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Quelles dérogations à l’effet suspensif du contrôle des concentrations en France et devant la Commission européenne ?

Lorsqu’une opération d’acquisition, de fusion ou encore de création d’entreprise commune, est soumise au contrôle des concentrations en France ou devant la Commission européenne, sa réalisation est suspendue à l’autorisation délivrée par l’autorité de concurrence compétente. Cet effet suspensif permet au régulateur de s’opposer à un projet affectant la concurrence sur un marché, ou de l’autoriser sous conditions, avant que ce dernier ait commencé à produire ses effets sur le marché.


Est donc prohibé le fait de réaliser une opération de concentration sans attendre l’autorisation requise. Une telle situation, dite de « gun jumping », peut donner lieu à de fortes sanctions,[1] allant jusqu’à 10 % du chiffre d'affaires total réalisé par les entreprises concernées lorsque l’opération est soumise au contrôle de la Commission européenne et 5% de ce dernier en cas d’examen par l’Autorité de la concurrence.

Il existe cependant des dérogations à l’effet suspensif de la procédure de contrôle des concentrations en France et devant la Commission européenne, souvent dans le cadre des procédures collectives mais également dans des circonstances moins radicales.

L’effet suspensif de la procédure de notification d’une concentration connait quelques exceptions fondées sur la menace de l’équilibre économique de l’opération.[2] La demande de dérogation, réalisée auprès du régulateur saisi, doit alors être fondée sur une nécessité particulière. Or, en période de crise, le nombre de demandes va croissant et aurait été supérieur à 10 demandes par an entre 2009 et 2012.

Ainsi, la poursuite des activités d’une entreprise en procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ne sera parfois possible qu’en cas d’acquisition rapide de ses actifs par un tiers. Dans une telle situation d’urgence, l’opération doit donc en pratique être réalisée, en tout ou partie, avant que l’autorité de concurrence compétente n’ait formellement donné son accord puisque une telle autorisation n’interviendra au mieux que 25 jours ouvrés après la notification de l’opération.

Ceci peut particulièrement poser problème si l’acquéreur est une entreprise active sur le même marché ou sur un marché connexe. Pour autant, même dans une telle situation, le Tribunal de Commerce, qui désigne le repreneur, exige en principe des propositions d’acquisition inconditionnelles[3]. La possibilité de dérogation à l’effet suspensif est alors essentielle pour que l’acquéreur puisse exploiter les actifs de la cible dès le prononcé du jugement sans se trouver automatiquement en infraction vis-à-vis de l’obligation de suspension.

Les Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations précisent que d’autres circonstances exceptionnelles comme « la nécessité pour l’acquéreur d’apporter des garanties ou d’obtenir des financements pour assurer la survie de la cible, etc »[4] peuvent également justifier l’octroi de cette dérogation. Notons que la multiplication des exemples mis en avant par ces nouvelles Lignes directrices publiées en juillet 2013, semble démontrer une volonté d’élargissement des conditions menant à une possible dérogation.

Il reste cependant difficile de déterminer dans quelles circonstances l’Autorité de la concurrence fait droit aux demandes de dérogation dans la mesure où ces décisions ne sont pas rendues publiques, contrairement à la Commission européenne qui publie ses décisions, dans un souci de transparence, depuis 2012 (27 demandes de dérogations ont ainsi été autorisées depuis 2004).

Il ressort de ces dernières que la Commission européenne déroge à l’effet suspensif dans différentes hypothèses impliquant par exemple la fragilité financière de la cible, le maintien d’un concurrent dans le processus d’acquisition de la cible pour maintenir des propositions de rachat appropriées, l’articulation avec les obligations administratives résultant de la libéralisation d’un secteur, ou encore l’obligation de préserver les droits d’assurance des travailleurs. La Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour autoriser ou refuser une telle dérogation. Cependant, elle ne s’oppose pas à un rapprochement anticipé des parties dès lors que le caractère suspensif produirait des effets néfastes sur les parties à l’opération notifiée et sur les tiers et que la concentration notifiée ne posera aucun problème de concurrence.

Notons cependant que les conditions d’obtention de cette dérogation dans le cadre de l’opération Orica/Dyno en 2006 n’ont été publiées par la Commission européenne[5]] qu’en octobre 2013. Or cette affaire semble mettre en avant une plus grande flexibilité de la Commission européenne, dans la mesure où elle a pu accepter une dérogation fondée sur l’affectation de la viabilité de certains actifs, alors même que les inconvénients produits par l’effet suspensif étaient imputables à la structure de l’opération ou encore à une mauvaise anticipation des conséquences du délai de suspension par les parties notifiantes.

[1] Voir en ce sens la condamnation de la société Electrabel par la Commission européenne à une amende de 20 millions d’euros ou, au niveau national, la décision de l’Autorité de la concurrence infligeant à la société Colruyt une amende de 392.000 euros.
[2] Voir l’article 7(3) du Règlement n° 139/2004 pour les concentrations notifiées auprès de la Commission européenne :
« La Commission peut, sur demande, octroyer une dérogation aux obligations prévues aux paragraphes 1 ou 2. La demande d'octroi d'une dérogation doit être motivée. Lorsqu'elle se prononce sur la demande, la Commission doit prendre en compte notamment les effets que la suspension peut produire sur une ou plusieurs entreprises concernées par la concentration ou sur une tierce partie, et la menace que la concentration peut présenter pour la concurrence. Cette dérogation peut être assortie de conditions et de charges destinées à assurer des conditions de concurrence effective. Elle peut être demandée et accordée à tout moment, que ce soit avant la notification ou après la transaction ».
Pour les concentrations de dimension nationale, voir l’article L. 430-4 §2 du Code de commerce :
« en cas de nécessité particulière dûment motivée, les parties qui ont procédé à la notification peuvent demander à l’Autorité de la concurrence une dérogation leur permettant de procéder à la réalisation effective de tout ou partie de la concentration sans attendre la décision mentionnée au premier alinéa et sans préjudice de celle-ci ».
[3] Voir la décision de la Commission du 8 janvier 2010 dans l’affaire n° COMP/M.2621. SEB/MOULINEX. Concernant la reprise partielle par la société Seb des actifs de la société Moulinex, la Commission a accordé une dérogation à l’effet suspensif de la notification « motivée principalement par le fait que les administrateurs judiciaires avaient exigé que toute offre de reprise soit inconditionnelle ».
[4] Ces deux exemples ont notamment été ajoutés dans la nouvelle version des Lignes directrices publiée par l’Autorité de la concurrence en juillet 2013.
[5] Commission européenne, 11 avril 2006, Orica/Dyno, Aff. COMP/M.4151 (article 7(3) du Règlement CE n°139/2004), Décision publiée le 7 octobre 2013.
ec.europa.eu/competition/mergers/cases/decisions/m4151_20060411_20214_3288407_EN.pdf





La Revue est une publication Squire Sanders | Avocats Paris
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Jeudi 19 Décembre 2013




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