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S’adapter à l’Asie de l’innovation

Pendant la majeure partie de ces cinq derniers siècles, la technologie était un jouet réservé aux pays occidentaux. Ceux-ci sont devenus riches à coup d'inventions, subjuguant du même coup le reste du monde. Aujourd'hui cet avantage pourrait basculer, au-delà de l’exception japonaise bien connue, vers une grande partie de l'Asie continentale. Bien que l'Ouest bénéficie encore d’un enseignement technique supérieur plus fort, et, pour les Etats-Unis, peut-être de davantage d’infrastructures pour favoriser la naissance de start-ups, les experts prédisent un paysage compétitif totalement différent à l'avenir, et assurent que des mesures doivent être prises dès maintenant pour mieux positionner le vieux monde développé dans un futur où l'Asie sera en pointe.


S’adapter à l’Asie de l’innovation
Nous sommes le cerveau, ils sont les bras. Cette idée était en tout cas celle qui dominait lorsque les compagnies occidentales ont commencé à délocaliser leur production et certaines de leurs fonctions supports en Asie il y a vingt ans.

Mais aujourd’hui les choses changent. Si la tendance actuelle se poursuit, la Chine sera au premier rang mondial en termes de dépôts de brevets en 2011, devant les Etats-Unis et le Japon. L’évolution de cet indicateur constitue peut-être une surestimation de l’innovation réelle mise en œuvre – le gouvernement paierait une prime à ceux qui déposent un brevet avec succès – mais elle est une indication claire des aspirations technologiques de la Chine.

Partout dans le pays, entreprises et universités sont à pied d’œuvre pour agrandir leurs installations dédiées à la recherche. Le premier ministre Wen Jiabao a fait de l’innovation une priorité, et le gouvernement prévoit d’investir 1,9 % du PIB chinois dans la recherche et le développement d’ici à 2020, soit un effort plus que doublé par rapport à 2000. Comme le disait un rapport de Thomson Reuters sur le dépôt de brevets en Chine, « jamais auparavant dans l’histoire une culture de l’innovation si concentrée ne s’est développée aussi vite et avec tant de constance dans ses objectifs. »

Jean-Michel Yolin, qui dirige la section innovation et entreprises au Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, n’a aucun doute sur la capacité de la Chine à atteindre son objectif.

Après tout, explique-t-il, les Chinois ont mené la course en tête pendant la majeure partie de l’histoire humaine. « Ils ont inventé l’écriture, l’imprimerie, la navigation, beaucoup de choses en médecine, dit-il. Jusqu’au XIVème siècle, pendant 4 000 ans, la Chine était la civilisation la plus innovante. »

Il est par ailleurs peu probable que cette vague d’innovation balaie seulement la Chine. En termes de chiffres, l’autre géant asiatique semble certes bien moins impressionnant : l’Inde se range seulement à la 58ème place pour les dépôts de brevets. Mais à sa manière, en tâtonnant, sans doute, le sous-continent pourrait se faire sa place au sommet. L’informatique délocalisée, les voitures à bas coût, le portable, les électrocardiogrammes alimentés sur batterie, et bien d’autres choses ont été développées sur des bureaux indiens.

De même, les nouvelles idées du sous-continent ne fleurissent pas que dans les centres de recherche high-tech comme Bengalore. India Today raconte comment, pendant dix ans, les volontaires de la Fondation Nationale pour l’Innovation indienne ont parcouru 12 000 kilomètres, reliant des villages isolés, cherchant des inventions. En moyenne, ils en ont trouvé plus de dix par kilomètre parcouru. Le groupe a noté plus de 140 000 innovations, dont un appareil permettant d’absorber le carbone produit par un moteur de 12 chevaux, un vélo qui roule sur la terre comme sur l’eau, une machine à laver alimentée par un vélo, et un piège à moustique solaire.

Si on ajoute à ce duo la Malaisie, Singapour, Taiwan et la Corée du Sud – qui investit déjà 3,23 % de son PIB en recherche et dévloppement, soit environ 40 % de plus par habitant que les Etats-Unis – les inventeurs de la future grande nouveauté échangeront probablement leurs idées autour d’un bol de riz ou de curry plutôt que d’un burger-frites.

Pour la planète dans son ensemble, il s’agit d’une bonne chose. De manière générale, il n’y a jamais trop de nouvelles idées. Mais sur le plan économique et politique, les experts pensent que cela pourrait représenter un basculement historique, comparable à celui qu’a constitué la montée en puissance des Etats-Unis à la fin du XIXème siècle.

Et ensuite ?
Quelles seront les conséquences pour l’Occident ? Pour les grands noms de l’industrie, c’est une opportunité. Déjà les grandes entreprises comme Cisco, IBM et Xerox ont investi massivement dans la recherche en Asie.

Les petites entreprises occidentales sont aussi en bonne place pour en tirer profit ; créer des réseaux d’expertise internationaux devient de plus en plus facile pour les entrepreneurs. Hal Varian, économiste en chef chez Google, rappelle que même la plus petite des entreprises a maintenant accès à une puissance informatique et à des outils de communication dont seules jouissaient les plus grosses multinationales il y a 15 ans. « Des étudiants en ingénierie qui ont étudié ensemble dans un pays avancé peuvent créer une compagnie qui sera internationale dès le début, explique-t-il. Ces ‘micro-multinationales’ peuvent avoir un impact très important sur l’innovation à l’avenir. »

Pour les pays occidentaux, la route n’est pas si dégagée. Certains penseurs ont suggéré d’encourager davantage de spécialisation. Hermann Simon, l’équivalent allemand de Peter Drucker, ce consultant américain qui a étudié la manière dont s’organisent différentes entités entre elles, a noté que les entreprises allemandes les plus performantes sont presque toujours des structures de taille moyenne qui ont choisi une niche assez petite, comme l’éolien, et ont ardemment recherché l’excellence dans leur domaine. Pour l’instant, l’Allemagne a en effet bien tiré son épingle du jeu en étant un fournisseur industriel clé pour la Chine pendant sa longue ascension. Andy Grove, ancien PDG d’Intel, a aussi déclaré que les Etats-Unis devraient agir pour conserver une plus grande part de leur industrie.

Mais ce qui explique en partie le succès de ces entreprises, explique Hermann Simon, est la proximité de concurrents de qualité ; bien souvent le numéro deux est installé de l’autre côté du trottoir du numéro un.

Les économistes ont depuis longtemps remarqué que les meilleures entreprises tendent à se développer en groupe, un phénomène dont la Silicon Valley est un exemple éclatant ; mais il n’est pas certain que construire un tel ensemble à partir de rien soit possible. Après tout, les origines de nombreux groupements industriels allemands remontent aux guildes marchandes du Moyen-âge. Même certains ensembles chinois ont connu plusieurs générations. Et Bengalore est devenu ce qu’il est en partie parce que les princes locaux avaient des idées progressistes sur l’éducation publique dès le XIXème siècle.

Hal Varian n’est pas certain, pour commencer, de la capacité des gouvernements à faire sortir un parc d’entreprises d’un terrain vague. « Je ne suis pas totalement contre une politique industrielle mais je pense qu’elle doit être mise en œuvre par petites touches », explique-t-il.

En vrai Californien, l’ancien professeur de Berkeley croit aux start-ups. « La meilleure chose que les gouvernements puissent faire est de laisser faire les entrepreneurs, assure-t-il. Il paraît que George Bush a dit un jour ‘les Français n’ont pas de mot pour ‘entrepreneur’.’ D’accord, c’est une citation plutôt drôle, mais il y a un problème en Europe sur ce point. Il y a des entrepreneurs, mais c’est beaucoup trop difficile pour eux de créer des entreprises et des emplois. »

D’autres assurent que le dernier vrai avantage de l’Occident est l’éducation, et que les pays doivent capitaliser sur leur avance en la matière.

Certaines des meilleures universités américaines ont effectivement été des moteurs puissants pour l’innovation et la création de valeur : Hewlett Packard, Yahoo et Google ont été créées par des diplômés de Stanford.

Cet avantage ne va pas disparaître en une nuit. Jim Spoher, directeur du programme IBM UP (Programme universitaire mondial d’IBM), estime qu’il faudra 10 à 20 ans pour que le niveau de compétence et la qualité de recherche en Asie égalent ceux des pays occidentaux.

En France, Jérôme Fourel, un gestionnaire de fonds basé en Asie et diplômé à la fois de l’Ecole Polytechnique et de Stanford, assure que l’étape la plus importante que pourrait prendre le pays serait la construction d’un Paris Tech inspiré de Stanford, où scientifiques, ingénieurs et hommes d’affaires seraient amenés à se rencontrer. « Tellement de choses pourraient émerger si, comme aux Etats-Unis, nous permettions que se retrouvent côte à côte, entre 20 et 29 ans, un brillant mathématicien, une graine de milliardaire à la Rockfeller, et un ingénieur fou ! »

Une politique de visa plutôt libérale est aussi extrêmement importante, d’après Fourel. Le miracle de la Silicon Valley s’explique en grande partie par le fait qu’un large contingent de talents techniques venus de l’étranger a été autorisé à étudier et travailler aux Etats-Unis. Aujourd’hui beaucoup de ces ingénieurs sont rentrés chez eux, en Chine ou en Inde.

Certaines grandes idées surgissent parfois dans l’isolement – Philo T ; Farnsworth a eu l’idée du tube à électrons, la pièce clé du poste de télévision, alors qu’il était au lycée à Rigby, dans l’Idaho. Mais comme l’a souligné Steven Johnson, écrivain scientifique et co-fondateur du magazine Wired, la majorité de ces idées relèvent d’un phénomène social – il va jusqu’à relier l’essor de la science et de l’industrie au XVIIIème siècle à l’apparition des cafés.

Hal Varian admet que l’ouverture et l’éducation sont des avantages. « Ne sous-estimez pas l’éducation et l’ouverture – c’est grâce à elles que l’Occident est devenu riche », dit il. Mais ce n’est plus la formule magique comme autrefois, tempère-t-il : « Beaucoup de pays dans le monde ont compris cela et ils travaillent beaucoup sur l’éducation, ou au moins sur l’ouverture économique. »

Si les dépasser n’est pas une option…
Aujourd’hui, explique Fourel, penser au niveau national n’est pas une bonne idée. Un peu comme les penseurs français qui ont vu dans l’Union Européenne le seul moyen de sortir d’une longue et nocive compétition avec l’Allemagne, Fourel pense que le seul moyen pour l’Occident de gagner contre la Chine et l’Asie est de coopérer plutôt que de se battre sur l’innovation.

Jerôme Fourel, associé à Sindeo Ventures, un fonds basé à Taiwan, pense que les diplômés de l’enseignement technique français devraient être envoyés en Asie pour y travailler quelques années, juste pour « sentir » les choses. Pas un stage d’été, mais pour une vraie expérience professionnelle. Le monde a besoin de plus de personnes « passerelles », glisse-t-il – des « Califrançatiques », familiers à la fois avec les cultures occidentales et asiatiques, qui peuvent détecter des opportunités de chaque côté.


Mercredi 27 Octobre 2010




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