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Entretien | Xavier Lazarus, Elaia Partners « La base critique des fonds VC en Europe n’est pas encore assez importante par rapport à l’enjeu global.»

20 ans, c’est à la fois le plus bel âge et l’âge critique.
Pour un fonds d’investissement et, à fortiori, un VC, ce bel âge est presque une gageure. Elaia est pourtant de cette trempe-là.
C’est en 2003 que Xavier Lazarus a cofondé avec Philippe Gire, Elaia Partners. Leur projet ? Investir le plus tôt possible dans des entreprises à forte valeur ajoutée dans le numérique et la tech. Parce qu’ils avaient et, qu’ils ont toujours, la conviction qu’en matière d’investissement, la science et les technologies sont ce qu'il y a de plus passionnants.
Avec, aujourd’hui, 700 millions d’euros d’actifs sous gestion, 180 investissements au total dont 100 toujours en cours, 40 salariés, 3 bureaux à Paris, Barcelone & Tel Aviv et des réussites comme Criteo (exit), Shift Technology, ibanfirst, Mirakl …Le VC Européen n’a plus vraiment rien à prouver sur le marché, lui reste à déployer ses ailes en Europe et à nous relater comment, il éprouve le contexte actuel.
Entretien avec Xavier Lazarus, co-fondateur et Managing Partner Partners d’Elaia Partners qui travaille toujours en direct avec les pôles de recherches des Universités et des Grandes Ecoles.

Propos recueillis par Anne-Laure ALLAIN


Avec Philippe Gire, vous avez fondé Elaia, il y a presque 20 ans maintenant, qu’est-ce qui vous a motivé à ne vous intéresser qu’à des jeunes pousses de la tech ?

Pour comprendre, il faut revenir sur mon parcours. J’ai eu une première partie de carrière d’une dizaine d’années, en tant qu’enseignant-chercheur dans les mathématiques pures. Ma conviction a toujours été qu’en matière d’investissement, la science et les technologies étaient ce qu’il y avait de plus passionnant. Il y a 25 ans, j’ai démarré en tant qu’investisseur et j’ai conservé cette passion initiale.
Cette ligne de conduite est celle que vous retrouvez chez Elaia : investir relativement tôt dans des sociétés qui créent de la valeur d’innovation par la rupture technologique et la propriété intellectuelle et, soutenir des entreprises que l’on appelle DeepTech aujourd’hui, des sociétés liées au monde de la recherche.
Cette thèse d’investissement a été hautement éprouvée par le marché et rarement prise à défaut. C’est vrai qu’il y a 20 ans avec Philippe, nous étions presque un poil trop avant-gardiste mais nos résultats ont été bons, voire très bons. De plus en plus d’investisseurs ont commencé à nous suivre et aujourd’hui, le marché nous donne raison.
En 20 ans, rien n’a vraiment changé dans notre vision et notre manière de faire, nous avons juste augmenté notre taille de fonds et diversifié nos secteurs.
Nous venons juste de lancer notre nouvelle génération de fonds de 200 millions d’euros. Et si le numérique représente encore la majorité de nos participations, nous avons élargi à la deeptech, à la bio, aux medtechs… Nous travaillons aussi nos partenariats académiques .

Vos partenariats académiques ? Vous travaillez en direct avec les pôles de recherches des universités et des grandes écoles ?

Tout-à-fait ! Nous sommes les partenaires exclusifs de PSL soit, Paris Sciences & Lettres, l’université qui regroupe des entités comme L’École Normale Supérieure, l’École des Mines, Chimie Paris, L’institut Pasteur, l’Institut Curie, l’Université de Dauphine…etc. Nous avons un fonds en commun avec eux et nous nous occupons de toutes les sociétés liées à leurs recherches.
Nous sommes aussi les partenaires de l’INRIA, l’Institut National de Recherche en Intelligence Artificielle et en Informatique, (NDLR : Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique).

Récemment, les Alumni de Polytechnique ont annoncé le lancement de leur fonds venture, qu’en pensez-vous ?

Initier ce type de projets est toujours à encourager ! Polytechnique est une des plus belles écoles d’ingénieurs sur le plan international. Par ailleurs, il s’agit de Saclay qui rassemble des compétences de premier plan au niveau scientifique.
Si je prends un peu de recul, en me basant sur notre propre expérience, je me pose la question du morcellement de notre puissance de feu en la matière. Quand vous êtes un trop petit fonds, il est compliqué d’accompagner des entreprises dans la durée. Ma conviction viserait à encourager une massification des fonds. Et, plutôt que de multiplier les petits fonds qui ne travailleraient que pour une seule école, initions des véhicules qui auraient plusieurs partenaires, plusieurs campus. C’est d’ailleurs ce que nous allons faire d’ici à la fin de l’année.
Nous allons bouclé un nouveau fonds visant à regrouper nos partenaires académiques – PSL & INRIA – dans un seul et même véhicule.
Au-delà des partenariats académiques, c’est une vision que l’on peut élargir à l’ensemble du capital risque. Lorsque les fonds sont en dessous d’une certaine taille critique, ils n’ont pas la capacité de soutenir les entreprises sur le long terme. La base critique des fonds en Europe n’est pas encore assez importante par rapport à l’enjeu global. Ce qui ne pose aucun problème lorsque vous êtes dans un cycle haut. En revanche, quand il s’agit de tenir sur la durée…
Pour palier cela, nous avons multiplié par quatre la base de fonds au cours des 20 dernières années. Et, nous continuerons à les faire grandir en fonction des opportunités de marché.

Bonne année 2022 pour la tech malgré un contexte chahuté (+17 %) ; chute vertigineuse des levées de fonds au premier trimestre 2023 (-68 % ) et pourtant, de très belles licornes françaises en devenir selon certains classements (Vivatech) : en tant que pionnier français dans ce type d’investissement comment jugez-vous la période ?

C’est le privilège de l’âge (Rires) : ce n’est pas vraiment ma première crise et je ne suis pas très surpris par ce qui se passe ! La majorité des personnes qui se positionnent aujourd’hui sur le marché sont arrivées après la crise de 2008. Ils n’ont jamais connu d’autre situation que la croissance. L’argent était jusque-là abondant, les entreprises croissaient. Soit, une situation relativement « facile ».
Voyons la situation autrement : nous étions jusqu’ici dans une euphorie et nous retrouvons un état plus standard de fonctionnement. Nous sommes certes, en décroissance par rapport au pic mais si vous regardez les chiffres du premier trimestre, il y a 3 ou 4 ans, nous aurions débouché le champagne après un tel résultat. Si nous dépassons les 10 milliards d’euros levés en 2023, nous aurons tout de même signé la deuxième meilleure année de tous les temps…
Le marché est plus sélectif, mais il demeure soutenu. Est-ce vraiment une mauvaise chose ?
Alors, oui, la conjoncture macro-économique ne s’améliore pas vraiment et nous percevons des signes contradictoires de tous les côtés. Il y a eu un début de crise bancaire : ce qui n’est jamais positif. Et je prends le pari que nous allons encore devoir subir des moments moroses. Mais je ne suis absolument pas dans un état d’esprit « fin du monde ».

Vous parlez d’une sélectivité accrue du marché, quel est le mode de sélection d’Elaia ?

Nous regardons, en tout premier lieu, les éléments qui vont jalonner notre parcours. Comme nous entrons très tôt dans l’entreprise, il nous est compliqué d’imaginer tout de suite une « sortie glorieuse ».
Aujourd’hui, nous partons de l’hypothèse que les capitaux vont être moins disponibles et/ou, plus contraignants dans certains secteurs. Nous nous focalisons moins sur le montant à investir que sur les scénarios d’évolution de l’entreprise. Comment va-t-elle se comporter compte tenu du marché ? Comment va-telle affronter ces paramètres macro-économiques de plus en plus compliqués ? Etc…
En fonction du secteur, tout peut être différent : la cybersécurité, par exemple, est dans une tendance haussière.
Sur un autre plan, nous savons que la situation va être plus difficile pour l’entrepreneur. Plus que jamais, nous avons besoin de personnalités exceptionnelles. Des personnes juste « biens », « courageuses » ou simplement « compétentes », ne vont pas forcément être en mesure de passer la crise. Nous avons monté nos exigences sur la qualité de l’équipe et recherchons des personnalités différentes, résilientes et expérimentées. Être celui qui coure le plus vite avec le vent dans le dos, ne suffit plus.
Ces deux paramètres additionnés – hypothèses d’évolution et qualité de l’équipe – dessinent un cap à franchir, plus difficile à négocier pour nous comme pour le chef d’entreprise.

Quels services proposez-vous à vos participations ? Leur offrez-vous, par exemple, l’accès à des plateformes centralisées ?

Nous misons beaucoup sur la mise en relation entre elles, les échanges, les synergies. Nous avons des partenaires sélectionnés comme des services pour le Cloud ou autres, mais nous ne sommes pas dans l’aboutissement d’une réelle plateforme d’accompagnement comme cela peut exister au sein de VC aux Etats-Unis par exemple, et ce, pour deux raisons.
La première c’est qu’en early-stage, ce n’est pas un modèle très simple : nous avons moins de sorties et donc, de flux de capitaux, que dans des fonds traditionnels.
La seconde relève plus d’une « façon de faire ». Chez Elaia nous considérons que c’est à l’investisseur de s’impliquer, d’être là à chaque étape. Nous nous positionnons comme des co-pilotes à leurs côtés.
Alors oui, pour la communication par exemple, ils ont accès, entre autres, à de l’accompagnement. Mais sur le recrutement, je tiens à ce que l’investisseur s’implique et assiste à certains entretiens. Comprendre les besoins de l’entreprise apporte une réelle valeur ajoutée.
Dans une très jeune entreprise, il faut savoir être présent, proposer les bons outils mais trop remplacer le dirigeant dans ses fonctions régaliennes est source d’échec.

Lorsque le nom d’Elaia passe dans la presse, il est accolé aux noms des réussites ou licornes que vous avez accompagnées : Criteo, Mirakl, Ornikar, Teads, SESAMm, … pour ne citer qu’elles… Existe-t-il une recette de la réussite façon Elaia ?

Savoir prendre des risques ? (sourires) Pour aucune des sociétés que vous venez de citer, nous n’avions de route toute tracée. Nous avions une ou deux étapes devant nous, mais impossible de nous projeter à 10 ans. Peut-être avons-nous fonctionné à l’inverse ? Nous avons croisé la route de personnes exceptionnelles et nous les avons convaincues de nous prendre à bord, ce qui relève d’un réel engagement de l’investisseur envers l’entrepreneur ?
Si je reviens à votre question concernant les plateformes de services dans les fonds, c’est là qu’elles peuvent être utiles mais, uniquement si elles sont au premier niveau de services. Un investisseur qui apporte son soutien en direct a une valeur énorme pour l’entrepreneur.
Notre meilleure récompense ? Lorsque c’est l’entrepreneur qui nous demande de rester à son board. Nous sommes toujours aux côtés de Mirakl ou d’IbanFirst.
Je pense que cette valeur dans la relation non désintermédiée est reconnue sur le marché.
Anne-Laure Allain

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Dimanche 23 Avril 2023




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