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France : Diagnostic et Ordonnance

De mon expérience dans le diagnostic vétérinaire, j'ai retenu qu'il fallait se méfier des faux positifs et des faux négatifs. Pour porter un regard sur une économie nationale, un opérateur booléen résumera, certes, mais ne suffira en aucun cas. Le titre du livre de Jean Peyrelevade « France, état critique » publié dans la collection Tribune Libre est à l'aune de son intervention lors de l'évènement (le Grand Café de la Gouvernance®), où l'ADAE m'a convié. Je vais tenter de présenter très succinctement les points que j'ai trouvé les plus saillants parmi ceux développés avec didactisme et sans manquer d'humour par l'auteur.


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
Si la crise est un sujet perpétuellement rémanent, il convient de ne pas se méprendre : la crise actuelle n'est plus une crise mondiale, à l'instar du choc post-Lehman connu en 2008. Elle est Européenne, liée à la dette souveraine des pays d'Europe, et c'est une crise domestique dans la mesure où 80% de cette dette est détenue par des résidents Européens. Mais les autres régions du globe vont mieux, merci pour elles.
Les causes de cette crise de la dette sont d'une part l'incapacité juridique de l'institut d'émission d'acheter cette dette souveraine, la seconde raison étant lié à la fin de l'illusion d'une solidarité au sein de la zone Euro. Dès lors, au vu de la faiblesse de la convergence budgétaire et en l'absence totale de convergence économique, l'Europe se scinde en deux régions distinctes :
- le Nord, qui engrange des excédents commerciaux, où le chômage est limité et où les finances publiques sont saines ;
- le Sud, dont la France, où le déficit commercial se creuse, où le taux de chômage est élevé et où les finances publiques sont dégradées.
Grattons un peu le symptôme « déficit commercial » : la maladie sous-jacente, c'est un manque de compétitivité. L'auteur indique qu'elle nous a coûté 50 bp de croissance lors des 10 dernières années, soit un PIB qui serait de 5% supérieur en valeur ! Dans ce cas, compte tenu du taux de prélèvements, le déficit des finances publiques serait de 2.5 % et nous aurions 1 million de chômeurs de moins. Bigre !
Jean Peyrelevade souligne que dans une situation similaire, l'Irlande, l'Italie et l'Espagne se redressent, mais que la France parle un peu de rigueur et surtout ne fait rien. Observant par ailleurs que ce qui s'échange à l'international, ce sont les surtout les biens et dans une moindre mesure les services, il dénonce la doxa qui a conduit à désindustrialiser le pays et à le ranger avec les derniers de la classe, à savoir les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Selon lui, la faiblesse des taux de marge dans l'industrie en retard de 10% par rapport à nos voisins et l'insuffisance de l'effort de recherche et développement privé sont à l'origine de ce déficit compétitif.
Parmi la source des maux qui nous affectent, Jean Peyrelevade identifie aussi le déclassement de l'ingénieur au profit du financier, et les carences dont nous souffrons en travailleurs qualifiés (jusqu'à bac +2), mais il n'envisage pas de constater un manque de compétitivité de l'état ou des collectivités locales, ce qui n'est pas vrai pour la protection sociale.

Passons aux remèdes :
La compétitivité des entreprises est essentielle : il faut restaurer un secteur industriel et permettre aux ETI de se développer en taille et en nombre en leur donnant ce dont elles ont besoin.
Il faut bien sûr restaurer rapidement les finances publiques, mais ceci ne doit en aucun cas se faire au détriment de la compétitivité des entreprises. Cela impliquera un transfert de charge des entreprises vers les ménages. L'objectif thérapeutique est de 1.5% de PIB de réduction chaque année, et donc de faire le travail en 3 ans.
Une réforme du dialogue social est nécessaire, avec comme double objectif de restaurer la compétitivité et de réduire le coût de cette protection sociale, et qu'un consensus a minima est possible avec 2 des 3 principales centrales principales si la réindustrialisation de la France est vraiment à l'ordre du jour.
Parmi les effets secondaires indésirables, outre une stagnation des revenus des ménages, il est à craindre une éruption de crise politique voire institutionnelle, le débat politique actuel ignorant consciencieusement et quasi-unanimement d'aborder les inconvénients des remèdes. Le populiste « faire payer les entreprises » est un leurre démagogique trop usité de nos jours. Cette cécité volontaire m'évoque les enfants qui, ayant caché leurs yeux derrière leurs mains, imaginent qu'ils ne sont plus visibles des autres.

Mes commentaires personnels :
Je ne partage pas le point de vue de l'auteur sur les ingénieurs : je pense tout d'abord qu'au sein de la finance de marché, il y a plus d'ingénieurs que de commerciaux, du fait de l'utilisation de modèles mathématiques sophistiqués, et de la prééminence quasi sacralisée dont ils disposent en France. Mon bon sens me fait préférer la vision satyrique et certes surannée d'Olivier Barenton, Confiseur (1), sur les 3 manières de se ruiner (chevaux – femmes – ingénieurs) dont la plus agréable est la gent féminine, et la plus sûre l'ingénieur. Mais j'admets bien volontiers que les financiers font désormais jeu égal avec les ingénieurs comme fauteurs de ruine.
Bien sûr ne pas céder à la fatalité de la désindustrialisation est capital, et inverser la tendance est plus que nécessaire, mais il est possible d'exporter plus / d'importer moins des services autres que le transport et le tourisme : nous importons bien les appels des call-centers, les algorithmes des logiciels, les saisies des carnets de caisse d'épargne ou d'écritures comptables.
Enfin, je reste un peu sur ma faim pour ce qui concerne la restauration d'un tissus économique compétitif : ce n'est pas en donnant à ceux qui existent plus de moyens (dont nous ne savons pas ce qu'ils sont), mais, à mon humble avis, en drainant l'épargne vers des entrepreneurs désireux de bâtir ou d'agrandir des entreprises que l'on solutionnera le problème. Un doute m'assaille : avons-nous pléthore d'entrepreneurs pour bâtir ces industries et ces services made in France de demain ? Ne sommes nous pas le pays où tous rêvent d'être fonctionnaires ?

Il serait ingrat et incivil de ma part de ne pas parler de l'hôte qui organisait cet événement. L'ADAE (Association des Dirigeants et Administrateurs d'Entreprise), présidée par Daniel Corfmat a pour objectif de promouvoir les pratiques de bonne gouvernance au sein des PME françaises depuis 1996 - date de sa création - avec 4 axes d'actions principaux :
L'information des parties prenantes ;
La formation (l'ADAE forme depuis 2000 et a créé la 1ère formation certifiante d’administrateur d’entreprise en France);
La réflexion sur la doctrine au sein de groupes de travail, chacun dédié à une thématique ;
La diffusion de ses travaux - A ce titre, l'ADAE a récemment publié un ouvrage collectif sous la direction de Daniel Corfmat, Marc Chambault et Georges Nurdin aux éditions de l'Harmattan : « Gouvernance et éthique des affaires »

Un cocktail très chaleureux et sympathique a suivi cette conférence. Merci à l'ADAE !

(1) Référence citée de mémoire, je l'espère fiable.


Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx
Mail : boss(at)remsyx(dot)com
 
Si vous n'avez pas encore reçu mon livre blanc (gratuit) "Dématérialiser la Gouvernance d'Entreprise", vous pouvez en faire la demande au bout de ce lien.
Bonne lecture !

Vendredi 23 Mars 2012




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