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Scinder l’euro… pour le sauver !

Le farouchement anti-européen Martin Feldstein, économiste à Harvard, écrivait de manière prémonitoire en 1997 que l’introduction de l’euro « exacerberait les cycles économiques en aggravant le chômage dans certains pays membres. Lesquels déboires économiques contribueraient à une crise de confiance au sein de l’Union ». Et, de fait, celles et ceux qui étaient persuadés que l’Union subissait depuis 2009 une crise qui ne serait que ponctuelle et que passagère ont dû revoir leur copie. Pour se rendre compte aujourd’hui que cette crise était inscrite dans les gènes mêmes de l’euro.


Michel Santi
Michel Santi
Prise de conscience tardive d’une monnaie commune nécessitant tout naturellement une politique monétaire commune – c’est-à-dire un taux d’intérêt unique – pour une zone aux cycles d’activités disparates, voire antinomiques. Autant de déficiences structurelles et de problèmes chroniques passés sous silence dans l’acte de naissance de cet euro présenté aujourd’hui – non sans raisons – comme coupable de la crise majeure que traverse notre Union. Et pour cause car, sous sa forme actuelle, la monnaie unique est en réduite à être un vecteur de schizophrénie économique et une machine à créer du chômage et, accessoirement, des inégalités.

Tant et si bien que la seule voie qui autoriserait aujourd’hui la mise en place d’une politique active de stimulation de l’activité économique au sein des nations durement touchées par le chômage et par la récession, sans nuire simultanément aux intérêts allemands, serait la réintroduction du deutschemark! Il s’agit en effet de prendre conscience que cette quadrature du cercle qui consiste à mettre en place les indispensables réformes structurelles en Europe périphérique sans davantage faire subir à sa population le joug d’une austérité contre-productive, tout en évitant une poussée inflationniste en Allemagne, ne sera résolue que par le retour de la monnaie allemande.

Car, contrairement à la réintroduction de la drachme grecque (ou de la peseta espagnole ou de l’escudo portugais…), le retour du deutschemark ne provoquerait aucun phénomène de contamination financière, ni de crise systémique. Il permettrait au contraire un allègement du fardeau de la dette des nations périphériques tout en douceur – voire tout en élégance – à la faveur d’un euro qui verrait une forte érosion de sa valeur. Au lieu de devoir passer par la pénible et imprévisible case de la faillite totale ou partielle de certaines nations, voire de la saisie de certains actifs, et autre taxation confiscatoire.

Le seul écueil – et de taille ! – à surmonter étant celui de l’inévitable flambée du deutschemark qui nuirait fondamentalement aux exportations allemandes, et qui favoriserait les importations de ce pays…bref, qui le précipiterait dans une récession du fait d’une ruée mondiale sur une monnaie allemande qui ferait alors office de valeur refuge globale. Dans un contexte où sa banque centrale, la Bundesbank, serait dans l’incapacité de l’affaiblir à cause de taux d’intérêt d’ores et déjà à zéro. Sauf si le retour de la devise allemande se réalisait dans des conditions très précises, qui permettraient à la Bundesbank de garder le contrôle sur sa valorisation, tout en induisant un changement de paradigme sur l’ensemble du système monétaire mondial.

Il s’agirait en l’occurrence de ne réintroduire le deutschemark que sous forme électronique, tout en conservant l’euro mais strictement pour les transactions fiduciaires intérieures en Allemagne. Une fourchette de fluctuation serait dès lors définie entre le deutschemark électronique et l’euro papier. Dans un second temps, une appréciation graduelle du deutschemark – sans incidence négative sur les échanges commerciaux du pays – serait tolérée et même encadrée. Nul ne pourrait se ruer sur les billets de banque libellés en deutschemark pour la simple raison qu’ils n’existeront pas, sachant que la Bundesbank serait dès lors en mesure de faire un usage illimité de sa force de frappe de création monétaire électronique pour casser toute tentative de ruée sur un deutschemark purement électronique dont elle pourra facilement contrôler la valorisation.

Conséquence: alors que les taux d’intérêts resteraient proches du zéro exprimés en euros, ils seraient fortement négatifs en deutschemark, avec des retombées naturellement positives pour toute activité se déployant autour de la monnaie allemande retrouvée. En même temps, la forte chute de l’euro doperait immédiatement la compétitivité des marchandises européennes. Par ailleurs, le renchérissement programmé des biens allemands du fait de la mise en place d’un calendrier bien défini pour l’appréciation du deutschemark électronique encouragerait les acheteurs à ne pas trop remettre leurs importations de marchandises allemandes. Anticipations qui feraient office de stimulus neutralisant les effets néfastes de l’appréciation du deutschemark électronique.

La réintroduction du deutschemark – mais seulement sous forme électronique – signerait donc le retour de cette flexibilité dont l’Union européenne a tant besoin aujourd’hui: tant sur le plan de sa politique monétaire que dans l’affaiblissement orchestré de sa monnaie. Qu’est-ce qui s’oppose en effet à définir en Europe une politique monétaire nuancée et qui puisse s’adapter aux divers cycles économique de ses nations si diverses ? A cet égard, la monnaie électronique – voire des monnaies européennes électroniques – sous la houlette de la BCE sont à n’en pas douter un instrument idéal qui permettrait d’apprivoiser les fondamentaux de tel pays ou de tel groupe de pays, tout en autorisant la banque centrale à en conserver un strict contrôle.

Que l’euro – qui n’est décidément plus aujourd’hui le symbole de l’unité européenne – soit déconstruit ! Sans doute les pères fondateurs commirent-ils une très regrettable erreur en choisissant une monnaie – et donc de l’argent ! – comme symbole de l’Union européenne. Remettons donc de la flexibilité au sein de cette Union, et n’hésitons pas, au passage, à en diluer l’esprit mercantile en relativisant la valeur accordée à l’argent.


Michel Santi
Economiste et Analyste Financier (indépendant)
www.gestionsuisse.com

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Mercredi 28 Mai 2014




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