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D'Hermès à Sarkozy...en passant par Vidocq


ou quelle réglementation pour les professionnels du renseignement et de la sécurité ?

D'Hermès à Sarkozy...en passant par Vidocq

I - HISTORIQUE D'HERMÈS A VIDOCQ :

Dans la mythologie grecque, HERMÈS (1) était considéré comme le Dieu des Voyageurs, des Marchands et des Voleurs.... Déjà à cette époque, certains achetaient sans payer et disparaissaient aussi rapidement qu'ils étaient arrivés...!

(1) Les Romains, dont leurs propres divinités avaient souvent leur équivalent chez les Grecs, conclurent qu’il s’agissait du même dieu, caché sous un nom différent, et adoptèrent les légendes grecques déjà inventées à son sujet. C’est ce qu’on appelle le syncrétisme. C’est ainsi que les Romains connaissaient Hermès surtout comme dieu des marchands : ils l’appelaient en effet Mercure, qui vient du mot "merx" = "marchandise". Ce nom de Mercure a donné notre " mercredi " = " jour de Mercure".

C'est en 1832, après avoir remis sa démission au préfet GISQUET des fonctions officielles qu'il occupait de "Chef de la brigade de la Sûreté" que VIDOCQ crée à Paris, au 12 rue de Cloche-Perce, son office dénommée " BUREAU DE RENSEIGNEMENTS UNIVERSELS DANS L'INTERET DU COMMERCE".

Tout en admettant que le bureau de VIDOCQ puisse faire office de prototype, c'est cependant à tort que VIDOCQ puisse être considéré comme le précurseur du domaine de la "police privée".... En effet, dès 1819, on dénombre déjà à Paris près de 250 "agents d'affaires" proposant une gamme illimitée de services tels que le recouvrement des créances, l'étude des successions, l'exécution des testaments, les transactions immobilières, les surveillances, les renseignements, les recherches de toutes sortes, etc... etc....

Dominique Kalifa brossait, dans son excellent livre "Naissance de la police privée" le tableau suivant :"Se prétendant souvent anciens avocats ou hommes de loi, mais affichant des compétences illimitées, la plupart des "agents d'affaires" se montrent prêts à tout. Comme l'annoncent les associés Bérard et Goyneau en 1832, il s'agit bien d'agences universelles, qui traitent les affaires de toutes espèces.... Parmi une majorité de cabinets surtout versés dans le contentieux et les affaires commerciales, certains ont déjà spécifié une vocation plus privée. Depuis 1807 par exemple, un dénommé Villiaume reçoit les personnes qui désirent [...] obtenir quelque renseignement que ce soit. En 1824 est apparu Jean-Baptiste Robin, qui se fait fort de fournir, pour tout genre d'affaires, les indications et renseignements convenables pour la célérité et la sûreté des démarches. Plus explicite encore apparaît Chevalier de Beaufort, qui a fondé en 1832, rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur, une maison de vigilance proposant toute espèce de recherches, renseignements et informations d'affaires commerciales, de famille et particulières ; pour recherches d'individus absents ou dont la demeure est ignorée. Trois ans plus tard, installé dans la très suggestive rue du Chevalier-au-guet, il est devenu plus clair encore : toute espèce de recherches, surveillances, renseignements et informations"....

Au cours de son procès, le Président demanda à VIDOCQ : "Quel était le but de votre agence de renseignements ?" VIDOCQ lui répondit : "C'était d'indiquer au commerce ces escrocs qu'on appelle en termes vulgaires des faiseurs, des briseurs. Ce sont des gens qui achètent de toutes mains, à crédit, et qui revendent aussitôt à 50 pour 100 de perte, c'était de faire connaître les faiseurs haut placés ou se disant tels, qui ont des titres, des châteaux, des voitures, et qui volent ainsi leurs tailleurs, leurs bottiers, leurs fournisseurs".

C'est en fait une amalgamation hétéroclite de services en tous genres qui alimentaient le quotidien de ces "agents d'affaires" et il n'échappera à personne que la nature originelle et prépondérante de ces "affaires" était plus prononcée dans les domaines spécifiques à la "police privée", au "recouvrement de créances" aux "renseignements commerciaux" ou aux "surveillances", qui sont, à mon sens, les activités basiques des métiers dits "de la sécurité privée".

Force est cependant de constater que ces métiers ont toujours joué un rôle primordial dans l'économie hexagonale en permettant notamment la conclusion de nombreux contrats et en évitant la perte de sommes considérables.

Ainsi, Monsieur Jean VASSOGNE, Premier Président de la Cour d'Appel de Paris, dans sa thèse relative aux agences de renseignements précisait : "Le renseignement commercial est le seul moyen de limiter les risques du crédit qui ne soit pas contraire à la notion même du crédit : faire crédit sans connaître est folie".

La Cour de Cassation, quant à elle, a reconnu, dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle du 23 octobre 1886 qu'en recueillant les informations et en les communiquant, il [l'Agent de recouvrement] a exercé une profession qui, non seulement n'est point condamnable, mais qui, nécessaire au commerce dont elle garantit la sécurité, appelle la protection de la loi et celle de la justice...".

Au fil du temps, ces métiers "basiques" se sont organisés et, de ces derniers, ont émergées de nouvelles activités annexes et/ou connexes comme par exemple :

- Les consultants en Intelligence Économique ;

- Les consultants en informations ;

- Les courtiers en renseignements ;

- Les enquêteurs en renseignements commerciaux et économiques ;

- Les enquêteurs financiers et de solvabilité ;

- Les enquêteurs d'assurances ;

- Les enquêteurs en contrefaçons ;

- Les généalogistes ;

- Les profileurs ;

- Les veilleurs en stratégies concurrentielles, technologiques et commerciales ;

- Les Documentalistes, les archivistes ;

- etc...(liste non exhaustive).

II - L'ORGANISATION DES METIERS DITS "BASIQUES" :

GENERALITES.

Les métiers considérés comme "basiques" sont ceux qui furent les précurseurs des activités liées aux domaines de la "police privée", du "recouvrement de créances", des "renseignements commerciaux" et des "surveillances" diverses.

C'est en amalgamant ces derniers qu'il a été possible de dresser une trame des textes législatifs et réglementaires qui furent adoptés, au fur et à mesure du temps, pour chacun d'entre eux.

- 1 - Le texte le plus ancien fut la loi n° 891 du 28 septembre 1942 réglementant l'exercice de la profession de directeur et de gérant d'agences privées de recherches modifiée par la loi n° 80-1058 du 23 décembre 1980 elle-même modifiée par l'article 311 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992.

L'ensemble de ces textes seront abrogés par l'article 107 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Entre-temps, on notera la parution du décret n° 77-128 du 9 février 1977 relatif à l'exercice de la profession de directeur et de gérant d'agences de recherches privées,

texte qui sera également abrogé (art. 9) et remplacé par le décret n° 81-1086 du 8 décembre 1981 relatif à l'exercice de l'activité des agences privées de recherches (JORF du 11 décembre 1981) lui-même modifié par le décret n° 87-593 du 22 juillet 1987 (JO du 31 juillet 1987 - page 8598).

- 2 - Un texte très important parce qu'incontournable sera celui de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité [TITRE II] (JORF du 13 juillet 1983) modifiée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. (J.O n° 66 du 19 mars 2003 - page 4761), succinctement modifiée par l'article 206 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 (JO n° 59 du 10 mars 2004 - page 4567).

- 3 - Et enfin, dans le domaine relatif au recouvrement de créances, le décret n° 96-1112 du 18 décembre 1996 portant réglementation de l'activité des personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui (JORF du 20 décembre 1996).

COMMENTAIRES.

A des fins plus historiques que partisanes, je me dois d'apporter quelques précisions au sujet de cette feue loi n° 891 du 28 septembre 1942 réglementant l'exercice de la profession de directeur et de gérant d'agences privées de recherches.

La phrase "agences privées de recherches" était déjà une hérésie terminologique ! En effet, comment un "détective" peut-il est privé de recherches ?

Ensuite, le 2e. alinéa de l'article 1er. de ladite loi - telle que parue dans le JO du 30 octobre 1942 (page 3602) - précisait, que pour exercer l'activité, il ne fallait pas "être visé par l'article 1er de la loi du 2 juin 1941 portant statut des juifs"....

Cette disposition fut d'ailleurs abrogée par le 7e. paragraphe de l'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, promulguée par le Général De Gaulle à Alger (JO n° 65 du 10 août 1944 - page 688).

Les dispositions de l'article 7 de ladite ordonnance précisaient de surcroît : "Les actes de l'autorité de fait se disant ""gouvernement de l'Etat français"" dont la nullité n'est pas expressément constatée dans la présente ordonnance ou dans les tableaux annexés [ce qui était la cas], continueront à recevoir provisoirement application.

Cette application provisoire prendra fin au fur et à mesure de la constatation expresse de leur nullité prévue à l'article 2.

Cette constatation interviendra par des ordonnances subséquentes qui seront promulguées dans le plus bref délai possible"....

Or, lors des travaux préparatoires de la loi n° 80-1058 supra et notamment au cours de la discussion du projet de loi au Sénat à la séance du 23 octobre 1980 (JO n° 86 S du 24 octobre 1980 - page 4012), Monsieur Marcel Rudloff, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale précisait à propos de la loi du 28 septembre 1942 : "... loi qui a été validée implicitement lors du rétablissement de la légalité républicaine en 1944...".

Alors, dans ces conditions, pourquoi le législateur n'a-t-il pas profité de cette refonte complète de la loi de 1942 pour abroger purement et simplement cette loi au lieu de la modifier, comme il l'a fait, et de pouvoir ainsi se donner l'occasion de rompre définitivement le climat malsain dans lequel ce texte avait été antérieurement décrété ?

L'article 107 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a enfin mis un terme final à ce texte qui était de nature à être considéré comme une insulte à la liberté.... Il aura toutefois fallu attendre 60 ans pour rétablir la réalité de la situation ! Mieux vaut tard que jamais !

III - LA LOI POUR LA SECURITE INTERIEURE DITE "LOI SARKOZY" :

ANALYSE DU TEXTE.

La loi dite "SARKOZY" est la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. (JO n° 66 du 19 mars 2002 - page 4761)

Elle comprend 143 articles répartis en 6 titres :

- Titre Ier: Dispositions relatives aux forces de sécurité intérieure et à la protection des personnes et des biens (articles 1 à 79);

- Titre II : Dispositions relatives aux armes et aux munitions (articles 80 à 85);

- Titre III : Dispositions relatives aux pouvoirs des maires, des polices municipales et des gardes champêtres (article 86 à 93);

- Titre IV: Dispositions relatives aux activités de sécurité privée (articles 94 à 107);

- Titre V : Dispositions diverses (articles 108 à 119);

  • Titre VI: Dispositions relatives à l'outre-mer (articles 120 à 143).

Le titre IV "Dispositions relatives aux activités de sécurité privée" fera, seul, l'objet de la présente synthèse (articles 94 à 107).

Les articles 94 à 101 consistent à faire un toilettage à la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité ;

Les articles 102 à 107 concernent les "ACTIVITÉS DES AGENCES DE RECHERCHES PRIVÉES".

COMMENTAIRES.

L'article 102 est certainement le plus important car c'est celui qui modifie la structure même de toutes les professions liées à la recherche du renseignement. Il crée dans la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 un "TITRE II" ainsi libellé: "DES ACTIVITÉS DES AGENCES DE RECHERCHES PRIVÉES".

C'est dans ce titre que trouvent le fondement des nouveaux articles 20 à 33 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983.

L'article 20 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 dispose : "Est soumise aux dispositions du présent titre la profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l'objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts."

Une telle formulation du texte est donc de nature à laisser supposer que TOUS LES PROFESSIONNELS [rémunérés], se livrant à des activités relatives à la collecte d'informations ou de renseignements destinés à des tiers en vue de la défense de leurs intérêts sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de ces dispositions.

Il y aurait donc lieu d'entendre par "professionnels concernés" les détectives ou Agents de Recherches Privées, les agents de recouvrement de créances et de renseignements commerciaux, les professionnels de l'Intelligence Économique, les documentalistes, les veilleurs sur Internet, les enquêteurs commerciaux et autres, et d'une manière plus générale tous les professionnels qui collectent en vue de leur revente, des informations destinées a assurer la défense des intérêts de leurs mandants.

Certains de ces professionnels avaient déjà devancé depuis longtemps certaines dispositions de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure [qui étaient préalablement celles de l'ancienne loi du 28 septembre 1942]. Outre les détectives ou "ARP" qui étaient déjà dans l'obligation, de par leur statut, de se déclarer auprès des préfectures, les plus importantes sociétés de recouvrement de créances et de renseignements commerciaux avaient également emboîté le pas.

Effectivement, l'activité de ces dernières, bien que consistant principalement à recouvrer des créances impayées, était susceptible d'entrer dans le champ des missions du domaine des détectives [ARP], ne serait-ce que par le simple fait de rechercher des débiteurs disparus.

Il est cependant difficile d'admettre que tous ces professionnels puissent être assujettis à la terminologie "d'Agent de Recherches Privées" plus communément appelés "Détectives privés" et, en tant que tels, soumis à toutes les contraintes que requiert le texte de loi.

Et que penser du Juge qui pourrait être amené à trancher en cas de litige ! Compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont dispose ce dernier, il existerait alors un éventuel danger : celui de créer un précédent, alimentant une jurisprudence nouvelle, mais encore inconnue à ce jour.

L'article 21 impose de respect de trois notions :

- Celle relative à la dénomination d'une personne morale exerçant l'activité mentionnée à l'article 20 qui doit faire ressortir qu'il s'agit d'une personne de droit privé et éviter ainsi toute confusion avec un service public, notamment un service de police.

- Celle qui interdit aux professionnels exerçant les activités ci-dessus définies de pratiquer certaines autres activités et notamment celles énumérées à l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983 c'est-à-dire celles qui consistent :

1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ;

2° A transporter et à surveiller, jusqu'à leur livraison effective, des fonds, des bijoux ou des métaux précieux ainsi qu'à assurer le traitement des fonds transportés ;

3° A protéger l'intégrité physique des personnes.

- Et enfin, celle relative aux fonctionnaires de la police nationale et aux officiers ou sous-officiers de la gendarmerie nationale ne pouvant exercer l'activité mentionnée à l'article 20 durant les cinq années suivant la date à laquelle ils ont cessé définitivement ou temporairement leurs fonctions que sous réserve d'avoir obtenu au préalable l'autorisation écrite, selon le cas, du ministre de l'intérieur ou du ministre de la défense. Les officiers ou sous-officiers n'appartenant pas à la gendarmerie nationale qui étaient affectés dans l'un des services mentionnés par arrêté du ministre de la défense sont soumis aux mêmes règles.

L'article 22 interdit, à titre individuel l'activité mentionnée à l'article 20, ni diriger ou gérer une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. (Les décrets sont toujours en cours de parution). L'agrément est délivré aux personnes qui satisfont à certaines conditions et notamment à celles disposant d'une qualification professionnelle définie par décret en Conseil d'Etat.

L'article 23 défini les conditions que doivent remplir les salariés et/ou collaborateurs.

L'article 24 défini les indemnités auxquelles peuvent prétendre les salariés ayant cessés de remplir les conditions posées et faisant ainsi l'objet d'une rupture du contrat de travail de plein droit.

L'article 25 est relatif à l'autorisation distincte pour l'établissement principal et pour chaque établissement secondaire.

L'article 26 défini les différents cas de retrait de l'autorisation.

L'article 27 défini les mentions à apposer sur les documents informatifs, publicitaires ou contractuels et sur toutes correspondances (numéro de l'autorisation prévue à l'article 25 et mention du caractère privé de l'activité). Il interdit également de faire état de la qualité d'ancien fonctionnaire ou d'ancien militaire éventuellement détenue par la personne titulaire de l'autorisation ou par l'un de ses dirigeants ou employés.

L'article 28 concerne les équivalences et les garanties offertes par les ressortissants de la Communauté européenne.

L'article 29 interdit aux personnes physiques ou morales qui exercent l'activité mentionnée à l'article 20 de recourir à quelque forme que ce soit d'entrave au libre usage des biens et de coercition à l'égard des personnes.

L'article 30 est celui qui touche au contrôle et à la surveillance des personnes exerçant l'activité mentionnée à l'article 20. Il concerne également l'accession aux locaux (entre 8 heures et 20 heures) dans lesquels sont exercées les activités mentionnées à l'article 20.

Les articles 31 à 33 sont ceux définissant les peines encourues en cas d'infraction.

Les articles 103 à 105 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure concernent des dispositions diverses.

L'article 106 de la loi supra concerne les décrets à venir s'agissant de l'exigence de l'aptitude professionnelle requise.

L'article 107 de la loi supra concerne l'abrogation des lois n° 891 du 28 septembre 1942 et n° 80-1058 du 23 décembre 1980.

IV - EXERCICE DE L'ACTIVITE SOUS LA FORME LIBERALE OU COMMERCIALE.

Dans l'article 20 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 mentionné supra, il est spécifié : "Est soumise aux dispositions du présent titre la profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l'objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts".

Aux termes stricto sensu de ce texte, il convient donc, de prime abord, de déterminer ce qu'entend le législateur par "profession libérale" (par opposition à profession commerciale).

Datant de 1845, le sens étymologique du terme "profession libérale" désigne aujourd'hui "la profession qui a pour objet un travail intellectuel effectué sans lien de subordination et dont la rémunération ne revêt aucun caractère commercial ou spéculatif" (cf. petit Larousse).

Les articles L110-1 et L110-2 du Code de commerce définissent comme étant réputés "actes de commerce" donc comme "profession commerciale" :

- Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre ;
- Tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l'acquéreur n'ait agi en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ;
- Toutes opérations d'intermédiaire pour l'achat, la souscription ou la vente d'immeubles, de fonds de commerce, d'actions ou parts de sociétés immobilières ;
- Toute entreprise de location de meubles ;
- Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ;
- Toute entreprise de fournitures, d'agence, bureaux d'affaires, établissements de ventes à l'encan, de spectacles publics ;
- Toute opération de change, banque et courtage ;
- Toutes les opérations de banques publiques ;
- Toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers ;
- Entre toutes personnes, les lettres de change.

.../...

- Toute entreprise de construction, et tous achats, ventes et reventes de bâtiments pour la navigation intérieure et extérieure ;
- Toutes expéditions maritimes ;
- Tout achat et vente d'agrès, apparaux et avitaillements ;
- Tout affrètement ou nolisement, emprunt ou prêt à la grosse ;
- Toutes assurances et autres contrats concernant le commerce de mer ;
- Tous accords et conventions pour salaires et loyers d'équipages ;
- Tous engagements de gens de mer pour le service de bâtiments de commerce.

L'article L 121-1 du Code de commerce définit les commerçants comme étant "ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle".

Ce texte constitue à mon sens une interprétation subjective héritée de la révolution française. Il est tout à fait possible d'effectuer un acte de commerce sans avoir la qualité de commerçant et, à l'inverse, d'avoir la qualité de commerçant sans pour autant effectuer que des actes de commerce.

Les articles L110-1 et L110-2 du Code de commerce ne fournissent qu'une énumération hétéroclite, désordonnée et incomplète des opérations que la loi répute "acte de commerce". D'ailleurs la jurisprudence ne considère plus aujourd'hui que ces dispositions aient un aspect limitatif, eu égard notamment à l'émergence de nouvelles activités de nature commerciale mais estime, à contrario, que ces textes doivent être interprétés d'une manière extensive et en tous les cas non exhaustive, d'ou la détermination de trois catégories d'actes de commerce : la première par la forme (actes objectifs), la seconde par nature (commerce de terre [L110-1], commerce de mer [L110-2]) et la troisième par accessoires (actes subjectifs).

Relevons ensuite que les alinéas a) et b) du 2e paragraphe de l'article 20 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 disposent :

"Seules peuvent être autorisées à exercer à titre professionnel l'activité mentionnée à l'alinéa précédent :
a) Les personnes physiques ou morales immatriculées auprès de l'organisme visé par le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle ;
b) Les personnes physiques ou morales non immatriculées auprès de l'organisme visé par le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 précitée, qui sont établies dans un autre État membre de la Communauté européenne ou un autre des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen et qui exercent cette activité".

Par voie de conséquence, "l'activité mentionnée à l'alinéa précédent" peut être exercée sous deux formes distinctes :

1/ - Soit sous la forme libérale :

a) En tant que personne physique,

b) En tant que personne morale par le biais d'une société commerciale (S.E.L.) en vertu de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (société d'exercice libéral à responsabilité limité [S.E.L.A.R.L.], société d'exercice libéral à forme anonyme [S.E.L.A.F.A.], société d'exercice libéral en commandite par actions [S.E.L.C.A.]).

2/ - Soit sous la forme commerciale :

a) En tant que personne physique,

b) En tant que personne morale par le biais d'une société commerciale (E.U.R.L., S.A.R.L., S.A.S., S.A., etc... etc...).

V - PROFESSIONNELS CONCERNES - CONSEQUENCES POSSIBLES.

Nous avons vu que l'article 20 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 mentionné supra, dispose : "Est soumise aux dispositions du présent titre la profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l'objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts".

Qu'entend le législateur par "... en vue de la défense de leurs intérêts" ?

Deux mots sont importants : "défense" et "intérêts". Il s'agit bien évidemment de la défense des intérêts des tiers c'est-à-dire des clients. Pour les ARPs, il ne subsiste aucune ambiguïté possible à ce sujet du simple fait que le contenu de leurs rapports visent par nature la défense des intérêts de leurs clients.

Pour les autres professionnels du renseignement, il s'agit de déterminer la nature exacte de leurs missions et plusieurs cas d'espèces sont envisageables. Ils peuvent en effet être amenés à rechercher des renseignements dans le but de les revendre à des tiers sans pour autant que lesdits renseignements soient spécifiquement de nature à défendre les intérêts de leurs mandants.

- nota 1 : Le fait que certains de ces professionnels (cabinets de recouvrement de créances par exemple) aient déjà devancé (sous l'ancienne législation -loi n° 891 du 28 septembre 1942-) certaines procédures de déclaration préfectorales en qualité d'ARP prouve bien qu'une partie des missions effectuées par ces derniers [recherche de débiteurs notamment] relèvent bien de l'exercice de la profession des détectives.

- nota 2 : Originellement, on aurait pu penser à juste titre, que les décrets d'application à paraître pourraient définir exhaustivement soit les catégories de professionnels, soit les activités exercées par ces derniers étant susceptibles d'entrer dans le champ des dispositions du titre II de la loi de 1983 supra. Or, il apparaîtrait qu'une telle énumération ne serait pas de nature à être explicitée dans les décrets mais qu'il appartiendrait à chaque professionnel du renseignement d'estimer de lui même et sous son entière responsabilité s'il entre ou non dans le cadre législatif fixé.

Ainsi, tous les professionnels qui viendraient à effectuer des missions du ressort réservé à la profession d'ARP (détectives) [*] aussi infimes soient-elles seraient contraints de se conformer à toutes les dispositions du titre II de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 et spécifiquement à celles définies aux articles 21 à 33 de ladite loi.

[*] - Activités liées à la recherche privée tendant à recueillir des informations ou des renseignements destinées à des tiers en vue de la défense des intérêts des tiers.

Les principales conséquences de cet état de fait résulteront incontestablement dans l'obtention de l'agrément ad hoc ainsi que de la qualification professionnelle (article 22 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 infra).

"Nul ne peut exercer à titre individuel l'activité mentionnée à l'article 20, ni diriger ou gérer une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.

L'agrément est délivré aux personnes qui satisfont aux conditions suivantes :

1° Être de nationalité française ou ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ;

2° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ;

3° Ne pas avoir fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;

4° Ne pas avoir fait l'objet d'une décision, prononcée sur le fondement des dispositions du chapitre V du titre II du livre VI du code de commerce ou prise en application des textes antérieurs à ce code et ne pas avoir fait l'objet d'une décision de nature équivalente dans un autre État membre de la Communauté européenne ou un autre des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ;

5° Ne pas avoir commis d'actes, éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police, contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de État ;

6° Ne pas exercer l'une des activités mentionnées à l'article 1er ;

7° Détenir une qualification professionnelle définie par décret en Conseil d'Etat.

L'agrément peut être retiré lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues au présent article. Il peut être suspendu immédiatement en cas d'urgence ou de nécessité tenant à l'ordre public."

Or, pour détenir la qualification ad hoc, les professionnels devront suivre une formation spécifique aux détectives (ARP), soit traditionnelle, soit par équivalence, notamment par le biais de la validation des acquis de l'expérience (VAE).

Dans la mesure où ces affirmations s'avéreraient fondées, il pourrait apparaître deux nouvelles situations :

- La première consistant pour le professionnel à continuer d'exercer ses activités en passant outre à la réglementation ad hoc et prenant ainsi le risque de se voir poursuivi pour exercice illégal de la profession d'ARP avec toutes les conséquences qui en découlent ;

  • La seconde qui tendrait à développer un nouveau marché de la sous-traitance au profit des ARP dans la mesure ou certains professionnels du renseignement ne seraient pas désireux d'acquérir -eu égard au tracasseries administratives diverses- l'agrément ou la qualification professionnelle ad hoc.

VI - LES NOUVEAUX DECRETS D'APPLICATION A PARAITRE.

INFLATION DE LOIS... SANS DECRETS D'APPLICATION :

La situation est pour le moins paradoxale : d’un côté, on assiste en France à une inflation législative, qui dépasse les limites du raisonnable et fait oublier que la loi doit être une mesure générale et non régir des cas particuliers et étouffer peu à peu la société civile ; de l’autre, un grand nombre de lois votées -à commencer par les fameuses réformes, si urgentes parait-il- n’ont pas, plusieurs mois après leur vote, de décrets d’application.

C’est au point que le Premier ministre a du rappeler à l’ensemble du gouvernement que " l’adoption des décrets d’application dans les meilleurs délais est une condition nécessaire pour que les réformes entreprises entrent dans les faits ".

Jean-Pierre RAFFARIN avait demandé aux ministres de veiller " à ce que la publication des décrets suive de près celle de la loi "…tout en les mettant en garde " contre l’excès de législation qui nuit à la sécurité juridique ".

Selon le secrétariat général du gouvernement, des décrets d’application de textes votés sous la précédente législature -qui s’est achevée en juin 2002- n’ont toujours pas paru, alors même que le délai théorique maximum est de six mois.

C’est ainsi qu’il n’y a toujours pas de décret pour la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité.

Mais ce n’est pas par refus d’appliquer les lois du gouvernement précédent, puisque les lois de la nouvelle législature sont dans le même cas. Selon un recensement effectué au 1er octobre 2003, seules 10% à 15% des lois votées depuis le début de l’année avaient l’objet de décrets d’application. Un sujet aussi important que la fameuse loi sur les retraites a besoin d’environ cinquante décrets ; le premier a été publié le 28 août et la majorité d’entre eux est toujours en attente.

Tout cela ne doit pas masquer le problème essentiel souligné par le Premier ministre lui-même : des lois en trop grand nombre et des textes trop compliqués. Mais avouons qu’il y a quelque chose qui ne marche plus dans la machine bureaucratique qui prétend nous gouverner lorsqu’on en arrive à une majorité de lois non appliquées faute de décrets.

La machine étatique française est devenue folle....

Pourtant, en vertu des dispositions édictées à l'article 22 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, DEUX nouveaux décrets d'application sont à paraître.

L'un relatif aux conditions d'obtention de l'agrément ad hoc ;

L'autre relatif aux conditions tendant à l'obtention de la qualification professionnelle ad hoc.

Depuis la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, soit plus de deux ans après sa promulgation, les deux décrets d'application sont toujours en cours d'élaboration....

En attendant, essayons de nous satisfaire avec la question écrite n° 35584 qui est parue au JO le 1er. février 2005....

12ème législature

Question N° : 35584

de M. Julia Didier ( Union pour un Mouvement Populaire - Seine-et-Marne )

QE

Ministère interrogé :

intérieur

Ministère attributaire :

intérieur

Question publiée au JO le : 16/03/2004 page : 1969

Réponse publiée au JO le : 01/02/2005 page : 1085

Date de changement d'attribution : 31/03/2004

Rubrique :

services

Tête d'analyse :

sécurité

Analyse :

enquêteurs de droit privé. formation professionnelle

Texte de la QUESTION :

M. Didier Julia attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la formation professionnelle des enquêteurs de droit privé, devenue indispensable à l'heure où cette activité est essentiellement saisie par les services juridiques d'entreprises, les assurances, les banques, les auxiliaires de justice... Cette profession libérale qui vient d'être réglementée recevra un agrément de l'État qui ne sera délivré que sous certaines conditions, notamment d'aptitude professionnelle. Consciente du besoin, l'université Panthéon Assas Paris-XI a créé, en 1998, une formation publique qui débouche sur le diplôme universitaire professionnel d'enquêteur privé, créé le 1er juillet 1998, complété le 5 juillet 2000, par celui de directeur d'enquêtes privées, avec pour objectif d'inculquer les bases juridiques indispensables à l'exercice de cette activité, ses devoirs et limites, ainsi que les méthodes légales d'investigations dans le respect du droit et des libertés fondamentales. Il paraît souhaitable, dans cette activité, que la formation soit dispensée par un organisme public, ne serait-ce que pour empêcher toute dérive vers des pratiques ou des méthodes illégitimes, illicites ou illégales. Il souhaiterait être informé des intentions du Gouvernement en matière d'aptitude et de formation professionnelle obligatoire, pour faire en sorte que celles donnant accès aux agréments publics qui engagent désormais l'État soient dispensés par un établissement public universitaire et que la possession de diplômes similaires à ceux déjà créés par l'université Panthéon Assas Paris-XI soit rendue obligatoire pour tout nouveau dirigeant d'agence et tout nouvel enquêteur. Il souhaite également connaître les intentions du Gouvernement pour que soit reconnue, aux actuels diplômés, l'aptitude professionnelle requise par la loi pour avoir suivi pendant un an (pour les enquêteurs) ou deux ans (pour les directeurs) une formation juridique et technique très contraignante, outre le stage de quatre cents heures qu'ils ont été contraints d'effectuer (2e cycle) pour pouvoir obtenir leur diplôme. Enfin, il souhaite également être informé des intentions du Gouvernement pour que soit reconnue, au titre des mesures transitoires nécessaires, une " équivalence " aux professionnels qui exercent cette activité depuis dix ans et qui paraissent donc avoir, par expérience, la qualification et les connaissances requises à la poursuite de leur profession.

Texte de la REPONSE :

L'honorable parlementaire appelle l'attention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les décrets à paraître pour l'application de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 modifiée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, relativement à la condition d'aptitude professionnelle des agents de recherches privées. Les décrets en cours d'élaboration veilleront à définir le cadre dans lequel devront s'inscrire les formations nécessaires à l'acquisition d'une aptitude professionnelle en la matière. Ainsi une formation telle que celle évoquée aurait vocation, en remplissant les conditions requises, à compter parmi celles-ci. Dès lors, les titulaires d'un tel diplôme, acquis avant ou après la parution du décret, seraient considérés comme disposant de l'aptitude professionnelle requise. S'agissant des professionnels qui exercent cette activité depuis plusieurs années, le décret, en application de l'article 106 de la loi du 18 mars 2003, devrait déterminer une durée à partir de laquelle cet exercice continu de leur profession serait considéré comme l'aptitude professionnelle demandée.


Synthèse réalisée par Serge KAUDER.
Juriste.
Conseiller Technique en matière de Police Privée.
PDG du Groupe KSI.

SK/2004-03-27 - 2005-06-12 -
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Dimanche 12 Juin 2005



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