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Franchissements de seuils et obligations de transparence : apports de la loi de régulation bancaire et financière

Le législateur attribuant la récente crise financière à l'échec de l'autorégulation et à la "croyance quasi-prométhéenne dans la maîtrise du risque par l'évaluation, la structuration et la modélisation probabilistes"1, la loi du 22 octobre 2010 (la "Loi")2 renforce un certain nombre d'exigences de transparence, notamment en matière de déclarations de franchissements de seuils.


Franchissements de seuils et obligations de transparence : apports de la loi de régulation bancaire et financière
Déclaration des opérations d'emprunt de titres en période d'assemblée générale

Le nouvel article L. 225-126 du Code de commerce introduit une obligation d'information renforcée destinée à accroître la transparence autour d'une pratique contestée consistant pour un investisseur à emprunter des titres sur une courte période (incluant la date de l'assemblée générale) dans le seul but d'exercer les droits de vote correspondants lors de cette assemblée. Ainsi, en application de ce nouvel article, tout actionnaire détenant, seul ou de concert, suite à une cession temporaire, plus de 2% des droits de vote d'une société française dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. La déclaration doit être faite à l'émetteur et à l'Autorité des marchés financiers (l'"AMF") au plus tard le troisième jour ouvré précédant l'assemblée générale à zéro heure, heure de Paris. Elle comporte, outre le nombre d'actions acquises à la suite d'une opération de cession temporaire, l'identité du cédant, la date et l'échéance du contrat de cession temporaire, et s'il y a lieu, la convention de vote.

Le non-respect de cette obligation est sanctionné par la privation des droits de vote pour l'assemblée concernée et toutes les assemblées d'actionnaires qui se tiendraient jusqu'à la revente ou la restitution desdites actions3. Les délibérations prises par l'assemblée d'actionnaires en violation de cette obligation peuvent être annulées. Enfin, le tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social peut, sur demande du représentant de la société, d’un actionnaire ou de l’Autorité des marchés financiers, prononcer à l’encontre de tout actionnaire qui n’aurait pas procédé à l’information, la suspension totale ou partielle de ses droits de vote, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.

Elargissement de la définition de l'action de concert

Afin de limiter les prises de contrôle rampantes, le nouvel article L.233-10 I du Code de commerce modifie la définition de l’action de concert en introduisant une finalité alternative afin d’intégrer la volonté des parties "de prendre le contrôle de la société" (et non plus seulement de "mettre en œuvre une politique commune"). Cette modification fait suite aux difficultés rencontrées par l'AMF pour caractériser une politique commune (notamment dans l'affaire Sacyr/Eiffage4). En effet, le concert non déclaré, sauf cas de présomption légale5, ne se présume pas mais se déduit et se prouve a posteriori en fonction des comportements des concertistes supposés et du résultat obtenu. Or, d'après l'AMF6, la notion de politique commune, seule disponible jusqu'à présent pour rechercher le concert en l'absence de déclaration de franchissement de seuil du tiers et de dépôt d'une offre publique obligatoire, se serait avérée insuffisamment précise7.

Encadrement des ventes à découvert

Le nouvel article L. 211-17-1 I du Code monétaire et financier pose le principe de l'interdiction des ventes à découvert (short selling) pour lesquelles le vendeur d'instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé n’a pas pris les mesures nécessaires pour s'assurer qu'il disposera effectivement des titres au moment de la livraison. Ainsi, le vendeur doit soit disposer sur son compte des instruments financiers appelés à être cédés, ou soit avoir pris les mesures nécessaires auprès d'une tierce partie afin de disposer d'assurances raisonnables sur sa capacité à livrer ces instruments financiers, au plus tard à la date prévue pour la livraison consécutive à la négociation.

Par ailleurs, conformément aux pouvoirs qui lui ont été conférés par la Loi8, l'AMF a introduit un régime complet de transparence des positions courtes nettes sur les actions admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé9. Ce régime, en vigueur depuis le 1er février 2011s'applique aux positions courtes nettes relatives au capital de sociétés dont les actions sont cotés sur Euronext Paris ou Alternext Paris sauf lorsque le marché directeur est hors de France10. Ainsi les mesures d'urgence prises par l'AMF le 19 septembre 2008 visant à interdire les ventes à découvert sur une liste définie de valeurs financières ne sont plus applicables depuis cette date. Ce nouveau dispositif consiste, pour toute personne détentrice d'une position courte nette qui franchit à la hausse ou à la baisse les seuils de 0,2%, 0,3%, 0,4%, 0,5% (et ainsi de suite par paliers de 0,1%) du capital social d'une société, en l'obligation de déclarer sa position à l'AMF au plus tard à 15h30 le premier jour de négociation qui suit le franchissement (et uniquement par le biais de l'envoi par email d'une formulaire disponible sur le site de l'AMF). L'AMF publie sur son site internet les déclarations de positions courtes nettes égales ou supérieures à 0,5% du capital.

L'Instruction du 9 novembre 201011, apporte des précisions notamment quant au calcul des positions nettes courtes, les personnes tenues de procéder aux déclarations et à l'exonération des obligations déclaratives dont peuvent bénéficier les apporteurs de liquidité12.

Ces nouvelles mesures anticipent le futur régime de transparence qui sera mis en place en 2012 par le règlement européen sur les ventes à découvert.

Réduction du délai de règlement-livraison

La nécessité "d’agir sur les délais de règlement-livraison pour réduire les ventes à découvert"13 a conduit le législateur à réduire ces délais, les faisant passer de trois à deux jours de négociation après la date d'exécution des ordres14 dès que sera entré en vigueur un dispositif d'harmonisation équivalent au niveau européen. Cette position "avant-gardiste"15 rejoint la réglementation allemande où le principe du J+2 a été adopté il y a quelques mois.

Notes explicatives :
1. Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi, adopté par l'assemblée nationale, de régulation bancaire et financière, par M. Philippe Marini, disponible à cette adresse.
2. Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière publiée au Journal Officiel de la république Française (JORF) n°0247 du 23 octobre 2010 page 18984, texte n°1.
3. Article L. 225-126 II du Code de commerce
4. L'AMF a, par sa décision du 26 juin 2007, conclu à l'existence d'une action de concert entre la société espagnole Sacyr Vallehermoso et au moins six autres actionnaires espagnols d'Eiffage, en se fondant sur un faisceau élaboré d'indices précis et concordants venus étayer les soupçons du bureau de l'assemblée générale d'Eiffage. L'ensemble des concertistes ayant franchi à la hausse le seuil du tiers du capital ou des droits de vote sans le déclarer ni déposer de projet d'offre sur Eiffage, le collège de l'AMF a, par la même décision, invalidé le projet d'offre publique d'échange volontaire présenté par Sacyr et exigé que les concertistes déposent un projet d'offre publique d'acquisition sur Eiffage et sa filiale Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR). Sur un recours de Sacyr motivé par des arguments de forme et de fond, la cour d'appel de Paris a rendu le 2 avril 2008 une décision à mi-chemin : elle a confirmé l'existence d'une action de concert mais a annulé l'obligation de dépôt d'une offre sur Eiffage, au motif que cette demande s'analysait comme une injonction et aurait donc dû faire l'objet de la procédure légale prévue par l'article L. 621-14 du Code monétaire et financier.
5. Cf. article L.233-10 II du code de Commerce
6. Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi, adopté par l'assemblée nationale, de régulation bancaire et financière, par M. Philippe Marini, disponible à cette adresse.
7. La principale difficulté pour l'AMF, en présence d'une offre publique non obligatoire, donc moins contraignante, a résidé dans la qualification d'une action de concert entre des actionnaires qui n'avaient pas souscrit d'accord formel et connu, mais surtout qui, en apparence, semblaient agir dans le cadre d'une prise de contrôle de la société Eiffage au profit de la seule société Sacyr et non dans un but commun. En d'autres termes, il pourrait y avoir intention de contrôle et action de concert sans politique commune.
8. Article L. 621-7-VII-6° et L. 621-7-1 du Code monétaire et financi
9. Article 223-37 du règlement général de l'AMF et Instruction AMF n°2010-08 du 9 novembre 2010 relative à la déclaration des positions courtes nettes à l'AMF.
10. L'AMF a publié une liste le 26 janvier 2011 des sociétés dont les titres sont cotés sur Euronext Paris et Alternext Paris mais dont le marché directeur est hors de France. Cette liste comprend actuellement 57 sociétés.
11. Tel que précisé par la liste de questions-réponses publié le 2 février 2011.
12. Ces précisions se conforment au Model for a Pan-European Short Selling Disclosure Regime publié par le CESR en mars 2010.
13. Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi, modifié par le Sénat, de régulation bancaire et financière (n° 2833), par M. Jérôme Chartier, disponible à cette adresse.
14. Article L. 211-17-1 II du Code monétaire et financier
15. Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi, modifié par le Sénat, de régulation bancaire et financière (n° 2833), par M. Jérôme Chartier, disponible à cette adresse.

Les informations contenues dans cet e-bulletin, valables à la date indiquée ci-dessus, doivent être utilisées à des fins de référence uniquement. Elles ne constituent pas un avis juridique et ne doivent donc pas être utilisées comme tel. Avant d'entamer toute action basée sur les informations contenues dans cette publication, il vous est toujours conseillé de demander un avis juridique qui répondra à votre problématique précise.

Herbert Smith LLP, Gleiss Lutz et Stibbe sont trois cabinets d'avocats indépendants formant une alliance exclusive.

© Herbert Smith Paris LLP 2011

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Mardi 29 Mars 2011




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