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Ce qu'apporte à l'entreprise la nouvelle loi Grenelle 2 sur le reporting sociétal

Ou, comment mesurer pour progresser, dans le contexte de «la nouvelle économie durable» qui se met en place partout dans le monde.


Patrick d’Humières
Patrick d’Humières
La France accélère le mouvement en faveur du reporting sociétal à travers l'application, dès 2012, de l'article 225 de la loi Grenelle 2 qui étend l'ancienne loi NRE aux sociétés de plus de 500 salariés, publiques et privées, et qui installe l'information extra-financière, vérifiée par un organisme tiers indépendant, dans le rapport de gestion, autour d'une liste d'indications couvrant le champ général de la RSE.

L'intérêt principal de cette disposition, inscrite dans un calendrier très progressif, est d'inciter les entreprises à mesurer leurs impacts et à apprendre à maîtriser le champ de la comptabilité sociétale. Mais sa vertu principale est de pousser les entreprises à entrer plus vite dans l'économie durable du 21ième siècle qui se joue en partie sur les risques et les opportunités du développement durable. La RSE est le levier vers la croissance verte. Cette vertu incitative de la loi devrait l'emporter nettement sur la perception d'une contrainte technique - aisément gérable en deux à trois exercices - tant l'innovation managériale induite est importante. D'où l'intérêt de se pencher sur cette utilité du reporting RSE et d'en tirer avantage dans le management.

1- La mutation vers l'économie durable est pleinement engagée et doit se voir dans les rapports de gestion
2- La loi Grenelle 2 fait passer du rapport d'image au rapport intégré.
3- Grâce au reporting sociétal, les relations économiques vont se fonder sur des données objectives élargies.
4- La France prend de l'avance dans le cadre d'un mouvement mondial qui est en train de s'organiser.
5- La qualité du management progresse de l'entreprise peut tirer parti de ce mouvement.


1 - La mutation vers l'économie durable est pleinement engagée et se lit désormais dans les performances sociétales des entreprises

Il n'y a plus de doute aujourd'hui, de la part des grands chefs d'entreprises (cf. D.Barton, DG de McKinsey dans la Harvard Business Review), comme des meilleurs experts académiques (cf. Michael Porter): la mutation de l'économie mondiale rend obsolète les modes de management anciens qui minorent les enjeux contextuels et qui n'intègrent pas 3 moteurs montants de l'économie de marché mondialisée que sont la nécessité du découplage des ressources, l'intervention directe de la Société et l'intérêt des partenariats avec cette Société civile.

- Le découplage – moins d'énergie et de matière utilisée, plus on croît – est la clé de la performance face à la rareté et à la montée des prix des ressources non renouvelables et la voie vers la baisse nécessaire des prix de revient pour faire face à la demande d'accessibilité croissante aux produits et services de la part de la population mondiale.
- L'émergence de la Société est un phénomène socio-politique qui change les modes de décision ; cela donne aux consommateurs, comme aux représentants civils une capacité d'intervention sur l'entreprise, rendant les marques et les dirigeants vulnérables s'ils n'accroissent pas leur transparence et leur volonté de négociation au sein de ce système.
- Confrontées inévitablement à des controverses, des crises et des interpellations, les entreprises n'ont pas d'autre voie que la collaboration avec la Société. Face à l'échec croissant d'une communication corporate en quête de sens, les entreprises ont besoin de s'appuyer sur les preuves d'engagement et les partenariats civils qu'offre la RSE.

« Mesurer pour progresser » devient donc une étape incontournable pour adapter la gouvernance et le modèle aux pressions nouvelles du marché dans le sens durable. C'est la contribution majeure du reporting sociétal.qu'on demande aux entreprises de mettre en place progressivement.

2 - La loi Grenelle 2 fait entrer les entreprises dans le «reporting intégré ».

Comparée à la loi NRE de 2001 – déjà appliquée par une centaine de grands groupes en France - et aux démarches volontaires des entreprises qui se sont engagées dans le développement durable ces dernières années – soit près de 4000 recensées - la loi Grenelle 2 comporte trois innovations importantes qui toutes tendent vers la structuration – stratégique – du « rapport DD & RSE ntégré ».

- La loi fonde le principe de l'intégration de l'information extra-financière au sein du rapport de gestion, soumis aux actionnaires, engageant la gouvernance de l'entreprise
- Il pose le principe de la vérification des données, par un organisme tiers indépendant, accrédité (Cofrac), qui analyse la sincérité des données et la justification de leur absence
- Il installe une liste de données de base opposables concernant les impacts sociaux, environnementaux et sociétaux conformes aux principaux référentiels en vigueur.

Ce texte tourne la page des rapports dans lesquels l'entreprise pouvait encore choisir les données qu'elle souhaitait, dans les formes qui lui convenaient. Elle ouvre sur « le rapport intégré » qui favorise l'unité de présentation des comptes et le parallélisme des formes pour faire entrer l'information extra-financière dans le cadre déjà très normalisé de l'information comptable, afin de lui conférer une matérialité et une opposabilité reconnue et utilisable.

3 - Grâce aux reporting sociétal, les relations économiques peuvent enfin se fonder sur des données objectives élargies aux enjeux de durabilité.

L'apport de l'information extra-financière, présentée dans les formes exigentes de l'information financière, est de rendre les performances RSE opposables ; elles constituent désormais des bases de discussion et d'accord dans des négociations avec trois partenaires fondamentaux de l'entreprise :

- Les grands donneurs d'ordre et bailleurs de fonds internationaux, investisseurs de long terme, se sont constitués des questionnaires d'investigation pour mesurer la prise en compte des critères RSE par les entreprises, en vue de les sélectionner et orienter.
- Plus largement, ce sont les investisseurs mainstream qui prêtent une attention croissante aux performances RSE des entreprises, s'agissant notamment des signataires des PRI (qui représentent entre 10 et 20 % de la gestion d'actifs mondiale); cela va bien au-delà de la cible étroite de l'ISR.
- Les parties prenantes de la société, dont les représentants des salariés et les associations engagées, observent de près les données publiées et établissement des comparaisons sectorielles qui tirent les entreprises dans le sens d'un dialogue plus rationnel.

L'avantage du reporting RSE intégré est de déplacer le contenu de la discussion entre l'entreprise et la Société sur un terrain d'analyse et de suivi des enjeux collectifs, quantifié au maximum, grâce à la comparabilité et à l'universalité de l'information RSE.

4 - La France prend de l'avance dans le cadre d'un mouvement mondial qui est en train de s'organiser.

L'initiative française s'inscrit dans un courant de construction de la comptabilité sociétale qui a été installé depuis plus de dix ans par la Gobal Reporting Initiative.
Cette initiative indépendante, issue d'une dynamique mondiale de stakeholders, a nourri de nombreux référentiels. Fin 2010, l'adoption de la norme privée Iso 26000, par des délégations représentant près de cent pays, a structuré un cadre de définition universel. Le mouvement RSE est entré dans une phase de convergence et d'universalisation de tous ses outils.

La convergence des bases RSE a été marqué récemment par une série d'accords passés entre la GRI, l'ISO 26000, l'OCDE et le Global Compact (Nations Unies), afin d'utiliser les données GRI comme plateforme de travail vers un reporting unique intégré.
L'adoption en mai 2011 par l'OCDE de nouveaux principes directeurs pour les multinationales, reprend cette vision convergente en élargissant le champ des engagements demandés ; les gouvernements sont incités à les faire appliquer.
Au terme d'une consultation publique, la Commission européenne vient de proposer un nouveau cadre de définition de la RSE, qui tourne la page avec la vision volontaire de son précédent Livre Vert. Ce tournant qui met la RSE au cœur de la relation public privé est soutenu par la France.

On le voit, la France fait le choix de s'inscrire dans un mouvement général, pour préparer ses entreprises à la maîtrise des comptes sociétaux, tels qu'ils devraient se mettre en place dans la décennie 2010. De fait, ce mouvement a franchi une étape décisive qui se caractérise par une dynamique nouvelle entre les pouvoirs publics, les autorités de marché et les institutions comptables, afin de favoriser la généralisation d'un reporting sociétal de base (cf. AMF, 6 décembre 2010)

5 - La qualité du management peut tirer parti de ce mouvement de plusieurs façons :

L'intérêt pour l'entreprise de mettre en place progressivement son reporting sociétal au sein de son rapport de gestion, est de favoriser 5 évolutions managériales qui rebouclent avec la prise en compte dans son modèle et sa gouvernance des pressions montantes du développement durable.

- Le reporting sociétal permet à l'entreprise de se doter d'un tableau de bord qui mesure sa création de valeur durable : économie de ressources, réduction des impacts négatifs...
- Le reporting sociétal permet de fonder le dialogue avec les parties prenantes sur une base objective qui construit une relation d'engagements de progrès et des partenariats
- Le reporting sociétal sert à animer une réflexion managériale interne autour des points forts et points faibles de l'entreprise, de ses engagements de progrès et innovations dans les technologies vertes et les enjeux créateurs de « valeur partagée ».
- Le reporting sociétal permet de s'inscrire dans des chantiers collectifs, sectoriels mais aussi nationaux et internationaux, pour entraîner la régulation dans le sens durable
- Enfin, le reporting résout le défi de la communication corporate car il fonde sur des preuves le discours sociétal attendu et sert de base crédible dans les gestions de crise

Ces bénéfices managériaux importants conduisent à s'interroger sur les craintes qui ont surgi lors de l'élaboration institutionnelle des textes Grenelle 2. Le coût a été calculé entre 1 et 5% de celui de l'information financière. Les PME ne sont pas dans le champ. La vérification, enfin, se mettra en place selon des procédures bien maîtrisées par la profession comptable. Sans complexité particulière, les entreprises françaises pourront être parmi celles qui maîtriseront le mieux leur « comptabilité sociétale », et qui pourront se faire reconnaître comme plus « responsables et durables » que leurs concurrentes, par les investisseurs et les régulateurs exigeants.

Patrick d’Humières
www.institutrse.com

Lundi 27 Juin 2011




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