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Régulation selon l’Amérique (1/6)

DODD FRANK ACT. La portée de la réforme financière adoptée il y a un an reste difficile à apprécier. Car sa mise en application est retardée.


Régulation selon l’Amérique (1/6)
Le Dodd Frank Act (DFA), promulgué le 21 juillet 2010 aux Etats-Unis, est présenté comme la plus vaste réforme financière depuis le Glass Steagall Act, établi en 1933 et aboli en 1999. Cette loi a vocation à promouvoir la stabilité financière aux Etats-Unis, à limiter l’aléa moral inhérent au caractère «too big to fail» de certaines institutions financières et à protéger les contribuables et les consommateurs de produits financiers.

En soumettant au vote une loi dès l’été 2010, les régulateurs américains ont incontestablement cherché à prendre les devants sur des sujets majeurs tels que le traitement du risque systémique et la régulation des marchés des dérivés. Pourtant, le manque de convergence et de cohérence des cadres prudentiels entre grandes zones économiques (Etats-Unis, Europe, Asie) risque d’introduire des distorsions de concurrence et d’ouvrir la voie à de l’arbitrage réglementaire, au détriment de la stabilité financière. Ainsi, alors que la migration vers Bâle 2 n’est pas achevée et que la suppression éventuelle du recours aux notations externes pourrait la mettre en échec, aucun engagement de pleine transposition de Bâle 3 (ratios de solvabilité et de liquidité) ou des recommandations du G20 en matière de rémunérations dans le secteur financier n’a été pris à ce jour aux Etats-Unis.

Le travail colossal de déclinaison des principes édictés par le volumineux Dodd Frank Act en mesures d’application s’est engagé. Les régulateurs américains disposent, pour cela, d’une grande latitude d’interprétation (autorisant un durcissement ou un assouplissement des règles prévues par le DFA) et d’application (périmètres, définitions précises des activités et produits concernés, délais de mise en conformité), de sorte que la portée du DFA demeure difficile à apprécier.

La promulgation de la loi appelait un nombre important d’études de faisabilité à réaliser (67) et de règles d’application à rédiger (243) par une dizaine de régulateurs différents. Les conflits politiques et difficultés techniques de mise en oeuvre ont, toutefois, ralenti le processus, et de nombreux reports et exceptions ont été introduits. A près d’un mois de la date anniversaire du Dodd Frank Act, seules vingt-quatre règles des différents titres de la loi ont été précisées par les régulateurs.

Sur le plan institutionnel, l’architecture de supervision de l’industrie financière aux Etats-Unis demeure complexe. Un organisme fédéral de régulation bancaire est supprimé (l’Office of Thrift Supervision), mais une dizaine de nouvelles agences sont créées, notamment le Bureau de protection des consommateurs de produits financiers (CFPB) ou le Bureau fédéral des assurances (FIO). Les autres régulateurs fédéraux bancaires (la Réserve fédérale, l’OCC, le fonds de garantie des dépôts FDIC) et de marchés (SEC, CFTC) sont maintenus, ainsi que ceux qui relèvent des Etats. L’éparpillement des compétences et les difficultés de coordination entre régulateurs pourraient être, comme par le passé, source de dysfonctionnements. A titre illustratif, en un an, au moins sept règles visant à déterminer quelles références explicites aux notations de crédit doivent être abandonnées ont été proposées par les huit régulateurs (seuls ou conjointement) dans leur domaine de compétences respectif.

La supervision du risque systémique est confiée au nouveau Conseil de supervision de la stabilité financière (Financial Stability Oversight Council, FSOC), qui compte quinze membres dont dix membres votant (les huit régulateurs fédéraux, un expert en assurance et le Secrétaire au Trésor qui le préside). Cette agence de supervision macro-prudentielle vise à identifier les risques de nature systémique et à émettre des recommandations pour les prévenir. Elle est déclarée compétente pour arbitrer les conflits entre régulateurs mais n’est dotée d’aucun pouvoir coercitif réel. Le nouveau Comité européen de supervision du risque systémique (ERSB, créé en décembre 2010), placé sous l’égide de la Banque centrale européenne et épaulé par trois nouvelles autorités (EBA, ESMA, EIOPA), est le pendant européen du FSOC. Mais alors qu’une coopération étroite de l’ERSB avec le Conseil de stabilité financière (FSB) (créé lors du G20 de Londres en avril 2009) est prévue dans le règlement 1092/2010 du Parlement européen, la coordination du FSOC avec le FSB, indispensable à un traitement harmonisé du risque systémique, n’est pas évoquée dans le DFA.

Plus généralement, l’amélioration de la supervision financière aux Etats-Unis demeure suspendue au renforcement des autorités de régulation, en termes de compétences et de moyens budgétaires. Le compromis auquel a abouti la conférence de conciliation réunissant députés et sénateurs américains à la fin juin 2010 a introduit de nombreux assouplissements par rapport aux projets respectifs de la Chambre des Représentants (porté par Barney Frank) etdu Sénat (par Chris Dodd). Deux concessions ont, notamment, été introduites. Le principe d’un financement ex-ante du fonds de liquidation ordonnée (qui s’élevait à 150 milliards de dollars dans le projet de la Chambre) a, ainsi, été abandonné, tandis que le caractère contraignant de la règle Volcker a été atténué (initialement, le texte du Sénat prévoyait d’interdire aux établissements habilités à recevoir des dépôts de s’engager dans des activités de trading pour compte propre et d’investir dans des fonds de capital investissement ou dans des hedge funds, indépendamment de leur niveau de solvabilité). Les agences de régulation déplorent un manque de moyens financiers, alors que l’ampleur des déficits publics devrait contraindre le Congrès à voter un relèvement du plafond de la dette fédérale d’ici août prochain. Les débats budgétaires demeurent difficiles, d’autant plus que les Républicains cherchent à retarder la mise en oeuvre du Dodd Frank Act. Si leur projet visant à faire adopter une loi de révision technique semble écarté, cinq propositions de texte amendant significativement la loi ont été déposées et débattues en mars dernier. Barney Frank, l’un des co-auteurs du DFA, a nettement rejeté quatre des projets mais a soutenu le report de l’amendement Durbin et le vote d’une loi rectificative.

En application du DFA, la Réserve fédérale a proposé (règle soumise à commentaires publiée le 28 décembre 2010), de plafonner les commissions interbancaires sur les transactions par carte de débit4 à 12 cents maximum (contre une moyenne constatée à 44 cents) et de mettre un terme à certaines pratiques anticoncurrentielles des réseaux de cartes bancaires (section 1075 du DFA). L’amendement Durbin est destiné à limiter les frais supportés par les commerçants, et donc indirectement par les consommateurs, et à rendre plus transparente la tarification de ces services. Alertée, par près de 11.000 commentaires, sur les possibles conséquences non désirées de cette mesure, la Fed a annoncé, le 29 mars dernier, le report de la publication d’une règle définitive (initialement prévue le 21 avril 2011 pour une entrée en vigueur le 21 juillet 2011). Trois principales critiques ont été formulées.

Premièrement, le plafond fixé serait contradictoire avec l’exigence posée par la loi selon laquelle les commissions doivent être « raisonnables et proportionnelles au coût supporté par l’émetteur au regard de la transaction «. L’enquête menée par la Fed a, en effet, révélé que la médiane des frais de gestion liés à ces opérations s’élevait à 11,9 cents. Le bien fondé du recours à un plafond alors que la loi introduit la notion de proportionnalité est, également, mis en doute.

Deuxièmement, aucune disposition juridique ne serait prévue ni pour contraindre les commerçants à répercuter la baisse des commissions vers les utilisateurs de carte, ni pour empêcher les banques de compenser la baisse des commissions (la perte de revenus annuels générés par ces commissions pourrait s’élever à 12 milliards de dollars selon certaines estimations).

Troisièmement, l’exemption prévue pour les banques ayant moins de 10 milliards de dollars d’actifs sous gestion serait de nature à contrarier les conditions de concurrence.

Les établissements de taille modeste, bien qu’exonérés de la plupart des mesures en faveur de la protection des épargnants, devront, dans les faits, s’aligner sur les pratiques des plus grandes banques La rentabilité des banques de taille modeste (moins de 10 milliards de dollars d’actifs) pourrait être, sous la pression concurrentielle des grandes banques, affectée par certaines dispositions de la loi. Certes, de nombreuses exceptions sont prévues pour ces établissements, qu’il s’agisse, par exemple, de la définition du capital réglementaire (les banques dont le bilan n’excède pas 500 millions de dollars demeureront exemptées de toute exigence en matière de fonds propres ; les titres hybrides, dont les Trust Preferred Securities, pourront être comptabilisés dans le capital Tier one des banques présentant moins de 15 milliards de dollars d’actifs) ou des mesures en faveur de la protection des consommateurs (auxquelles les banques dont les actifs sont inférieurs à 10 milliards de dollars sont exemptées). Les nouvelles modalités de calcul des cotisations au FDIC leur sont, en outre, favorables (l’économie pourrait se chiffrer à 4 milliards de dollars sur trois ans pour les community banks, des établissements dont la taille n’excède pas 1 milliard de dollars). Or, le secteur bancaire américain est relativement émietté : à la fin mars 2011, le nombre d’établissements habilités à collecter des dépôts et affichantmoins de 10 milliards de dollars d’actifs s’élevait à 7 467. Ils représentaient 98% du nombre des établissements affiliés à la FDIC pour 21% des actifs. Si certains jouissent de parts de marché confortables sur des segments délaissés par les grandes banques, les nouvelles règles en matière de rémunération des dépôts ou de tarification des commissions interbancaires devraient, indirectement, s’imposer à la plupart des banques de taille modeste (price taker).

L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Lundi 4 Juillet 2011




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