Corporate Finance, DeFi, Blockchain, Web3 News
Corporate Finance, DeFi, Blockchain News

Le Monde et Xavier Fortin

Le Monde et Xavier Fortin par David Laufer. Même si j’en avais eu des avant-goûts assez relevés par le passé, je réalise tous les jours un peu plus, depuis que j’ai un enfant, l’insondable hypocrisie d’un système qui agit par protection anticipée.


David Laufer
David Laufer
Ce système ne protège pas du tout mon enfant : il se contente de vérifier cinq fois que, si quoique ce soit lui arrive, les polices d’assurances ont été bien remplies et payées et qu’on ne puisse se plaindre de rien à personne. L’amour que me procure mon fils suffit la plupart du temps à me faire oublier ces mesquineries. Et puis il est bien entouré, l’hôpital est tout prêt, les gens de la garderie sont gentils et notre pédiatre est excellent.

Mais lorsque j’ai lu l’histoire de Xavier Fortin la semaine dernière, je me suis pris à rêver. Voilà un type qui a pété une durite, quitté sa femme, pris ses deux garçons de 6 et 7 sous le bras et qui est allé vivre avec eux au fond de la nature. A travers les lignes, on saisit que le gaillard n’est pas complètement réglo et qu’il doit traîner dans sa tête des valises un peu lourdes. Mais selon les premiers témoignages, ses deux fils qui ont maintenant 17 et 18 sont en bonne santé morale et physique. Ils tressent à leur papa des couronnes et s’échinent à le faire sortir de prison. Formé comme instituteur, il les a apparemment éduqués selon le programme de l’Education nationale et les emmenait à la découverte de la nature l’après-midi. Aidé activement par son propre père et par des amis, Xavier Fortin a ainsi vécu en cavale dans son propre pays avec ses deux garçons pendant 10 ans.

Sa capture provoque des réactions révélatrices. Libération envoie un reporter sur place pour nous décrire les lieux et recueillir les témoignages divers. L’article est très intéressant et bien écrit, mais toujours sur le ton de l’enquête anthropologique qui tente de rappeler au lecteur type que la France s’étend au-delà des boulevards des Maréchaux. Mais c’est le Monde qui retient mon attention ce soir. Une certaine Patricia Jolly y a pondu un article d’une redoutable coquinerie. Pendant plusieurs paragraphes, la journaliste se moque de la défense que les deux garçons offrent à leur père en disant en substance que, comme ils ont certainement été abusés, leur témoignage n’a quasiment aucune valeur. Avant même de conclure elle a déjà jugé et renvoyé Xavier Fortin aux fers pour le restant de ses jours. Elle termine son rouleau de PQ par cette question : « L'arrestation de leur père a-t-elle fait prendre conscience à [ces deux garçons] que la société est régit [sic] par des lois ? »

Je ne veux pas défendre Xavier Fortin, il a un avocat pour cela et j’ignore presque tous les détails de son aventure. Mais la question de cette employée de rédaction provoque chez moi et, j’espère, beaucoup d’autres gens, une violente réaction urticante. Car il semble que pour Jolly et pour une part grandissante de la société, la seule chose qui nous relie désormais, le seul lien qui ait une quelconque valeur, c’est la loi. On peut nourrir ses enfants uniquement de chips, de coca et de beignets, les mettre au lit à 11h30 du soir, les mettre devant la télévision 10 heures par jour, les laisser hurler non-stop dans les McDonald’s et se comporter plus salement que des porcs, leur apprendre à haïr un conjoint divorcé, on ne risque rien tant qu’on a un siège enfant dans sa voiture et qu’on les a bien vaccinés.

Dans cette société de cuistres, le recours à la loi comporte un double avantage. D’une part, c’est indiscutable, tangible, écrit noir sur blanc. Et surtout, comme ça n’est qu’une question de moyens et d’arguments, c’est contournable le jour où ça devient embarrassant. Il n’y a pour cela qu’à faire de nouvelles lois. Peu importe que Fortin ait peut-être bien éduqué ses enfants puisqu’il a enfreint la loi. Pour ces gens-là, ce qui est légal est nécessairement juste. Et dans le monde qu’ils nous préparent, nous nous détesterons tous à mort, nous porterons tous une arme, nous vivrons dans des bunkers sous alarme, mais tout sera parfaitement contractualisé. C’est là qu’une évasion dans une cabane au fond de l’Ariège devient séduisante.


Mercredi 11 Février 2009




OFFRES D'EMPLOI


OFFRES DE STAGES


NOMINATIONS


DERNIERES ACTUALITES


POPULAIRES