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Prévention et pénibilité : quelles déclinaisons pratiques en entreprise ?

Ou les nouvelles obligations issues de la loi portant reforme des retraites du 9 novembre 2010


Prévention et pénibilité : quelles déclinaisons pratiques en entreprise ?
Après l'échec des négociations interprofessionnelles sur la pénibilité [1] le législateur vient d'adopter un régime de prévention d'une part, de réparation d'autre part, de l'exposition des salariés a des travaux pénibles; les décrets conditionnant l'entrée en vigueur de ce dispositif seront publiés dans les semaines à venir.

La notion de pénibilité du travail n’est pas nouvelle puisque plusieurs textes spécifiques du code du travail y font déjà référence (tel est le cas, par exemple, de l’article L 2241-4 portant sur les négociations obligatoires triennales de branche relative aux conditions de travail et à la GPEC ou encore de l’article D 4153-4 portant restrictions au travail des mineurs).

La loi portant réforme des retraites innove en ce que :
- elle modifie l’article L 4121-1 du code du travail pour ajouter, au titre des obligations de l’employeur, des actions de prévention de la pénibilité au travail ;
- elle insère au code du travail un nouvel article L 4121-3-1 qui précise de façon incidente - à l’occasion de l’énoncé d’une nouvelle obligation de l’employeur d’établir des fiches individuelles par travailleur - la nature des facteurs de risques exposant les travailleurs à des conditions de travail pénibles : ces facteurs (dont elle laisse le soin à un décret de fixer la liste) sont liés à (i) des contraintes physiques marquées, (ii) un environnement physique agressif ou (iii) certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé ;

Intégrant, par ailleurs, une nouvelle section "pénibilité" dans le code du travail, la loi prévoit que les salaries affectés a certains travaux (dont la liste est définie par décret) pendant une certaine durée (également fixée par décret) auront droit, s'ils font état d'un taux d'incapacité minimum, de liquider leur retraite à taux plein à 60 ans.

Pour permettre la prévention et la "traçabilité" de l'exposition individuelle à ces travaux pénibles, la loi impose en pratique aux entreprises :
1. d'une part d'adapter le document unique d’évaluation des risques professionnels (DU) ;
2. d'autre part d'établir des fiches personnelles pour chaque travailleur exposé aux facteurs de risques professionnels déterminés par décret (article L 4121-3-1 nouveau) ;
3. enfin d'ouvrir une négociation avec les organisations syndicales représentatives ou d'établir un plan d'action unilatéral portant sur la pénibilité (articles L 138-29 à 31 nouveaux du code de la sécurité sociale).

L'article 60 (relatif à l’établissement des fiches personnelles) étant applicable aux expositions intervenues à compter d'une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012, c'est dans les mois à venir que ce travail d'identification sera accompli sur la base du décret qui entrera en vigueur dès sa publication. En toute logique, ces fiches seront établies en « cohérence avec l’évaluation des risques » [2].

Parfois le DU aura déjà un contenu analytique adapté et ne nécessitera qu'un aménagement de ses rubriques; parfois une précédente identification aléatoire des facteurs de pénibilité contraindra à un travail plus profond pour éviter de futurs contentieux en responsabilité civile.

Ce travail ne sera pas toujours aisé : faute d'indications réglementaires sur le degré d'occurrence de certains risques (le salarie est-il par exemple amené à porter des charges quotidiennement ou une fois de temps à autre ?) La prudence militera en faveur d'une interprétation extensive et c'est donc une analyse minutieuse que devront piloter DRH et préventeurs.

Une fois établie l'analyse, il conviendra de construire en parallèle un plan pour prévenir ou réduire les risques identifiés soit au sein du DU lui-même, soit dans le cadre d'un accord d'entreprise ou d'un plan d'action en respectant la méthodologie des articles L 4121-1 et 2 du code du travail.

1. Compléter et adapter le DU
Un des décrets à paraître définit une liste de 10 facteurs d’exposition [3] à un risque de « pénibilité », le législateur demandant aux entreprises d’identifier au sein du DU les tâches qui comporteraient de tels risques. On rappellera ici utilement que si le législateur confie au CHSCT le soin de « procéder à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité » [4] c’est bien l’employeur qui reste le seul responsable de l’évaluation des risques au titre de l’article L 4121-3 du code du travail.

2. Etablir les fiches individuelles d’exposition
Ce document individuel – auquel le salarié aura un accès curieusement limité à l’hypothèse de son départ et à celle d’un arrêt de travail dont la durée sera également fixée par décret – assure la « traçabilité » de l’exposition à un ou plusieurs des risques listés par le décret.

La fiche sera transmise au médecin du travail ; le CHSCT sera naturellement consulté avant que le DU soit adapté et le sera également sur le canevas de la fiche mais n’aurait a priori pas accès aux fiches individuelles elles-mêmes sauf disposition contraire du décret à paraître puisqu’aux termes de la loi, « les informations contenues dans ce document sont confidentielles ».

3. Négocier ou adopter un plan d’action
Si l’entreprise emploie des salariés exposés à des facteurs de (risques de) pénibilité dans une proportion minimale à fixer par décret, elle sera tenue soit de négocier un accord d’entreprise, soit de mettre en œuvre un plan d’action – au maximum triennal – faute de quoi elle sera débitrice d’une pénalité dont le mécanisme est, en quelque sorte, « rodé » en droit du travail (cf dispositions de même nature sur l’emploi des seniors et sur l’égalité hommes/femmes).

Un décret à paraître fixera les thèmes obligatoires de négociation mais les entreprise de 50 à 300 salariés couvertes par un accord de branche étendu sur la pénibilité seront dispensées de plan ou d’accord ; en pratique on a vu qu’elles seront cependant conduites à proposer un plan d’action au sein même du DU…

Ces nouvelles obligations posent de nombreuses questions dont les réponses sont contenues pour partie dans les décrets à paraître (quels sont les facteurs de pénibilité ? la durée d’exposition exigée ? la proportion minimale de salariés exposés de nature à déclencher l’obligation de négociation ou de plan d’action ? les thèmes obligatoires de cette négociation éventuelle ?) et pour partie dans les options prises par l’entreprise (dans quel ordre procéder pour répondre aux trois principales obligations nouvelles relatives à la pénibilité (évaluer, prévenir, négocier ou établir un plan d’action).

Au-delà de nouvelles obligations de formalisme facilitant la « traçabilité » de l’exposition aux travaux pénibles, le texte nouveau est porteur de deux effets induits :

- C’est à un questionnement sur la politique de prévention de l’entreprise qu’il renvoie : quel budget est-elle disposée à allouer à un plan de réduction des risques ? Comment envisage t-elle d’associer les représentants du personnel à cette démarche ? Sollicitera t-elle le médecin du travail, des consultants, un avocat en droit social ? Les grandes entreprises à l’instar de Renault négocieront des dispositifs spécifiques de préretraite ; certaines entreprises de moindre taille pourront être couvertes par un accord de branche étendu qui aura permis un aménagement spécifique d’horaire des salariés occupés à des travaux pénibles ou un régime particulier de compensation (prime, journée de repos supplémentaire etc.) ; les autres entreprises seront vraisemblablement conduites à s’inspirer d’un catalogue de mesures issu de la créativité des négociations dont la presse spécialisée se fera l’écho.

- Le texte nouveau et la consécration du vocable de « pénibilité » permettront assurément à la Cour de cassation de renforcer sa jurisprudence sur l’obligation de sécurité de résultat dont les effets irradient aujourd’hui tout le droit social ; mails ils devraient également contribuer à favoriser la reconnaissance des maladies professionnelles dont « l’inflation » est déjà patente : 49 341 en 2008 contre 24 220 en 2001 selon les statistiques de l’INRS…

[1] Alors qu’un consensus semblait se dégager sur les questions de prévention et les critères de pénibilité, les négociations ont achoppé sur le sujet de la réparation et spécifiquement des retraites anticipées le 16 juillet 2008, le Medef refusant « la mise en place de nouveaux régimes spéciaux ».

[2] Article L.4121-3-1 nouveau.

[3] Voir ci-dessous le projet de décret joint relatif à la définition des facteurs de risques professionnels.

[4] Article L.4612-2 du code du travail modifié par la loi du 9 novembre 2010.

La Revue est une publication Squire Sanders | Avocats Paris |
www.ssd.com

Lundi 14 Mars 2011




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