyer l’exequatur.

L’absence de tout débat contradictoire à ce stade de la procédure s’inscrit pleinement dans l’objectif de la Convention de New York de garantir la pleine efficacité et validité de la justice arbitrale, puisque l’affaire aura d’ores et déjà donné lieu à un débat contradictoire devant le tribunal arbitral.

Certains diront que l’absence de débat contradictoire prive le juge de l’exequatur d’un véritable contrôle de la conformité de la sentence arbitrale à l’ordre public international et national. Or, bien que le juge ne se fonde que sur les éléments fournis par une seule des parties, sa mission consiste bien en une analyse du texte et de la portée de la sentence arbitrale étrangère elle-même et de la convention d’arbitrage. Sa mission est claire : son contrôle est limité au caractère manifeste de la violation de l’ordre public. [2]

Une fois la notification de l’exequatur effectuée à l’autre partie, la sentence arbitrale étrangère peut immédiatement faire l’objet de mesures d’exécution en France sans avoir à se préoccuper des effets d’une contestation de l’exequatur par l’autre partie devant la Cour d’Appel. [3].

Un apport essentiel de la réforme: le caractère non-suspensif de l’appel formé contre l’ordonnance d’exequatur

Bien que le Décret n°2011-48 n’ait pas modifié les caractéristiques essentielles de la procédure d’exequatur en France, il a en revanche mis fin au caractère suspensif de l’appel.

Cette innovation vise à faciliter l’exécution de sentences arbitrales et démontre la volonté de la France de convaincre et d’établir qu’elle est une place favorable à l’arbitrage. Elle apporte également une plus grande protection des droits des parties titulaires d’une sentence arbitrale étrangère favorable en limitant les recours dilatoires des parties succombantes.

Avant l’adoption du décret, l’exécution d’une sentence étrangère en France était suspendue tant que la procédure d’appel devant la Cour d’appel de Paris était pendante. Depuis la réforme, le recours contre l’ordonnance d’exequatur ne suspend plus l’exécution de la sentence et permet aux parties victorieuses d’entreprendre immédiatement des mesures d’exécution à l’encontre du débiteur.

Le législateur a cependant introduit une exception à ce principe. En effet, aux termes de l’article 1526 (2) du Code de Procédure Civile, le juge peut arrêter ou aménager l’exécution de la sentence si cette exécution automatique était susceptible de léser gravement les droits de l’une des parties.

Or, la Cour d’appel de Paris a adopté depuis une interprétation stricte de ces conditions. [4]

Afin de protéger les droits des parties titulaires d’une sentence arbitrale étrangère, la Cour d’appel considère que ces mesures doivent demeurer exceptionnelles et être limitées aux cas où les droits des parties succombantes risquent d’être gravement lésés ou violés et auxquels l’exécution immédiate causerait un préjudice irréparable. [5]. La Cour a retenu qu’un tel préjudice ne peut consister en de simples difficultés financières ou un risque économique couru par le débiteur, [6] ou encore d’un désaccord des parties succombantes avec les décisions de l’arbitre. [7]

Dans un arrêt du 23 avril 2013, la Cour d’appel de Paris a accepté d’aménager l’exécution de la sentence en prévoyant la consignation des montants en raison des graves conséquences que pourraient avoir l’exécution pour la partie succombante. Dans cette affaire la Cour avait jugé qu’ « en cas d’infirmation de l’ordonnance d’exequatur, il sera très aléatoire pour [X] d’obtenir restitution des sommes payées à une société tchèque en vertu d’une sentence rendue à Lausanne dont l’efficacité, hors du territoire national, ne sera pas affectée par les décisions de justice françaises. Que cet obstacle à la répétition est, compte tenu du montant de la somme en cause, de nature à léser gravement les droits de [X] ». [8]

Conclusion

Le Décret n°2011-48 consacre Paris comme place incontournable de l’arbitrage international et siège favorable pour l’exécution des sentences.
L’innovation apportée quant à la possibilité d’entreprendre des mesures d’exécution alors même qu’un appel de l’ordonnance d’exéquatur a été formé, octroie aux parties victorieuses qui souhaitent exécuter leur sentence contre les biens des parties succombantes en France, une meilleure protection en décourageant les recours dilatoires. Cependant, la réussite de cette réforme dépendra de la position adoptée par la Cour d’appel de Paris. À ce jour, la position de la Cour s’intègre pleinement dans l’esprit du décret en exigeant des circonstances exceptionnelles justifiant la suspension de l’exécution.

[1] Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, 10 juin 1958.
[2] Code de Procédure Civile, Article 1514.
[3] En France, une sentence arbitrale étrangère ne peut pas faire l’objet d’un appel, mais seulement d’un recours en annulation sur un nombre limité de fondements. L’ordonnance d’exequatur peut être remise en cause, dans le délai d’un mois après la notification, sur ces mêmes fondements.
[4] CA Paris, 18 octobre 2011, n°11/14286 ; CA Paris, 13 juillet 2012, n°12/11616; CA Paris, 23 April 2013, n°13/02612.
[5] CA Paris, 18 octobre 2011, n°11/14286 ; CA Paris, 13 juillet 2012, n°12/11616; CA Paris, 23 April 2013, n°13/02612.
[6] CA Paris, 18 octobre 2011, n°11/14286.
[7] CA Paris, 13 juillet 2012, n°12/11616.
[8] CA Paris, 23 avril 2013, n°13/02612.




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Mercredi 15 Janvier 2014




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