Interview | Bilal El Alamy - PyratzLabs : « Pour que le WEB3 trouve sa place, il faut que les use cases se multiplient »

Qu’ont en commun Equisafe, Pyratzlabs, Dogami, Smartlink, la Blockchain Business School, Metacircle, la NFT Factory, Kryptosphère, le groupe Blockchain & Smart Contracts de l’ESCP Europe ainsi qu’une trentaine de start-ups ? Une seule et même personne : Bilal el Alamy.
Omniprésent dans la sphère Web3, invité un peu partout, l’homme semble vouloir conserver coûte que coûte cet aspect ouvert et accessible propre à cette communauté. Alors qu’il vient tout juste de lancer un nouveau service au sein de son start-up studio – PyratzLabs –, nous avons (enfin ?) trouvé une petite heure pour échanger. Discussion à bâton rompu et presque pas interrompue par quelques piques respectives avec Bilal El Alamy co-fondateur et PDG de Pyratzlabs, ex.CTO de Dogami, Chairmain d’Equisafe.io….

Par Anne-Laure Allain


Start-up studios, école spécialisée dans la blockchain, lieu de rencontres… Pyratzlabs vient d’officialiser la mise en place d’un nouveau service « VC as a Service », pouvez-vous nous en dire plus ?

Depuis sa création en 2020, PyratzLabs est entré au capital d’une trentaine de start-ups du web3 sur fonds propres. Or, il est assez compliqué d’attirer d’autres investisseurs sous ce format. Pour aller plus loin dans notre volonté d’accompagner l’innovation dans le WEB3, il était nécessaire de trouver le bon levier. « VC as a Service » nous permet de constituer des véhicules d’investissement en binôme avec des corporates (ou SPV : Special Purpose Vehicle). Nous nous positionnons comme leur interlocuteur : nous sommes dépositaires de leur thèse d’investissement et ils nous font confiance pour le reste. Pour tout vous dire, le premier véhicule est déjà actif depuis la fin de l’an dernier et nous sommes en train de boucler deux autres SPV. Disons que c’est peut-être une première étape avant de passer au stade de VC.

Vous revenez en quelque sorte vers votre premier métier de la finance traditionnelle ? D’ailleurs comment êtes-vous entré dans le WEB3 ?

En fait, avec mon background scientifique, j’étais plus un data scientist dans le secteur de la finance qu’un financier à proprement parlé (NDLR : Bilal est, entre autres, diplômé d’un Master en science appliquée aux mathématiques, Panthéon Sorbonne et d’un Master en Sciences Big Data & Business Analytics de l’ESCP Business School). Un peu plus jeune, je suis tombé par hasard sur une offre d’emploi qui proposait de prendre un poste de data scientist grâce à un logiciel No Code. J’ai assez vite compris que la catégorie de métiers sur laquelle je pouvais me positionner avec mon background était vouée à disparaître. Sur la blockchain, secteur alors en devenir, il y avait un vrai avantage compétitif à être un matheux. C’est comme cela que j’ai pivoté de consultant financier à entrepreneur dans l’écosystème WEB3. Dès 2018, nous avons monté Equisafe qui est une solution en mode SaaS de reporting financier pour des sociétés d’investissement, des clubs deals en BtoB et en BtoBtoC. Equisafe a, dès ses débuts, comporté une brique blockchain.
Equisafe est désormais intégrée dans la holding Pyratzlabs. Bientôt, elle se dotera d’une nouvelle filiale - Equisafe Mark3ts - en cours d’enregistrement PSAN qui pourra ainsi proposer différents services liés à la Crypto.

Vous avez donc monté PyratzLabs avant de créer Dogami - le petavers dédié aux chiens - qui est un peu l’entreprise qui vous a fait connaître d’un plus grand public, pourquoi ce besoin de créer le start-up studio ?

Avec Equisafe, nous étions assez en amont, voire peut-être trop en amont de la révolution blockchain. Je voyais tout ce qui manquait au secteur. J’ai attendu que cela se structure mais, certains outils n’étaient pas à disposition ce qui parfois mettait en péril le projet entrepreneurial initial. Quant aux VC, ils étaient à l’époque assez frileux pour investir dans ce type de structures. C’est aussi pour cela que nous nous sommes lancés en tant qu’investisseurs.

PyratzLabs est né, début 2020, de ces constats. Equisafe tournait alors un peu toute seule. Avec Thomas Binetruy, Jacques Bertrand-Lalo et Maxime Sarthet, nous nous sommes associés pour créer PyratzLabs qui est la holding hébergeant les autres activités. Nous avons commencé par l’accompagnement des entrepreneurs pour constituer le start-ups studios. Puis, nous avons lancé Smartlink : une solution blockchain pour le e-commerce. Mais j’avais toujours dans l’idée d’éduquer un maximum de personnes au WEB3. Les jeux vidéo paraissaient être l’approche idéale. Je rencontre alors Adrien Magdelaine issu de la « pet industry » (il est le créateur de WAMIZ, un “wikipédia” pour chien et chat). Au croisement de nos deux univers, il y avait les Tamagotchi, restés un phénomène d’anthologie pour les « collectibles ». Dogami est la version metavers de cela. Mais là encore, il manquait une brique pour aller au bout du projet. Lorsque nous avons créé Dogami avec Adrien Magdelaine, Kristofer Penseyres, et Max Stoeckl, nous voulions un jeu grand public en « play & earn » où les participants acquièrent leur chien virtuel parmi 300 races. Puis, sont récompensés pour leur éducation en $Doga, une monnaie virtuelle. Mais il était alors impossible d’implémenter une solution pour agréger de la liquidité de nos NFTs sur une plateforme. Comme ce n’est pas la thèse de Dogami, nous avons donc créé la société Bloometa qui permet cela. Donc pour répondre à votre question, Pyratz c’est une infrastructure au centre de l’écosystème qui recueille les besoins et essaye d’y répondre pour que l'écosystème ne rencontre plus ce besoin.

Aujourd’hui, 27 000 personnes ont des NFT sur Dogami et la structure est à l’équilibre 18 mois après son lancement. Dogami est une participation de Pyratzlabs comme une trentaine d’autres start-ups, à cet ensemble vous venez donc d’adjoindre une école, la BBS, pourquoi ?

Aujourd’hui, l’écosystème Pyratzlabs c’est 30 participations, 5 filiales, des dizaines de millions d’euros levés et de revenus générés et plus de 200 personnes en comptant toutes les structures. Le tout sur 1000 m2 à Levallois-Perret.
J’ai recruté moi-même la moitié des 220 personnes qui sont aujourd’hui dans Pyratz. Et même en passant par des cabinets de chasse spécialisés, je ne retenais pas un quart des candidats qu’ils me présentaient. Soit, ils manquaient d’humilité niveau salarial, soit ils n’avaient pas les compétences. Et, entre nous, il m’est arrivé d’avoir la synthèse des deux en face de moi. Il fallait absolument créer un vivier pour nourrir notre écosystème. Cela faisait sens d’avoir une école de la blockchain qui ne soit pas non plus à 100 % technique afin de présenter des profils qui puissent s’adapter au monde de l’entreprise. Dans l’idéal nous pourrions monter la Blockchain Business School à la manière d’une business school, c’est à dire rendre le cursus très orienté industrie.

Vous êtes aussi à l’origine de Metacircle qui est un think tank dédié au metavers. C’est votre prochaine étape ? Porter des projets pour changer les choses sur un plan plus institutionnel ?

L’idée de Metacircle était de créer un point de rencontre et d’échange pour donner plus de sens à ce que nous faisons. Metacircle que je co-préside depuis juin 2022 avec Philippe Rodriguez, Managing Partner d’Avolta (banque d’affaires spécialisée dans la tech) se décline sur trois points. Le premier c’est la transparence. Tout le monde se présente afin de nourrir les connaissances dans les services. Nous sommes aussi dans l’échange : c’est un club d’affaires où nous échangeons les bons plans. Puis, nous sommes pourvoyeurs de solutions : nous travaillons sur les sujets bloquants à mettre en exergue. Monter ce réseau me tenait à cœur parce qu’il est européen avant d’être francais. Je voulais un endroit pour les entrepreneurs du WEB3 pour qu’ils puissent continuer à échanger en toute transparence dans un spectre plus étendu.

Pourquoi avoir choisi le nom Pyratz, évoquant la piraterie ? Dont, bien entendu, vous êtes le capitaine (sourires) ?

La piraterie ? Je trouve que c’est un bon parallèle avec l’écosystème WEB3 qui est très libertarien, dans l’entraide, la débrouille, la redistribution de richesse. Un pirate, c’est un homme qui prend la mer. Ce qui est aussi une jolie image de ce qu’est l’entreprenariat. Mais attention : dans le WEB3, l’image de la piraterie vient surtout de l’univers manga. Nous souhaitons chahuter le système en place dans un esprit bienveillant. Nous sommes plus proches de l’esprit d’Albator et de One Piece que de celui de l’âge d’or de la piraterie.
Eh oui, je suis le capitaine (sourires).

Pourquoi autant de projets en parallèle ? Après quoi courez-vous monsieur El Alamy ? (Rires)

La simple reconnaissance d’avoir humblement contribué à mon niveau (Rires) ? Plus serieusement, Je suis animé par l’envie de créer, de servir et de contribuer. Moi, je ne rêve pas d’aller dans l’espace mais disons qu’en toute modestie, j’aimerais faire bouger les choses. Je me vois un peu comme un fermier qui plante des graines. Certaines poussent et d’autres pas, mais le travail et la passion sont là. La métaphore est peut-être un peu décalée quand on parle de WEB3 mais cela évoque aussi la partie culturelle qui me tient à cœur tout comme ma volonté de protéger l’environnement et notre future commun.
De manière générale, l’écosystème Web3 a besoin de tout cela. Il faut que les « use cases » se démultiplient et deviennent visibles dans le quotidien. Je ne fais que chercher des solutions à ce besoin. avoriser l’intrapreneuriat chez les corporates est aussi une piste.
Sur la trentaine de sociétés que nous accompagnons aujourd’hui, j’essaye d’être présent un maximum. Avec cette activité de VC as a Service, je souhaite envoyer les bons signaux au marché même en plein bear market.

Propos recueillis par Anne-Laure Allain


Lundi 1 Mai 2023


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