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Risques : à la fois des dangers et des opportunités

Partenaires participant à l’interview :
- Prof. Wolfgang Kröger, Directeur de l’ETH Risk Center
- Dr. Lukas Gubler, Chief Risk Officer d’EGL


Prof. Wolfgang Kröger
Prof. Wolfgang Kröger
Sur quels risques systémiques l’économie suisse devrait-elle, à votre avis, porter en priorité son attention dans le contexte actuel ?

Prof. Kröger : En premier lieu, il s’agit clairement de la crise d’endettement des Etats et de la crise économique qui en résulte. En outre, je suis préoccupé par la déstabilisation des structures socio-politiques, comme nous pouvons d’ores et déjà la constater en Grèce. Au niveau politique, le cœur du problème se trouve à mon avis au Proche-Orient, qui n’émet toujours pas de signaux à effet stabilisateur et qui influence l’économie mondiale de façon négative. Dans le domaine des risques techniques, je considère l’effondrement possible de l’infrastructure électrique comme la menace majeure. En Europe, des pays comme l’Allemagne et la Suisse luttent avec des capacités insuffisantes dans leurs réseaux électriques, ce qui est alarmant et peut avoir des répercussions à grande échelle sur toute l’Europe. Ce développement est renforcé par la discussion politique au sujet des sources d’énergie, c’est-à-dire par les stratégies différentes adoptées dans certains pays en ce qui concerne la production d’électricité sur la base du nucléaire.

Dr. Lukas Gubler
Dr. Lukas Gubler
Lukas Gubler : Les capacités de transport et le rendement des réseaux électriques sont évidemment des sujets à prendre au sérieux, mais je ne voudrais pas les classer parmi les risques systémiques. Pour moi, la crise financière et économique, la crise d’endettement des Etats et leur influence sur la stabilité politique représentent le danger numéro un. L’Etat et en conséquence son infrastructure se trouvent affaiblis par les engagements des Etats résultant de la crise économique. Ce qui mène de nouveau à la question de la stabilité de l’approvisionnement en électricité et de l’expansion de l’infrastructure du réseau.

Est-il possible, somme toute, de se protéger effectivement contre les risques systémiques à des coûts raisonnables ?

Lukas Gubler : Les risques systémiques se caractérisent, entre autres, par les rapports complexes de différents facteurs. Au niveau des entreprises, la gestion des risques doit être en mesure de représenter cette interaction des différentes catégories de risques. La logique de silos organisationnels, portant sur des groupes de risque limités les uns par rapport aux autres, n’est plus de notre temps et ne correspond plus à la complexité et à l’imprévisibilité des grands risques systémiques.

Prof. Kröger : C’est exact. Avant de réfléchir à différentes mesures, nous devons comprendre les caractéristiques des risques systémiques. Les ébauches de modèles à notre disposition actuellement ne nous ne le permettent pas encore de façon satisfaisante. La recherche devra faire des progrès dans ce sens dans les années à venir. La réalisation concrète des stratégies de gestion des risques par les entreprises doit reposer sur une approche allant dans le sens de la résilience, c’est-à-dire devenir plus flexible, plus adaptative et ainsi plus robuste. C’est exactement comme cela que l’ETH Risk Center conçoit sa mission, à savoir développer de telles approches pour l’économie privée.

L’analyse des risques a-t-elle changé dans les étages de direction de nos grands groupes depuis la crise financière ?

Lukas Gubler : Oui, absolument. Je constate un besoin d’information en nette croissance de la part du conseil d’administration. Les sujets se rapportant à la gestion des risques sont plus souvent mis en exergue lors de ses sessions. Mais la coopération entre la recherche stratégique et la gestion des risques doit être encore renforcée. Jusqu’à présent, ces deux disciplines sont encore souvent traitées séparément et s’influencent mutuellement. Dorénavant, les entités de développement de la stratégie et de contrôle des risques devront coopérer sans faille.

Prof. Kröger : Par mon expérience dans mes échanges avec les chefs d’entreprises, il s’avère qu’avant, on essayait plutôt de simplifier les sujets et les questions, alors qu’aujourd’hui, tous sont d’accord pour essayer d’analyser et de comprendre en tant que tout l’énorme complexité de la matière. Pour moi, il s’agit là de l’un des enseignements tirés de la crise financière et économique, qui a mûri dans la pratique.

Une gestion des risques plus stricte ne risque-t-elle pas alors d’entraver les activités des entreprises, qui pourraient devenir trop prudentes dans leur activité clé ?

Lukas Gubler : La gestion des risques doit soutenir l’activité de l’entreprise. Si la gestion des risques mène à ce que les décisions stratégiques et opérationnelles soient examinées sous différentes perspectives et non pas évaluées aveuglément sur la base d’une maximisation du chiffre d’affaires et du bénéfice, l’entreprise en profite aussi économiquement. La gestion des risques doit stimuler les activités à long terme et non pas les bloquer.

Comment peut-on garantir que l’évaluation des risques ne reste pas qu’un simple «exercice» du conseil d’administration, mais qu’elle mène à une gestion des risques opérationnel ?

Lukas Gubler : Nous établissons, pour chaque risque que nous définissons, un catalogue de mesures qui indique clairement les responsabilités et fixe un cadre temporel. En outre, nous avons une organisation de gestion des risques qui occupe une place importante au sein de l’entreprise. Lorsque le sujet de la gestion des risques est vécu au plus haut niveau de l’entreprise, cela influence également l’ensemble de l’organisation. Cela signifie que l’opinion et l’engagement du conseil d’administration et de la direction sont des facteurs déterminants pour la crédibilité de la gestion des risques.

La réflexion sur la base de scénarios de crise, c’est-à-dire la gestion de risques à court terme, gagne-t-elle en importance ?

Prof. Kröger : Réfléchir sur la base de scénarios est en tout cas préférable à la fameuse référence aux «worst cases». En effet, il arrive fréquemment qu’il ne soit pas possible d’identifier le «pire des cas». Par ailleurs, de telles études de cas donnent l’impression qu’un évènement se déroulera exactement comme on se l’imagine. L’expérience démontre pourtant que le worst case n’est précisément pas prévisible. Les scénarios, par contre, ne sont pas des visions du futur mais nous montrent au contraire une voie possible qui repose sur des valeurs empiriques plausibles.

Lukas Gubler : Dans le développement de scénarios possibles, il importe que la sensibilité de l’organisation permette d’identifier les changements importants intervenant dans l’organisation. La clé se trouve dans le collectif. C’est-à-dire que la transmission d’informations au sein de l’entreprise et la transparence des données et des faits disponibles doivent être accessibles. L’entreprise doit pouvoir profiter de la sensibilité de chaque collaborateur.

KPMGnews : Comment pouvons-nous améliorer l’imbrication du triangle politique, économie, science pour répondre aux risques systémiques ?

Prof. Kröger : Cette liaison doit effectivement être améliorée même si, bien sûr, il existe déjà quelques jonctions. Entre la science et l’industrie, des approches multiples sont d’ores et déjà en place pour une fructification mutuelle. Nous recherchons encore de meilleurs points d’attache avec la politique. Le principal objectif reste naturellement d’avoir les trois disciplines réunis à une même table, afin de pouvoir répondre à la complexité et à l’interconnexion croissantes de cette thématique.

Est-il nécessaire de présenter un rapport transparent des risques dans les clôtures annuelles des entreprises ?

Lukas Gubler : Dans le domaine des risques financiers, beaucoup a déjà été fait. Nous disposons d’instruments variés pour présenter et interpréter les risques. En ce qui concerne les autres risques d’une entreprise, j’aimerais, en tant que lecteur du bilan de l’entreprise, pouvoir me faire ma propre idée de la situation des risques sur la base des données présentées. C’est-à-dire que le rapport sur la situation des risques ne devrait pas anticiper trop d’interprétation.

Prof. Kröger : Je voudrais plutôt diriger le regard, au-delà de la seule considération de l’entreprise, sur la perception plus générale et plus sociale des risques. Comment le public perçoit-il la notion de risque? D’un côté, les hommes ne voudraient pas quotidiennement se pencher sur des risques, de l’autre côté, il existe une perception faussée en ce qui concerne par exemple la notion de probabilité par rapport à la dimension d’un évènement possible. Ainsi, nous considérons qu’il est de notre devoir de ne pas laisser à la notion de risque uniquement une caractéristique négative, mais de montrer aussi les opportunités et les chances que dissimule chaque risque. En outre, jamais nous ne pourrons satisfaire le besoin de la société d’avoir une évaluation nette et exacte des risques, dans toutes les situations de la vie, et c’est aussi ce que nous devons toujours transmettre. Même dans les meilleurs modèles mathématiques, l’évaluation des risques, des conséquences et des probabilités de leur survenance reste toujours floue.


Interview : Philipp Hallauer, Responsable de KPMG Audit Comittee Institute

Vendredi 13 Avril 2012




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