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Que penser de la taxe carbone ?

« An expert is a man who has stopped thinking – he knows.» Franck Lloyd Wright


En première analyse
Notre société industrielle moderne pollue. Elle pollue même trop. A terme, elle met en péril notre environnement et donc, par voie de conséquence, notre propre espèce. Les rapports, les discours, les émissions, les témoignages… abondent en ce sens.

Partant de ce constat, tout ce qui peut réduire la pollution contribue à préserver cet environnement (devenu fragile) et notre espèce. A première vue, la taxe carbone, qui vise à lutter contre l’émission polluante de dioxyde de carbone (gaz à effet de serre), semble être une excellente mesure. En responsabilisant le consommateur, en l’incitant à modifier son comportement, l’Etat cherche à contrôler, maîtriser le réchauffement climatique.

Les premiers doutes
On serait tenté d’applaudir vigoureusement. Nous en serions d’ailleurs restés à cette première impression. Mais, ce qui nous a mis la « puce » à l’oreille et nous a incité à dépasser cet engouement de principe, est cette bataille d’experts pour fixer le « juste prix » de la taxe carbone.

L’OCDE avait préconisé 100 euros la tonne ; Michel Ricard 32 euros. Christine Largarde a évoqué un prix entre 15 et 20 euros. Et le Premier ministre annonce quant à lui 14 euros.

Nous avons assisté, étonnés, consternés et inquiets, à cette enchère inversée. Pour passer de 100 à 15, il faut diviser par environ 6,67 ! Si notre environnement est si important, pourquoi baisser les prix de cette taxe ?

La vérité nous est alors apparue : notre environnement était devenu une simple marchandise, le prix de ta taxe carbone un « droit à polluer » et l’Etat un acteur particulier chargé de pallier les défaillances du marché. Finalement, on pourra polluer tant que l’on voudra, à la simple condition d’en payer le prix, le juste prix !

Comment en sommes-nous arrivés là, alors que partout les voix s’élèvent, comme nous le rappelions en introduction, pour signifier l’urgence de la situation environnementale ? C’est ce mécanisme qu’il nous a semblé intéressant de disséquer et de partager, pour en démasquer la logique.

Ce mécanisme comporte trois temps. Seuls le premier et le troisième nous sont clairement révélés ou exprimés. Pour bien comprendre l’enjeu de la taxe carbone, c’est le deuxième temps qui est primordial. Nous le présenterons en dernier, en guise de conclusion et de révélation.

1er temps : la croyance en l’efficacité du marché
On nous apprend que les ressources sont rares ; que les hommes convoitent les mêmes biens ou services ; que le mécanisme du marché permet de trouver un équilibre.

Comment cela est-il possible ? Comment l’échange qui crée par nature un dommage (consommation de ressources rares, appropriation d’un bien ou service…) peut-il conduire à un équilibre ? La raison est simple : le dommage créé est intégré dans le système des prix ; en payant le prix, je m’acquitte des dommages créés.

« Si l’économiste libéral croit tant aux mécanismes du marché, c’est que son modèle lui montre que les prix qui s’établissent à l’équilibre, et qui définissent les taux d’équivalence entre toutes les marchandises, sont justement égaux à la valeur des dommages ainsi créés. » (1)

On connaissait la formule « Je pense donc le suis ». L’économiste libéral a inventé le « Je paie donc je m’acquitte ». J’ai finalement acheté, en payant le prix, le dommage créé. Je n’ai donc rien à me reprocher ; et on n’a rien à me reprocher. « Ite missa est ».

3ème temps : pallier les carences du marché
Là où le bas blesse, c’est qu’il existe des situations où le système des prix n’intègre pas toutes les dimensions de l’échange. Les économistes ont inventé la notion d’effets externes ou externalités pour décrire ce type de situation où une interdépendance entre les acteurs économiques ne trouve pas de compensation sur le marché (non prise en compte par le système des prix). Parmi les quatre grands types d’externalités (2), celles qui nous intéressent sont :
- Les déséconomies externes de production : la production occasionne une nuisance à d’autres agents.
- Les déséconomies externes de consommation : un agent consommateur nuit à d’autres agents.
L’émission de gaz carbonique, soit par la production, soit par la consommation, engendre effectivement une dégradation de l’environnement – une nuisance pour les autres acteurs – qui n’est pas pris en compte par le système de prix.

Qu’à cela ne tienne, répondent de concert les économistes libéraux, il suffit de réintégrer dans le système des prix – en le forçant – l’équivalent du dommage créé. Telle est bien la logique de la taxe carbone. Il s’agit de faire payer le vrai prix, celui qui intègre le droit de polluer. D’où notre combat d’experts pour fixer le juste prix de la taxe, c’est-à-dire évaluer les dommages créés par l’émission de gaz carbonique.

Que de logique, que de rationalité, alors pourquoi écrire autant de lignes à ce sujet ? Laissons aux experts le soin d’estimer l’exacte valeur de cette taxe et refermons le débat.

2ème temps : étendre le périmètre de fonctionnement du marché
S’arrêter à ce niveau constituerait une faute logique, car le passage du 1er temps au 3ème temps n’a été possible que si on a accepté le deuxième temps : l’extension du fonctionnement du marché au périmètre de l’externalité.

Pour fixer le prix de la taxe carbone, il faut avoir au préalable validé le principe suivant : notre relation à l’environnement peut être valorisée et tomber sous le coup de la logique marchande.

L’environnement est une ressource rare, au même titre que toutes les autres ressources naturelles (ex. minerais) que l’on exploite. Appliquons pour « l’air » les mêmes principes.

Voilà le véritable enjeu, qui a été passé sous silence (volontairement ou accidentellement) : jusqu’où faut-il étendre le fonctionnement du marché ? L’environnement doit-il être considéré comme relevant du marché, à l’instar de l’échange des produits et services de consommation courante ?

« Voilà donc le danger de l’extension du domaine de la valeur économique à tout ce à quoi nous pouvons tenir. Les jeux de mots sont ici délicats : « valoriser » les choses (leur attribuer une valeur économique), c’est nécessairement les dévaluer, les aplatir dans l’équivalence générale avec toutes les marchandises. Contre les fausses évidences de la logique marchande, il faut affirmer les spécificités de certains biens au moins, leur caractère unique et irremplaçable, l’incommensurabilité de leurs valeurs respectives ; et par là même l’existence de dommages possibles tels qu’aucune valeur marchande ne puisse les compenser ; donc tels qu’aucun paiement n’ait de pouvoir libératoire. » (3)

Nous ne donnerons pas ici de réponse définitive, mais nous nous « contenterons » de signaler que l’étape2 n’a fait l’objet d’aucune discussion, alors même que c’est le seul et véritable débat.

En guise de conclusion
La santé, le bien-être, la qualité de vie, notre environnement… « Ça n’a pas de prix ! ». Voilà ce que nous entendons de plus en plus. Expression jetée en l’air ou prise de conscience ? Nous croyons qu’à travers cette expression nous disons le caractère « unique » de certaines choses ou relations ; nous disons également que rien ne pourrait compenser leur perte.

Nos actes sont-ils réellement cohérents avec nos paroles et nos idées, lorsque nous instituons une taxe carbone ? Ne sommes-nous en train de traverser le Rubicon ?

(1) Jean-Pierre Dupuy, Jean Robert, La trahison de l’opulence, PUF, 1999, pp. 15.
(2) Cf. Pierre Picard, Eléments de micro-économie – Théorie et applications, Montchrestien, 1990, pp. 488.
(3) Jean-Pierre Dupuy, Jean Robert, La trahison de l’opulence, PUF, 1999, pp. 24.
Serge Masanovic & Christophe Coupé

Christophe Coupé
Christophe Coupé
Christophe Coupé, Ingénieur en Télécommunications, docteur en Economie et consultant, s’intéresse à l’inscription sociale des techniques. Il accompagne les dirigeants et managers pour mesurer la performance et la valeur créée par les projets informatiques.

Serge Masanovic
Serge Masanovic
Serge Masanovic, Associé fondateur de VCM Conseil, est un expert en économie des SI. Il intervient pour anticiper les gains et les bénéfices attendus des projets SI, pour identifier les gisements d’économie et enfin pour mesurer et pilote la performance du SI au quotidien.
VCM Conseil

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www.vcm-conseil.fr

Jeudi 3 Décembre 2009




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