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Sous-traitance : le réalisme à l’italienne

« … Quand on manque de chapeaux, ce n’est pas en tranchant des têtes que l’on règle le problème ».
G.K. Chesterton


Thierry Charles
Thierry Charles
Nul doute que le tissu de sous-traitant va connaître de profondes mutations dans les années à venir. Les grands donneurs d’ordre tiennent sous leur coupe le corps de ballet des sous-traitants, se défaussant sur leurs partenaires plus faibles, plus durement touchés en cas de récession, de retard de production ou d’échec de produit.

C’est que le nouvel environnement concurrentiel induit une accélération du rythme d'innovation et de diversification de la production et un accroissement considérable des risques et des coûts liés à la conception et à la production de composants de haute technologie. À travers leur contrôle de la chaîne de production, les fabricants parviennent à se débarrasser des activités à plus faible valeur ajoutée, à transférer une partie du coût inhérent à la conception et à la production vers les fournisseurs de premier rang et à exercer une pression appuyée en termes de qualité, de délais de livraison et de prix.

À la base de la pyramide, un grand nombre d'entreprises exécutent les activités à forte intensité de main d'œuvre et à faible valeur ajoutée au cœur d'une concurrence exacerbée. Fort de ce constat, la Gouvernement devrait davantage se mobiliser pour soutenir le secteur, mais il faut aussi conforter l’avenir.

A ce stade, il peut paraître étrange d’aller chercher en Italie les clefs du renouveau de la sous-traitance, et pourtant à la lumière de ce qui suit nos préjugés doivent tomber. Il convient de relever que la loi italienne sur la sous-traitance date de 1998, quand la dernière loi française remonte à la loi de 1975. Si elle ne concerne que la sous-traitance travaillant sur les plans et techniques du donneur d’ordre, la loi italienne est très complète aussi bien sur la nécessité d’un contrat écrit, de délais de paiement obligatoires, ou d’un principe de protection contre les abus.

S’agissant de l’accès aux marchés publics, on doit se féliciter d’une prise de conscience franco-italienne commune. En effet, les patronats français (Medef) et italien (Confindustria) se sont associés dès 2006 pour défendre l'accès des PME aux marchés publics : « La priorité aujourd'hui est de rétablir une concurrence loyale. Alors que les PME contribuent à hauteur de 50 % du PIB européen et restent l'épine dorsale de l'économie européenne, elles ne concourent pas à armes égales avec leurs homologues étrangères i[(1) » . ]i

Mais il est d’autres raisons qui poussent les PME françaises à rechercher un exemple décisif auprès de leurs homologues transalpins et celles-ci sont liées à l’instabilité de la demande, laquelle engendre la « spécialisation flexible à l’italienne ». Il s’agit en pratique de mettre toujours plus rapidement sur le marché des produits toujours plus variés.

L’exemple de spécialisation flexible dans les relations informelles entre les petites entreprises de l’Italie du Nord, permettant à celles-ci de réagir rapidement aux changements de la demande, est des plus significatifs. En l’espèce, les entreprises coopèrent en même temps qu’elles se font concurrence. Elles recherchent des niches que chacune occupe temporairement, plutôt qu’une fois pour toutes, et peuvent ainsi s’accommoder de la courte durée de vie des produits.

Quant aux pouvoirs publics italiens, ils jouent un rôle positif en aidant ces entreprises à innover plutôt que de s’enfermer dans des combats stériles. On parle ainsi de stratégie de « l’innovation permanente » ou « d’accommodement » à un changement incessant plutôt que d’effort pour le maitriser. C’est l’antithèse du système de production qu’incarnait hier encore le fordisme, en laissant la place à des îlots de production spécialisée. Cette forme de production requiert, outre des décisions rapides favorisées par la vitesse des communications modernes, de petits groupes de travail d’autant plus flexibles vu la rapidité avec laquelle ils s’adaptent aux changements du marché.

Ces quelques exemples démontrent qu’au-delà des effets d’annonce, les pouvoirs publics doivent donner aux sous-traitants un peu de l’élasticité des arbres, en sorte qu’ils ne se brisent pas sous la force du changement, tant il est vrai qu’aujourd’hui les demandes capricieuses du marché déterminent la structure intérieure des entreprises. Et dans son mélange d’entreprises publiques et privées, l’Italie du Nord, bien que calqué sur le modèle rhénan, se montre mieux disposé à desserrer l’étau qui enferment les petites entreprises.

A cet égard, dès 1931, Carlo Emilio Gadda écrivait à propos de la bourse de Milan : « Ici, comme dans toute physiologie, des forces contrastantes, et changeantes dans leur valeur, te tiennent, par des fils tendus, attaché à ton lieu : qui est momentanément défini, quoique connu d’une connaissance variable, d’instant en instant. De même deux fils opposés soutiennent l’araignée et son appétissant moucheron, en un centre provisoire, avant l’averse ».


(1) Dans une lettre adressée à la Commission européenne, le Medef et la Confindustria avaient demandé à Bruxelles d'introduire « des dispositions relatives aux PME » dans la proposition européenne faite à l'OMC en janvier 2007, dans le cadre de la renégociation de l'Accord sur les marchés publics (ATMP).

Thierry CHARLES
Docteur en droit
Directeur des Affaires Juridiques d’Allizé-Plasturgie
Membre du Comité des Relations Inter-industrielles de Sous-Traitance (CORIST) au sein de la Fédération de la Plasturgie

t.charles@allize-plasturgie.com

Mardi 13 Mai 2008




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