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Une cession d’entreprise qui tourne au vinaigre

Les associés des sociétés à responsabilité limitée supportent les pertes sociales à concurrence de leurs apports. Après la clôture de la liquidation de ces sociétés, les anciens associés sont tenus à l’égard des créanciers sociaux dans la mesure de ce qu’ils ont pu percevoir des opérations de partage.


Le 31 mars 2000, une société à responsabilité limitée a vendu son fonds de commerce à une autre société. A titre de garantie de passifs, le vendeur avait consenti à l’acquéreur du fonds un engagement de remboursement de toutes les sommes dues aux salariés au titre de l’exploitation du fonds et qui n’étaient pas encore payées à la date de la cession. Le 31 mai 2006, les associés de cette société ayant cédé son fonds ont décidé sa dissolution. Le 17 octobre 2006, ces mêmes associés ont décidé la clôture de la liquidation et la société qui avait vendu son fonds de commerce en 2000 a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 10 novembre 2006. De son côté, l’acquéreur a connu quelques difficultés dans l’exploitation de ce fonds, lesquelles l’ont conduit à licencier l’une des salariées en août 2006, laquelle réclamait à son employeur des sommes dont l’origine remontait à une date antérieure à la cession du fonds de commerce. La garantie de passifs était encore en vigueur, il était donc logique de la mettre en œuvre… L’acquéreur du fonds de commerce a alors informé le vendeur de l’existence d’une éventuelle créance salariale. Mais la liquidation est intervenue si rapidement que la demande de remboursement de la créance salariale faite au vendeur par l’acquéreur n’a pas été honorée…

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De toute évidence, une provision pour risques aurait dû être inscrite dans les comptes du vendeur et la liquidation de cette société n’aurait pas dû être prononcée, si rapidement, tant que le contentieux salarial n’avait connu son dénouement… La Cour de cassation qui a eu récemment à connaître de ce litige (Cass. com., 8 oct. 2013, n°12-24-285) n’a pas manqué de relever cette évidence. En visant l’article L. 237-12 du Code de commerce, elle invite clairement la Cour d’appel de Poitiers à rechercher la responsabilité du liquidateur qui s’est empressé de clôturer la liquidation. En effet, cet article prévoit « le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions ». Rien ne peut être fait à la fois précipitamment et prudemment (Publius Syrus)…

Non contente de disposer d’un fondement textuel permettant de réparer le préjudice subi par l’acquéreur du fonds de la précipitation du liquidateur (qui n’était autre que son ancien gérant parfaitement au fait de l’historique de la société), la Cour de cassation a rappelé une règle élémentaire applicable aux SARL et l’a transposée au litige en question. Elémentaire, car cette règle figure en première ligne des dispositions législatives propres aux SARL. En effet, l’article L. 223-1 du Code de commerce invoqué par la Cour de cassation prévoit « la société à responsabilité limitée est instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports ». Transposée, car cette règle n’est pas d’application si évidente dans l’hypothèse d’une dissolution de société. Tout à chacun comprend bien que le fait de supporter les pertes de la société à concurrence de ses apports signifie que les créanciers de la société ne puissent pas demander aux associés plus que le montant déjà apporté. L’apport est en quelque sorte la limite du risque et donc de l’engagement. Mais de là à comprendre que tout ce qui est apporté doit être affecté au développement de l’entreprise et au désintéressement des créanciers sociaux, il n’y a qu’un pas que la Cour de cassation n’a pas hésité à franchir. Tout ce qui est apporté est définitivement affecté aux créanciers de la société, seul ce qui reste après leur désintéressement peut être restitué aux associés sous la forme, notamment, d’une restitution d’apports ou d’un boni de liquidation.

Cette décision de la Cour de Cassation, inédite à notre connaissance, doit être approuvée ! Le droit des sociétés ne doit pas être utilisé au détriment des acteurs économiques… Applicable aux sociétés à responsabilité limitée, cette solution est transposable aux sociétés anonymes et aux sociétés par actions simplifiées.

Par Sébastien Robineau - Avocat Associé
Homère Avocats

Mercredi 13 Novembre 2013




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