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2014: Une année que les liquidateurs amiables ne sont pas prêts d'oublier

L’année 2014 ne restera décidément pas comme une bonne « cuvée » pour les liquidateurs amiables.


François Pelcener
François Pelcener
Nous évoquions récemment la confirmation par la Cour de cassation de la possibilité pour le créancier, d’engager la responsabilité personnelle du liquidateur amiable en cas d’omission de sa créance lors de l’établissement des comptes de liquidation (cf. article précédent « Liquidateurs amiables »).

C’est aujourd’hui au tour de la Cour d’appel de Paris de se saisir du sort des liquidateurs : désormais, l’associé d’une société peut engager l’ « action sociale » (lui permettant normalement de rechercher la responsabilité des dirigeants en cas de faute dans la gestion de l’entreprise) à l’encontre du liquidateur amiable car la Cour considère que ce dernier « se substitue aux organes de direction » pendant la durée de sa mission (CA Paris, 11 sep 2014, n°13/13435).

C’est une solution tout à fait nouvelle.

En l’espèce, l’associé d’une société familiale à responsabilité limitée (SARL) spécialisée dans le développement personnel avait été contraint de dissoudre l’entreprise pour cause de mésentente avec les héritiers de son épouse (difficile de ne pas remarquer qu’être spécialiste en coaching personnel ne met pas à l’abri des querelles familiales…).

Lorsque lui fût soumis le détail des opérations de liquidation, l’associé s’est alors aperçu que le siège social (l’un des actifs de l’entreprise) avait été vendu par le liquidateur amiable pour un prix bien inférieur au prix du marché. Estimant que ce dernier avait volontairement manœuvré pour minimiser le prix de vente et proposer le bien à l’ancien avocat de la société (une telle pratique, il faut bien l’avouer, ne faisant pas vraiment honneur à notre profession…), l’associé avait engagé une action en responsabilité à l’encontre du liquidateur.

L’article L.237-12 du Code de commerce pose un principe général de responsabilité du liquidateur. Il est « responsable, à l’égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l’exercice de ses fonctions ».

Jusqu’à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, l’associé n’avait qu’un seul fondement textuel à sa disposition : l’article 1382 du Code civil.

Mais cette solution est (ou était) très loin d’être satisfaisante puisque, comme le rappelle la Cour à notre associé ayant fait feu de tout bois (en tentant d’invoquer à la fois l’ « action sociale » et l’action personnelle), il doit dans cette dernière hypothèse, démontrer « la faute personnelle du [liquidateur] à son égard, détachable de ses fonctions, et l’existence d’un préjudice personnel et distinct de celui de l’ensemble des autres créanciers ».

C’est précisément là où le bât blesse : cela signifie que le préjudice subi par l’associé ne doit pas coïncider avec le préjudice subi par la société. C’est pourtant très souvent voire, exclusivement, le cas.

Et effectivement, la Cour poursuit en expliquant que lorsque l’associé réclame, au titre des dommages-intérêts, une « fraction du préjudice social » (quand bien même elle aurait pu lui revenir à l’issu des opérations de liquidation si le liquidateur n’avait pas commis de faute), il ne justifie pas d’un préjudice personnel.

En d’autres termes, oublié du législateur, l’associé était presque totalement démuni face à la faute du liquidateur amiable.

C’est peut-être terminé puisque la Cour d’appel de Paris a clairement musclé son arsenal en lui permettant d’agir, au nom de la société, en réparation de l’entier préjudice subi par elle. Désormais, l’associé peut demander, par le biais de dommages-intérêts, la totalité de ce qu’il aurait dû revenir à la société si le liquidateur avait rempli correctement sa mission (à charge néanmoins, nous semble-t-il, de reverser ensuite logiquement ces dommages-intérêts dans la « caisse commune »).

La Cour d’appel de Paris, en admettant que « le contre-pouvoir constitué par l’action ut singuli [locution latine pour désigner l’action sociale] repose justement sur l’abus des pouvoirs remis au liquidateur comme à tous les dirigeants », pose une solution encore isolée.

Cette même argumentation avait auparavant été rejetée par la Cour d’appel de Versailles en 1992 (CA Versailles, 19 fév 1992, RGn°9581/91) et plus récemment, par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en 2011 (CA Aix-en-Provence, 7 sep 2011, n°10/04029).

Pourtant, c’est une solution parfaitement juste, et son impact devrait d’ailleurs transcender le seul cas d’un associé de SARL victime d’une faute du liquidateur amiable. En effet, la lettre de l’article L.223-22 du Code de commerce permettant l’action sociale au bénéfice d’un associé de SARL, se retrouve quasiment à l’identique pour toutes les sociétés (article 1843-5 alinéa 1er pour les sociétés civiles, en noms collectifs et en commandites simples, et article L.225-252 du Code de commerce pour les sociétés anonymes, par actions simplifiées et européennes).

En définitive, il ne reste qu’à obtenir l’approbation de la Cour de cassation. En l’état du droit positif, la Cour a encore une appréciation stricte des qualités de gérants, administrateurs ou directeurs généraux (Cass. Com., 19 mar 2013, n°12-14213). Affaire à suivre donc…

Par François Pelcener - Avocat
Homère Société d'Avocats

www.homere-avocats.com

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Mardi 6 Janvier 2015




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