Entretien | Neal Robert, bem.builders - « Le metavers n’existe pas ! »

Le groupe Casino, le groupe Carrefour, la FDJ mais aussi le cabinet en conseil stratégique NellyRodi, ou la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin…fondée il y a à peine deux ans, bem.builders, pour brand experience in the metaverse, affiche déjà un impressionnant palmarès de clients.
Renforcée par sa première levée de fonds en seed de 2 millions d’euros auprès de Karot Capital, Keyrus et son startup studio, Younicorns, la start-up fourmille de projets et d’expériences. Coup d’envoi de la quête dans le metavers avec Neal Robert en éclaireur.

Anne-Laure Allain


Des clients d’ampleur à forte notoriété, une première levée de fonds bouclée alors que vous avez à peine deux ans d’existence, pouvez-vous nous expliquer le modèle de bem.builders ?

bem.builders, c’est d’abord une aventure humaine entre 6 associés qui sont aussi des amis : Paul Mouginot, Quentin Tourbez, Adrien Mouginot, Thibault Verdier, Marc Rollet.
Nous nous connaissons depuis 15 ans et nous avons déjà monté des entreprises ensemble en nous appuyant sur des connaissances ultra complémentaires. Pour ma part, je suis issu du marketing : j’ai dirigé pendant 8 ans une agence de marketing-communication en Birmanie avec 120 collaborateurs et des clients comme Unilever, Heineken, Samsung, KFC…
Paul Mouginot est un spécialiste de l’IA qui a déjà vendu une entreprise à Veepee. Adrien, son petit frère, est architecte et Quentin est un excellent stratège. Marc qui s’occupe de l’administratif est un altruiste dont l’IKIGAI est « rendre les gens heureux » et Thibault produit des expériences.
Sans entrer dans le storytelling larmoyant, avec mes meilleurs amis, nous avons réellement traversé la guerre au moment du coup d’état militaire en Birmanie (1er février 2021). Aujourd’hui, nous sommes encore ensemble, et sommes à la tête de notre entreprise.
Notre cœur de métier est d’accompagner les marques du monde physique dans le metavers via la création d’expériences. Ensemble, nous utilisons nos forces dans nos domaines de compétences respectifs pour penser une expérience, la dessiner, la développer et l’intégrer dans ce metavers.

Quelle est votre définition du metavers ?

Il faut bien comprendre que le metavers, tel que l’explique ou le promeut la plupart des acteurs du Web3, n’existe pas, ou pas encore. Ce qui existe, ce sont des plateformes virtuelles centralisées ou décentralisées ( Roblox ou The Sandbox, Decentraland…) qui, une fois connectées les unes aux autres, via l’interopérabilité, formeront le metavers. Or, aujourd’hui, cette interopérabilité, n’existe pas.
De notre côté, nous maîtrisons techniquement ces plateformes pour y développer des expériences que ce soit pour du divertissement de cible, de l’engagement de communautés, pour fidéliser. J’emploie volontairement des termes marketing car nos clients s’adressent souvent à nous dans le cadre d’une réflexion marketing. Aujourd’hui, nous ne nous définissons pas comme une agence mais comme une « metavers experience factory » où la notion de « faire » est importante car tout est expérimental.

C’est pour s’adresser à de nouvelles cibles que des groupes comme Casino, font appel à vous ?

Pas seulement ! Mais effectivement : 2023 marque un tournant. Il y a désormais plus de personnes nées avec Internet que précédemment. Les pré-adolescents qui nous entourent n’ont pas une génération d’écart avec nous, mais un monde bien distinct. Un film comme Matrix n’a aucun sens pour eux. Ils ne souhaitent pas choisir ou distinguer monde réel et monde virtuel à l’instar de Neo avec ses pilules bleues et rouges. Ils veulent le meilleur des deux mondes sans se poser de question et sans avoir à faire de choix.
Quant aux marques, elles investissent pour accéder à ces mondes ce qui est déjà dans leurs habitudes. Le marketing a toujours su s’adapter aux nouveaux canaux de distribution, aux nouvelles opportunités de prolongation de lien avec leurs cibles. Les marques ont eu cette démarche lors de l’avènement d’Internet et, ont su composer avec les réseaux sociaux.

Que recherchent les marques sur ce nouveau terrain qu’est le métavers ?

Elles s’y intéressent pour trois raisons. La première, c’est la notion d’image : l’effet d’annonce amplifié par les médias. Et, en 2022, nous avons eu beaucoup d’exemples sur le sujet. La seconde, c’est le développement d’une nouvelle verticale : des marques qui souhaitent apporter du sens dans une stratégie sur le long terme. C’est le cas de l’un de nos clients : la FDJ.
Son business model c’est : « l’opportunité de gains par le hasard ». Un fil conducteur que l’on retrouve dans ses jeux comme le loto, les cartes à gratter, les jeux en ligne, l’application, les paris sportifs. Aujourd’hui, le metavers est une nouvelle opportunité de déployer ce business model. Si on considère, par exemple, que le hasard prime dans ce que propose la FDJ, alors, il faut que l’expérience immersive proposée soit, elle aussi, dans l’architecture du hasard, via un avatar propulsé dans un monde où l’on casse les codes.
Quant à la troisième raison, il s’agit du déploiement de jumeaux numériques qui donnent des possibilités infinies. A l’instar de Deutsche Line avec Nvidia : la société ferroviaire allemande a déployé son réseau dans le monde virtuel ce qui lui permet d’anticiper les conséquences des pannes, le re-dispatching des lignes en cas de colis suspects.

Image de marque, nouvelle verticale, jumeau numérique… Même si la promesse est jolie sur le papier, le metavers s’adresse plutôt à une niche ?

Faux en ce qui concerne les jumeaux numériques ! En la matière, pour l’industrie « dite traditionnelle », les possibilités sont infinies et pourvoyeuses de nombreuses économies d’échelle !
Par rapport à l’image de marque : oui, les mois, les années à venir se chargeront d’écrémer de telles initiatives. En revanche, pour les marques à la recherche d’une autre verticale, il s’agit de générer de l’engagement d’une nouvelle communauté tout en respectant leur ADN. Un client reste généralement moins de 5 minutes sur le site Internet d’une marque. Dans le metavers, les avatars explorent un univers en moyenne 57 minutes. A l’instar de l’opération menée pour Carrefour sur The Sandbox. L’idée était de prolonger leur engagement pour les apiculteurs et la biodiversité dans le metavers. Au printemps 2022, nous avons « droppé » une première collection de NFT, des NFBees, selon les goûts des consommateurs en matière de fruits et légumes (abeilles fraises, abeille citron, etc.). Les acheteurs de ces NFT ont été impliqués dans le développement du metavers via une discussion Discord. Dans cette expérience ce n’est pas nous, ni Carrefour qui avons pris le contrôle, mais les possesseurs de NFT. Ces NFBees avec leurs personnalités et leur univers auront des avantages dans le monde réel. C’est ce que nous appelons le « play to learn to earn ». Les rewards obtenus dans le monde virtuel, seront matérialisés en donation à la Fondation de France pour soutenir les apiculteurs. Les détenteurs de NFBees recevront le miel des apiculteurs en question. Dans le cas de Carrefour, on s’adresse à plusieurs milliers de détenteurs de NFBees.

Pouvez-vous nous donner la moyenne d’âge des participants à cette opération ? Et expliquer les modalités de connexion ?

C’est la particularité du metavers. On ne s’y connecte pas via une identité : difficile donc, de donner un âge. Seuls comptent l’avatar et le pseudo. Rares sont ceux qui dévoilent leur vraie identité. On parle alors de Meta-identité permettant de se connecter à toutes les plateformes. Et c’est là que nous revenons à notre point de départ sur l’interopérabilité. Si la meta-identité est la même, les items, accessoires ou autres attributs ne sont pas transposables à l’identiques d’une plateforme à l’autre. Vous avez des équivalents, mais ce n’est pas satisfaisant. C’est pour cela que beaucoup d’utilisateurs n’utilisent qu’une seule plateforme, ce qui crée des silos dans un monde du Web3, 100 % communautaire et collaboratif.

D’où votre récente initiative avec John Karp, fondateur de la Non Fungible Conference et animateur de NFT Morning de, « The Lost Wallet » ?

Exactement ! Au-delà du jeu qui se présente comme une quête de 24 mots clés permettant de débloquer un wallet renfermant un CryptoPunk de 120 000 euros, il y a un réel enjeu. Il s’agit de la première chasse au trésor créant de l’interopérabilité entre les plateformes. A ce jour plusieurs milliers de meta-identités sont déjà dans la course
En amont du lancement, je pense avoir eu le premier live tweet avec l’ensemble des dirigeants de ces mondes. Aujourd’hui, chacune des plateformes est dans l’obligation de se définir de manière individuelle. Demain, l’objectif, est de permettre une navigation trans-plateformes afin de décloisonner les expériences. Autre question de taille soulevée : la sécurité ! Quand vous lancez une quête de 6 mois avec des passionnés du monde entier, vous ne pouvez pas vous permettre de les décevoir via un wallet piraté. Là, encore, les plateformes doivent coopérer ! C’est l’avantage du Web3 : c’est un monde ultra collaboratif.

Propos recueillis par Anne-Laure Allain

Neal Robert est depuis avril 2021 le CEO et le co-fondateur de bem.builders, start-up pionnière dans la création d’expériences virtuelles dans le metaverse. Leader passionné et créatif, il s’attache à développer des expériences immersives inspirantes, accessibles au plus grand nombre. Précédemment, Neal Robert a été le Directeur des opérations et le fondateur de Synapse Original, agence de marketing intégré, installée au Myanmar durant 8 ans. Ce jeune serial entrepreneur est diplômé du Bachelor de l’Ecole Supérieure de Publicité.



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Vendredi 10 Mars 2023


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