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Se révolteront-ils ?

dedefensa.org pose la question de la révolte éventuelle des citoyens américains : Se révolteront-ils ?


Se révolteront-ils ?
L’article est intéressant et je vous conseille de le lire. Je me contenterai de le compléter de quelques remarques. Tout d’abord : l’habitat. Avec la voiture et le carburant très bon marchés aux États–Unis, ce dernier à peine taxé, seuls les très riches et les pauvres ont continué d’habiter les centre-villes. Les autres sont allés se reloger soit dans ces pseudo-campagnes qu’on appelle les suburbs, à une dizaine ou une vingtaine de kilomètres du centre de l’agglomération, soit dans les cités-dortoirs qui se trouvent parfois à une centaine (oui, je ne plaisante pas !) de kilomètres des grands centres urbains.

Ceci en soi, ne favorise pas une « culture de la manif’ ». Il ne faut cependant pas croire que les manifestations n’ont jamais existé aux États–Unis : elles existaient là comme ailleurs quand une majorité des travailleurs des villes habitaient en son centre. Les manifs et les piquets de grève ont existé aux États–Unis au XIXe et au XXe siècles et ont été réprimés de manière tout particulièrement brutale dans ce pays : un exemple parmi cent : les émeutes de Minneapolis en 1934. Si on les a oubliés, c’est essentiellement parce qu’il ne reste pas grand-chose comme mémoire du mouvement ouvrier aux États–Unis. Mais une telle mémoire peut se reconstituer.

Il reste des pauvres dans les centre-villes américains et cette pauvreté explique pourquoi les émeutes spontanées qui éclatent là, souvent à la suite de brutalités policières avérées ou d’incidents interprétés comme tels, se transforment rapidement en pillages.

J’ai évoqué dans « Vers la crise du capitalisme américain ? » (La Découverte 2007), l’influence qui reste massive aux États–Unis de l’origine rurale de bien des immigrants européens qui peuplèrent la colonie, et la violence collective, raciale par exemple, porte encore souvent la trace de ses origines dans le posse improvisé qui répond à l’indignation suprême suscitée par le vol de chevaux ou de bétail et qui se termine en lynching mob rendant sa justice expéditive. Ceci n’est pas très original cependant : la foule meurtrière de l’émeute est la forme sauvage dont a émergé la manifestation comme sa forme domestiquée.

Si l’on excepte les protestations étudiantes et les piquets de grève (qui doivent, selon la loi américaine, être en mouvement constant), et la population hispanique, qui possède elle une authentique culture de la manifestation et est d’ailleurs la seule à défiler le 1er mai, le fait est que la colère collective aux États–Unis est imprévisible et brouillonne et n’a pas la retenue de la manifestation, soit qu’elle n’ait jamais accédé à ce niveau de planification et d’organisation, soit que, l’ayant connue, elle en a régressé. Il reste du coup que la protestation collective aux États–Unis est beaucoup plus dangereuse qu’ailleurs car spontanée et incontrôlable, étant privée des rambardes à la violence que constituent par exemple des organisateurs, un service d’ordre ou des cordons de sécurité.

Forme très spécifique aussi aux États–Unis, le vengeur solitaire, que l’exaspération conduit à s’emparer un jour d’un fusil d’assaut, et à aller dire deux mots à des parents, collègues de bureau, camarades de classe ou autres ennemis éventuels, dont il a établi la liste. Sa randonnée mortelle, largement répercutée par les media, conduit alors au copycat, l’imitateur à qui l’événement rappelle ses propres rancunes et passe à la phase d’exécution. Bien qu’il s’agisse souvent d’une forme de suicide by cop, « suicide par flic », le vengeur solitaire fait parfois des dizaines de morts.

Dans un pays où la possession d’armes est très commune, l’absence ou la disparition d’une véritable culture de la protestation collective constitue un danger sérieux quand la tension sociale monte. Le fait que dans le contexte actuel le coupable de cette tension soit aisément identifiable n’a rien non plus pour rassurer.

Sources citées :

www.dedefensa.org/article-se_revolteront-ils_26_03_2009.html

en.wikipedia.org/wiki/Minneapolis_Teamsters_Strike_of_1934

Se révolteront-ils ?
Paul Jorion
Anthropologue et sociologue
www.pauljorion.com

Lundi 30 Mars 2009




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