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Un Brexit coûterait plus cher à l'Europe qu'au Royaume-Uni

Avec le Brexit c'est un peu comme avec Donald Trump. En effet, il y a environ un an, selon la plupart des sondages, la probabilité que ce dernier emporte les primaires des Républicains était d'environ 1 %. Et pourtant ! De même, il y a encore quelques semaines, la quasi-totalité des sondages annonçaient une victoire facile du Bremain. Or, depuis quelques jours et si les jeux ne sont évidemment pas encore faits, le Brexit est donné victorieux par de plus en plus d'enquêtes d'opinion. Il faut dire que la campagne de Cameron et des pro-Europe contre le « Leave » a été catastrophique. Et pour cause : plutôt que de montrer ce que le maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne pouvait lui apporter, ceux-ci ont basé leur campagne sur un catastrophisme autant excessif qu'erroné.


Marc Touati
Marc Touati
Ainsi, à l'instar de la plupart des « commentateurs » européens bien-pensants, Cameron et ses acolytes n'ont cessé d'annoncer que la sortie de l'Union européenne engendrerait un cataclysme pour le Royaume-Uni. Certains prévoient par exemple qu'un tel scénario se traduirait par une baisse du PIB britannique de 5 % à 10 %. D'autres que la City de Londres (c'est-à-dire sa place financière) devrait émigrer à Paris (quelle bonne blague !). Avec évidemment des milliers, voire des centaines de milliers de destructions d'emplois à la clé. Et ce, sans parler de l'affaiblissement politique de la « perfide Albion » qui pourrait alors perdre l'Irlande, l'Ecosse et sombrerait dans une crise politico-sociale dramatique. Et pourquoi pas la fin de la Monarchie et la mise sous tutelle du FMI et des Etats-Unis ? Bref, un scénario tellement catastrophique que ni James Bond, ni même Dieu ne parviendraient à sauver the Queen…

Soyons donc sérieux : toutes ces anticipations d'effondrement du Royaume-Uni en cas de Brexit sont complétement fausses. Les mêmes élucubrations étaient pléthore lors du refus des Britanniques d'entrer dans l'euro et il n'en a rien été. Mieux, ou plutôt pire pour les partisans de l'Euro à tous prix, le Royaume-Uni est sorti renforcé de sa non-participation à la monnaie unique. Il a par exemple pu bénéficier d'une politique monétaire extrêmement réactive et accommodante.

Ainsi, pendant qu'en 2007-2008, la BCE augmentait ses taux directeurs, la BoE faisait le contraire. Ensuite, en pleine crise de 2008-2009, alors que la BCE refusait de baisser son taux refi sous 1 %, la BoE le descendait à 0,5 % dès le début 2009. En 2011, même punition pour la zone euro qui a subi une augmentation du taux refi de la BCE, alors que la BoE a maintenu son taux de base à 0,5 % et a engagé une « planche à billets » salutaire. Parallèlement, alors que l'UEM a pâti d'un euro trop fort, les Britanniques ont très vite bénéficié d'une dépréciation de la livre sterling. Enfin, pendant que les Eurolandais étaient occupés à masquer les déboires grecs à coups de milliards d'euros, les Britanniques ont pu engager une politique budgétaire particulièrement efficace.

Bien sûr, depuis quelques trimestres, la BCE a, elle aussi, abaissé son taux refi à 0 % et a engagé une généreuse « planche à billets ». Mais que de temps perdu, d'abord à comprendre la gravité de la situation, et, ensuite à se mettre d'accord au sein d'une zone monétaire qui est tout sauf optimale.

Les résultats de ces écarts de politiques économiques sont d'ailleurs sans appel : du premier trimestre 2000 au premier trimestre 2016, le PIB britannique a augmenté de 34 % (hors inflation bien entendu), contre 19 % pour celui de la zone euro. L'évolution du PIB depuis le premier trimestre 2008 (c'est-à-dire juste avant le début de la dernière crise) jusqu'au premier trimestre 2016 est encore plus dérangeante : + 7,2 % au Royaume-Uni, + 0,5 % dans la zone euro. Que dire alors du comparatif des taux de chômage, selon les chiffres harmonisés d'Eurostat : 5,0 % outre-Manche, 10,2 % dans la zone euro.

Mais ce n'est pas tout, puisque cette supériorité britannique en termes de croissance et de taux de chômage a été obtenue avec des comptes publics maîtrisés. En 2015, le poids des dépenses publiques dans le PIB était ainsi de 43 % au Royaume-Uni, contre 48,6 % dans la zone euro et 57 % en France. Quant à la dette publique, elle atteignait respectivement 89 %, 91 % et 96 %. Force est donc de constater qu'avec moins de dépenses et de dettes publiques, les résultats économiques du Royaume-Uni sont bien meilleurs que ceux de la zone euro et de la France.

C'est d'ailleurs l'une des grandes raisons pour laquelle les Britanniques n'ont jamais voulu de l'euro et ne veulent désormais plus (du moins pour certains d'entre eux) de l'Union européenne, qui ne cesse de briller par toujours plus d'impôts, toujours plus de réglementations contraignantes, mais toujours moins de croissance. Voilà pourquoi l'argument catastrophiste du coût économique d'une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne a été complètement contre-productif. Et pour cause : plus on veut faire croire aux Anglais qu'ils seraient perdus sans l'Union, plus cela leur donne envie de la quitter juste pour prouver qu'ils sont bien plus résistants qu'escompté.

D'ailleurs, la Suisse, la Norvège ou encore la Turquie sont des pays européens qui ne sont pas dans l'Union européenne et qui ne s'en sortent pas si mal. De plus, il est déjà prévu qu'en cas de Brexit, les Anglais pourront renégocier leurs accords commerciaux. Il est donc clair que les droits de douanes de l'Union sur les produits anglais ne vont pas flamber et que, par là même, les prédictions d'effondrement des exportations et du PIB britanniques sont par construction exagérées.

D'ores et déjà, il faut rappeler qu'en février dernier, l'Union européenne a consenti d'énormes concessions au Royaume-Uni pour lui permettre de garder son indépendance économique et politique. Autrement dit, le Brexit existe déjà dans les faits mais pas dans les apparences.

En fait, le Brexit effectif sera certainement beaucoup plus coûteux à l'Union européenne qu'au Royaume-Uni. En effet, un tel scénario ouvrira la boîte de Pandore de l'Exit et cassera définitivement la construction européenne telle que nous la connaissons depuis l'après-guerre. Un mouvement de défiance internationale à l'égard de l'Union s'engagera alors, produisant une tempête financière particulièrement dangereuse.

C'est peut-être bien là que réside le vrai enjeu du référendum britannique. A savoir, faire comprendre aux dirigeants européens que l'Europe ne fait plus rêver. Plutôt que de faire peur aux Anglais, il serait donc beaucoup plus opportun de modifier les structures économiques et politiques de l'Union et aussi de la zone euro, de manière à en faire des terres de croissance forte et de chômage faible, tout en assurant la sécurité de leurs citoyens. Sinon, quelle que soit l'issue du référendum du 23 juin, l'Union européenne et la zone euro finiront forcément par exploser.


Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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Lundi 20 Juin 2016




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