Corporate Finance, DeFi, Blockchain, Web3 News
Corporate Finance, DeFi, Blockchain News

Crise financière et problème principal-agent

Dans leur ouvrage décapant Economie de crise – une introduction à la finance du futur, paru il y a peu chez Jean-Claude Lattès et heureusement écrit pour un public plus large que les cercles universitaires, Nouriel Roubini, professeur d’économie à la Stern University de New York, et son collègue Stephen Mihm, qui enseigne l’histoire à l’Université de Georgie, expliquent une bonne partie de la récente crise financière - et éclairent du même coup le procès de l’ancien trader de la Société Générale Jérôme Kerviel qui se déroule actuellement à Paris - à l’aide de ce que les économistes appellent le problème principal-agent.


Crise financière et problème principal-agent
Qu’est-ce à dire? Dans les entreprises cotées, les «principaux», autrement dit les actionnaires et les membres du conseil d’administration, doivent engager des gestionnaires (les «agents»), «afin de mettre à exécution leurs projets et tenir la boutique». Les seconds en savent en général plus que les premiers (auxquels ils doivent rendre compte) sur ce qui se passe dans l’entreprise. Ce qui leur permet de poursuivre leur propre intérêt et, souvent, de s’assurer de confortables revenus. Dans les entreprises de grande taille, on compte de nombreuses couches d’employés ou «agents» ayant tous la possibilité de poursuivre leurs propres intérêts aux dépens des «principaux» qui en principe les surveillent. De surcroît, de nombreux employés sont à la fois «principaux» (ils sont chargés de la surveillance des employés de niveau inférieur) et «agents» (ils doivent rendre compte à une personne de rang hiérarchique supérieur).

Les dangers d’une telle organisation sont devenus de plus en plus évidents lors de la récente crise financière. L’effondrement d’AIG offre une illustration extrême de la relation principal- agent qui tourne mal et de l’asymétrie d’information qui lui est associée. Les actes d’un petit groupe d’employés basés à Londres mirent à genoux non seulement l’entreprise à laquelle ils appartenaient mais aussi le système financier mondial.

Dans un établissement financier, les actionnaires devraient veiller à ce que leurs employés servent les intérêts des propriétaires. À cause du problème principal-agent, c’est pratiquement impossible. Mais il y a plus grave encore: en réalité, raisonnent Roubini et Mihm, les actionnaires ne sont généralement pas fortement incités à serrer la bride aux banquiers, aux traders et aux gestionnaires imprudents. Pourquoi? Parce que les établissements financiers recourent bien plus largement que les autres entreprises à l’emprunt pour financer leurs activités. Les actionnaires n’assument donc qu’une faible part du risque lié aux opérations au jour le jour. Conséquence: ils avaient toutes les raisons de pousser les traders à prendre des risques élevés car, en cas de succès, ils avaient beaucoup à gagner avec l’argent des autres.

Dans un style imagé, Roubini et Mihm sont on ne peut plus explicites: «Les actionnaires sont prêts à laisser faire parce qu’ils ne sont en réalité pas très fortement impliqués. Ils ont apporté des capitaux à la banque, mais pas tant que ça; et bien qu’ils ne souhaitent pas perdre leur chemise, ils acceptent de tourner la tête quand les traders lancent les dés. L’essentiel de l’argent que jouent les traders a été emprunté: il appartient à quelqu’un d’autre. Si les traders gagnent à la roulette, les actionnaires gagnent aussi. Si les traders perdent, les victimes seront les insensés qui ont prêté de l’argent à la banque – et si l’on peut en juger d’après la crise récente, les actionnaires ne seront que faiblement touchés.»

L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Jeudi 17 Juin 2010




OFFRES D'EMPLOI


OFFRES DE STAGES


NOMINATIONS


DERNIERES ACTUALITES


POPULAIRES