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Quand le monde s’éveillera

L’émergence d’une classe moyenne globalisée va créer des trappes à services préjudiciables à l’économie et à la population.


Cyril Demaria
Cyril Demaria
Le capitalisme va-t-il réaliser la synthèse dialectique que le communisme a voulu imposer par la force? Après la polarisation entre élite et «masses laborieuses», le rattrapage économique des pays en développement crée progressivement une classe moyenne globalisée. La révolution industrielle a passé successivement par une polarisation sociale, puis l’émergence d’une classe moyenne dont les vertus économiques ont été largement commentées. L’accès à plus grande échelle encore à la société de consommation, la dénatalité qui l’accompagne actuellement, ainsi que l’allongement de l’espérance de vie dans le monde (transition démographique) sont caractéristiques d’une classe moyenne émergente.

L’apparition d’une classe moyenne globalisée sera un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité. Les rapports sociaux locaux évolueront radicalement sous l’aiguillon du développement économique, et cette évolution locale aura nécessairement des conséquences à l’échelle internationale. L’un des enseignements du développement des pays industrialisés est que le progrès technique, économique et financier diffère de celui de la société, des institutions et du droit. Le premier précède en principe le second.

Le rythme du rattrapage des pays en développement est également unique: d’après Anil Gupta, professeur à l’INSEAD (voir L’Agefi du 3/12/2010), il n’a fallu que 25 ans pour reproduire l’équivalent d’un siècle de progrès des pays développés. Ce développement à marche forcée, s’il impressionne par le volontarisme et le succès, soulève des questions majeures de société. Si le système capitaliste est basé sur l’existence d’une main d’oeuvre disponible à bas coût, une économie mondiale à faible pression natale, disposant du niveau de vie de la classe moyenne implique que certains services ne seront plus économiquement viables.

Un premier exemple est celui de l’aide aux personnes âgées: la Suisse est aujourd’hui un pays d’immigration privilégié pour les aides soignantes. Les services à la personne sont relativement peu industrialisables. La robotique et l’intelligence artificielle sont encore loin de fournir des solutions économiquement satisfaisantes. La perspective du vieillissement généralisé de la population dans le monde devrait passer par la prise en charge d’un nombre croissant d’individus.

La future rareté relative de l’offre de main d’oeuvre qualifiée et la demande croissante de services conduiront à une augmentation du prix des services. L’augmentation du niveau de vie moyen des actifs y contribuera aussi. L’exclusion d’une partie de la population de l’accès à ces services est ainsi programmée. La question de leur financement se posera également. Dans la mesure où les économies d’échelle sont quasiinexistantes, où le ratio entre population active et retraités va diminuer, les contraintes vont être difficiles à gérer.

Les classes moyennes

Sauf à imaginer un recours au volontariat, à une tarification discriminée (ou alors s’accommoder d’une dégradation du service), les sociétés futures devraient potentiellement accepter qu’une partie de la population ne soit pas servie.

Autre exemple: l’analyse des crédits de petite taille. La crise actuelle du micro-crédit en Inde suggère qu’une main d’oeuvre pléthorique, mais peut-être insuffisamment qualifiée, ne produit pas d’analyse de crédit fiable. La crise mondiale de 2007-2009 démontre par bien des égards que le recours à l’informatisation ne supplée pas aux insuffisances et défaillances humaines, bien au contraire (comme illustré par l’échec de l’analyse automatisée crédits immobiliers aux Etats-Unis, les manquements du contrôle interne de la Société Générale dans l’affaire Kerviel en France ou encore le récent flash crash lié au high frequency trading).

Le coût de l’analyse humaine du crédit n’est pas variable. Il y a un seuil minimum de travail à fournir pour chaque analyse. En revanche, la rémunération potentielle du crédit est contrainte. Elle est fonction de la taille du crédit et du taux d’intérêt (qui prend en compte le risque, mais pas nécessairement les coûts de l’analyse). L’analyse de crédit, et bien d’autres opérations bancaires nécessitant une intervention humaine, devront évoluer dans leur rémunération, peut-être par la dissociation de la prise en charge du coût de l’analyse et de la fixation du taux d’intérêt. Là encore, le risque est que certains crédits ne seront plus pris en charge faute de rentabilité pour le donneur d’ordre.

La taille d’un crédit ou d’un investissement donné détermine le rendement qui y est associé. Les coûts fixes de l’étude du projet, additionnés au risque encouru, peuvent créer une trappe à projets. Plus les coûts augmentent, plus cette trappe est importante. Le phénomène touche potentiellement le financement des petites entreprises, l’un des principaux moteurs de création d’emploi. Ainsi, la professionnalisation accélérée de la création d’entreprises requiert un suivi de plus en plus dense et diversifié des sociétés émergentes que ne peuvent assumer les investisseurs professionnels.

De la même manière, les petits LBO ont été peu à peu désertés par les professionnels: le coût des audits et l’implication des équipes est si coûteuse qu’il est bien plus rentable de travailler sur de plus grands projets. L’inflation des rémunérations des gérants a donc créé de fait une trappe à projets (en LBO aussi). Paradoxalement, les conséquences de l’inflation de la rémunération des banques et des gérants est un exemple des conséquences potentielles d’une augmentation généralisée et indiscriminée des salaires internationaux.

A cette aune, non seulement big is beautiful, mais à terme cela risque de n’être que la seule option viable. L’émergence d’une classe moyenne mondiale sans réévaluation de valeur relative du travail fourni, pourrait donc signifier paradoxalement une réduction de la croissance, voire une stagnation proche de celle qu’expérimentent depuis plusieurs années les pays de l’Union européenne.


Cyril Demaria
Passionné par la finance et l’innovation technologique, Cyril a développé une philosophie « hands on », comme analyste dans un fonds de capital-risque transatlantique à San Francisco et à Paris, puis grâce à ses expériences opérationnelles et en tant que fondateur de
Corporate Development Consulting , un cabinet de conseil en private equity. Il a contribué au développement de plusieurs jeunes pousses (Internet, télécommunications et logiciel). Cyril fut portfolio manager au sein du fonds de fonds d'un groupe d'assurance français, et est actuellement associate dans un fonds de fonds basé à Zürich.

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, d’Etudes Approfondies (DEA) en Géopolitique, d’Etudes Supérieures Spécialisées (DESS) en Droit Européen des Affaires, et d’HEC (spécialisation Entrepreneurs). Cyril est l'auteur de
Développement durable et finance (Maxima, 2004), le premier livre en français analysant le processus d'investissement selon des critères de développement durable. Il est aussi l'auteur de Introduction au private equity (Banque Editeur, 2006), et de "Profession business angel" (Banque Editeur, 2008).
 
Cyril Demaria
+41.79.813.86.49

Lundi 10 Janvier 2011




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