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PwC : une même enseigne réputée de l’audit, deux pratiques professionnelles fort différentes

Ces dernières semaines les entités de PwC en Suisse et au Luxembourg ont publié des communiqués de presse. L’analyse de la sémantique de ces communiqués s’avère particulièrement intéressante. Elle permet de mettre en exergue deux pratiques professionnelles qui ont peu de choses à voir l’une avec l’autre alors qu’il s’agit de deux places où existe le secret bancaire.


Jérôme Turquey
Jérôme Turquey
Ces divergences peuvent être appréciées de manière significatives autour des notions de confiance et de qualité, mais également en observant le comportement sur leur place financière respective face à la criminalité économique.

La confiance

Le premier critère de comparaison est la pratique de la notion de confiance.
Selon PwC Luxembourg c’est la confiance des clients qui est la plus importante (1). C’est d’ailleurs le titre du communiqué de presse. Plus loin de poursuivre dans la note à l’éditeur que « le nombre et les activités de nos clients ont considérablement augmenté traduisant ainsi la confiance qu’ils placent dans le potentiel futur du Luxembourg ». Plus loin de poursuivre que « PricewaterhouseCoopers établit des rapports de confiance et contribue à la création de valeur ajoutée pour ses clients et leurs partenaires ».
Or c’est oublier à quoi servent les auditeurs. Après les affaires qui ont entaché la vie des affaires ces dernières années et qui ont impliqué les auditeurs, ce sont les investisseurs, le marché et plus généralement les parties prenantes (stakeholders) qui doivent avoir confiance en l’audit et non les clients. Réduire la confiance aux seuls clients conduit à réduire l’audit à une vulgaire prestation commerciale que le client, que l’on veut satisfaire, achète quand bien même son objectif irait le cas échéant contre les parties prenantes (2).
C’est ce qu’à bien compris PwC Suisse, qui rappelle dans son communiqué de presse (3) que « loin de délivrer uniquement une attestation de conformité, l’audit élève la qualité des comptes annuels et justifie ainsi la confiance que placent les partenaires en l’entreprise auditée ». Et de poursuivre que le travail de l’auditeur « est à la base de la confiance que le marché des capitaux accorde aux informations de l’entreprise auditée ». Et de poursuivre plus loin que « les adaptations rendues nécessaires par l’audit accroissent sensiblement la clarté et l’intelligibilité des comptes annuels instaurent une plus grande transparence et augmentent la confiance que le marché des capitaux accorde à l’entreprise ».
Outre la « confiance » une autre notion mérite d’être commentée d’un communiqué à l’autre.

La qualité

Dans la langue du métier la qualité renvoie à la déontologie dans son travail. C’est ainsi qu’il faut comprendre un « contrôle qualité » de l’auditeur.
PwC Suisse emploie le mot qualité de manière adéquate en parlant à quatre reprises de qualité des comptes, ce qui est sans équivoque. Cela est même explicitement écrit puisqu’il est notamment question de « clarté et l’intelligibilité des comptes annuels («true and fair view», image fidèle) et donc leur qualité. »
PwC Luxembourg en revanche fait silence sur la qualité dans cette acception. Le mot est cité deux fois sans avoir la même portée pour expliquer que les clients font confiance dans la « qualité des services délivrés » et que « le pays garde un véritable potentiel de croissance par la qualité de son environnement pour les entreprises ».
On n’est absolument pas dans une affirmation de déontologie du travail mais dans bien une promotion commerciale pour PwC et pour la place luxembourgeoise, ce que corrobore le fait d’afficher la croissance (growth) comme valeur d’entreprise (4) sur une place financière où les professionnels considèrent que le faux, l’usage de faux, le faux bilan, l’usage de faux bilan et l’abus de bien social sont des infraction vagues où équivoques tel que cela a été exprimé lors du débat de transposition de la deuxième directive européenne par l’Association Banques et Banquiers Luxembourg et la Chambre de Commerce. La clarté et l’intelligibilité des comptes annuels («true and fair view», image fidèle), on ne connaît pas. C’est d’ailleurs ce qui apparaissait aussi à l’examen du code de gouvernance de la bourse de Luxembourg rendant l’intégrité des comptes facultatives seules des règles rigoureuses, ne préjugeant pas de l’intégrité, étant obligatoires.

La mentalité des affaires de la juridiction où évolue l’auditeur a sans nul doute un impact sur son comportement face à la criminalité économique

Le comportement sur la place financière face à la criminalité économique

C’est en tout cas ainsi que l’on peut interpréter le silence de PwC Luxembourg sur la Global Economic Crime Survey de l’Enseigne (6). PwC Luxembourg n’a ni participé à l’enquête ni produit de rapport pays ce qui est fort étonnant pour un pays qui a une place financière d’une telle importance et qui en fait la promotion. Il y a certes une formation (5) sous la houlette de l’entité PwC Academy mais il est assez symptomatique que, sous réserve de l’associée de PwC en charge du blanchiment qui intervient comme modérateur et d’un collaborateur de la Commission de Surveillance du Secteur Financier qui intervient sur l’audit informatique, la majeure partie des intervenants ne viennent pas du Luxembourg et surtout traitent les sujets les plus sensibles : lutte contre le terrorisme, blanchiment, sociétés écrans, prévention de la corruption, études de cas de blanchiment.
Ce serait probablement trahir la confiance des clients que de parler de criminalité économique au Luxembourg. L’objectif de croissance annihile dans les faits toute liberté de parole et tous travaux du moins publics issus de la pratique locale au point de décrédibiliser par une autocensure qui ne fait que stimuler la fraude et les fraudeurs, pour lesquelles il y a une tolérance certaine sur la place luxembourgeoise.
PwC Suisse en revanche a participé à la Global Economic Crime Survey de l’Enseigne (7). Il en ressort que dans le monde comme en Suisse, la moitié des auteurs de délits appartient au management des entreprises concernées et que la place suisse connaît deux fois plus de cas de blanchiment que la moyenne mondiale (8% en Suisse contre 4% en moyenne mondiale). John Wilkinson, associé et responsable de Forensic Services Eurofirms chez PricewaterhouseCoopers Suisse a souligné comme point positif que « les entreprises et organisations suisses gèrent aujourd'hui les délits économiques beaucoup plus ouvertement qu'avant ».

En conclusion, il est intéressant d’observer que contrairement à PwC Suisse, PwC Luxembourg tient à rappeler à la fin de ses communiqués de presse que « "PricewaterhouseCoopers" désigne le réseau des sociétés membres de PricewaterhouseCoopers International Limited, chacune d’elles constituant une entité juridique autonome et indépendante ». « Autonome et indépendante » : c’est en fait la même idée de propre loi (sens étymologique littéral du mot « autonome »). Que vaut alors le « Code of Conduct » de l’enseigne PwC quand la pratique locale va à l’encontre des valeurs du code ? En ne faisant pas le petit minimum pour être crédible dans son discours de compétence et d’éthique, PwC Luxembourg fragilise la crédibilité de son enseigne et c’est bien navrant.

Jérôme Turquey
Auditeur-conseil indépendant en éthique des affaires et risque de réputation
En savoir plus :
ethiquedesplaces.blogspirit.com

(1) PricewaterhouseCoopers Luxembourg Annual Review 2007: « La confiance que nous accordent nos clients est le fondement de nos métiers » - communiqué de presse du 18 octobre 2007

(2) PwC Luxembourg cite certes des partenaires mais ce sont ceux des clients non les siens, ce qui est étonnant pour une entreprise qui communique sur la RSE au Luxembourg.

(3) Quelle valeur ajoutée apporte l’audit? Enquête de PwC sur l’effet de l’audit sur la qualité des comptes annuels des sociétés suisses cotées en Bourse - communiqué de presse du 29 octobre 2007

(4) Le Territory Senior Partner de PwC Luxembourg déclarait en janvier 2007 à sa prise de fonction : « nous évoluons dans un modèle basé sur la croissance, cela reste une priorité. Ce fut un fil conducteur dans ma carrière » (Didier Mouget (PricewaterhouseCoopers Luxembourg): ‘Savoir combiner les talents', Paperjam 26 janvier 2007)

(5) PwC Academy : The Fight Against Financial Crime - Modular training programme
for experienced professionals (octobre 2007-avril 2008) (Cf. http://pwcacademy.lu)

(6) Dans le cadre de l'actuelle étude «Economic Crime Survey 2007» de PwC sur l'évolution de la criminalité économique, les CEO, CFO et dirigeants de 5400 entreprises dans 40 pays ont été interrogés. Les résultats suisses s'appuient sur les réponses de cadres et de dirigeants de 84 entreprises sélectionnées au hasard parmi les 600 plus grandes entreprises suisses.

(7) PwC «Economic Crime Survey 2007» Délits économiques révélés grâce à des informateurs - communiqué de presse du 16 octobre 2007


Mardi 6 Novembre 2007



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