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BCE, Fed : le grand désarroi...

Ce qui frappe dans le comportement récent des principaux banquiers centraux de la planète est certainement leur grand désarroi. En effet, que ce soit Janet Yellen aux Etats-Unis, Mario Draghi dans la zone euro ou encore Haruhiko Kuroda au Japon, leurs récentes décisions et déclarations montrent qu'ils ne semblent pas savoir où ils vont et surtout là où ils veulent nous mener…


Marc Touati
Marc Touati
Certes, et fort heureusement, nous ne sommes plus dans le dogmatisme monétariste qui sévissait il y a plus de vingt ans aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni et il y a encore quelques années dans la zone euro. Ainsi, un peu partout à travers la planète, les banques centrales sont davantage préoccupées par la faiblesse de la croissance que par les risques inflationnistes. Et pour cause : depuis environ deux ans, le monde est entré dans une phase de déflation quasi-généralisée, qui n'est pas sans rappeler la situation qui prévalait lors du krach de 1929 et de la crise des années 1930.

En effet, si la déflation était avant tout un problème japonais depuis les années 1990, puis un fléau eurolandais depuis trois ans, elle est aujourd'hui devenue un danger mondial. Ainsi, sur les 37 pays dits développés, seuls quatre affichent une inflation annuelle moyenne supérieure à 1 % en 2015. L'inflation moyenne de ces 37 pays n'est d'ailleurs que de 0,3 %, soit seulement 0,1 point de plus que le plancher historique atteint en 2009.

Mais ce n'est pas tout, puisqu'une fois n'est pas coutume, cette faible inflation n'est pas l'apanage des pays développés mais s'est imposée dans la grande majorité des pays à travers le monde. Sur les 189 pays listés par le FMI, 120 affichent ainsi une inflation inférieure à 4 %. L'inflation moyenne de la planète devrait ainsi atteindre 3 % cette année, soit seulement 0,2 point au-dessus du plus bas historique de 2009.

Dans ce cadre, on comprend le désarroi des banquiers centraux, notamment des pays développés, qui ont pourtant tout fait pour relancer l'inflation. Or, en dépit de taux directeurs historiquement bas, parfois même négatifs, mais aussi d'une « planche à billets » pléthorique, la croissance forte et durable n'est pas revenue et la déflation n'a pu être évitée.

C'est d'ailleurs ce que vient de confirmer Mario Draghi. En effet, ce dernier a beau être formidable, notamment parce qu'il a déjà sauvé la zone euro à trois reprises, il n'est pas pour autant magicien. Ne l'oublions jamais : la "planche à billets" est une condition nécessaire mais pas suffisante pour relancer fortement et durablement la croissance de la zone euro. Et ce, en particulier dans les pays handicapés par une pression fiscale trop forte et un marché du travail trop rigide, comme par exemple la France.

Ainsi, lors de sa réunion du 3 décembre, la BCE s'est contenté du « service minimum », en l'occurrence prolonger la « planche à billets » mais sans augmenter son montant mensuel (60 milliards d'euros) et abaisser de seulement 0,1 point le taux de dépôt à - 0,3 %. Les marchés, qui pensaient majoritairement que « Super Mario » allait encore sortir l'artillerie lourde, ont donc de quoi être déçus.

Pour autant, Draghi ne fait que rappeler que les effets de la « planche à billets » sur l'activité économique et les prix sont par nature limités. Celle-ci ne fait effectivement qu'alimenter une bulle boursière et obligataire, sans relancer la croissance et encore moins l'inflation. Le seul bémol est que le choix minimaliste de la BCE a mécaniquement et fortement apprécié l'euro, ce qui réduira le peu de croissance qui prévaut dans la zone euro.

Encore plus grave, la décision et le discours de Draghi montrent que ce dernier reste affecté par un grand désarroi et une grande inquiétude. Autrement dit, il y a bien un pilote dans l'avion, qui sait piloter et qui est en possession de tous ses moyens, mais qui doit faire face à un avion défectueux. A l'impossible nul n'est tenu. Et c'est certainement cet aveu d'impuissance qui fait peur aux investisseurs.

Il en est d'ailleurs de même avec la Présidente de la Fed, qui vient d'annoncer qu'une hausse du taux objectif des federal funds était imminente, tout en se montrant prudente sur l'avenir de l'économie américaine. Troublant paradoxe ! Certes, outre-Atlantique, la croissance est revenue et le taux de chômage est tombé à 5 %. Pour autant, avec un niveau d'environ 2,4 % cette année et d'au mieux 1,6 % l'an prochain, la croissance américaine reste fragile. Pire, le glissement annuel des prix à la consommation stagne autour de 0 % depuis le début 2015. En d'autres termes, les arguments justifiant un resserrement monétaire sont maigres.

Néanmoins, dans la mesure où la Fed doit se reconstituer une marge de manœuvre pour pouvoir relancer l'activité lors du prochain fort ralentissement, elle est obligée d'augmenter ses taux directeurs rapidement. Elle est tout simplement prise à son propre piège : à force d'avoir refusé d'agir lorsqu'il en était encore temps (c'est-à-dire dès l'été 2014) par peur de contrarier la croissance et les marchés, elle va devoir resserrer son étreinte dans la précipitation et de manière inefficace, puisque cette décision sera pro-cyclique, c'est-à-dire qu'elle aggravera le ralentissement de l'économie américaine. Encore plus grave, cette mesure nuira à la crédibilité de Janet Yellen, qui n'est déjà pas formidable.

Cela commence donc à devenir vraiment inquiétant, car en plus du manque de vision et souvent de l'incompétence des dirigeants politiques des grands pays occidentaux depuis une quinzaine d'années, il faut aussi composer avec le désarroi et l'impuissance des banquiers centraux. Seule consolation, ces derniers ne sont plus des faucons, mais des colombes. En ces temps troublés, tout réconfort est bon à prendre…

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


Les médias du groupe Finyear


Lundi 7 Décembre 2015




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