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Perte soudaine du dirigeant : du traumatisme à la greffe

Les décès ou révocations de dirigeants du CAC 40 font régulièrement la Une des médias. Au-delà de ces cas médiatiques, de nombreuses entreprises sont confrontées à la perte soudaine de leur dirigeant. Démunies, traumatisées, elles doivent néanmoins réagir vite. Leur survie en dépend souvent. Le point avec Thierry Grimaux, associé Valtus, spécialiste des crises managériales.


Thierry Grimaux
Thierry Grimaux
Thierry Grimaux bonjour, vous êtes associé de Valtus, en quoi la perte soudaine du dirigeant est-elle traumatisante ?

L’entreprise court peu de risques lors du départ volontaire du dirigeant, si la succession a été préparée, planifiée et s’inscrit dans le temps. En revanche, le danger survient lorsque rien n’a été anticipé. Il y a alors deux grands cas de figure. Premièrement, dans le cas d’un accident de la vie : maladie, décès du dirigeant... Dans ces circonstances, l’entreprise en tant que telle n’est pas affectée, si tant est que sa santé soit bonne. En revanche, le traumatisme est grand pour l’ensemble du personnel. Or, le capital humain, c’est ce qui fait tourner une entreprise... Deuxième cas de figure : le départ est provoqué. La révocation d’un dirigeant intervient généralement lorsque l’entreprise rencontre des difficultés et que le dirigeant n’est pas capable de les résorber, voire les aggrave. Ici, c’est l’entreprise qui est traumatisée mais pas forcément les salariés qui avaient souvent, à l’instar des actionnaires, perdu confiance en leur patron.

Comment "soigne"-t-on ce traumatisme ?

Dans les deux cas précédemment évoqués, il faut agir très vite et donner une réponse aux interrogations qui vont se poser. Il faut néanmoins être très précautionneux. Chirurgicalement, on parlerait d’une greffe, voire d’une transplantation cardiaque ! Néanmoins, la manière d’opérer est différente selon les deux cas de figure. En cas d’accident de la vie, un dirigeant est souvent nommé de manière provisoire. Même si l’on pense – espère – que ce sera le successeur définitif, on ne le dit pas, par respect pour le disparu… Et par prudence. La génération des décideurs d’aujourd’hui a été élevée dans le souvenir de l’erreur de Chaban-Delmas se portant candidat alors que la dépouille de Pompidou était encore chaude. Par ailleurs, cette attitude permet de se donner un droit à l’erreur et de pouvoir revenir ultérieurement sur sa décision. En cas de révocation, il va falloir trouver le bon successeur du premier coup (et pour cela, il vaut mieux y avoir réfléchi un peu à l’avance) car l’entreprise et ses dirigeants ne peuvent pas se permettre qu’à une difficulté économique s’ajoute une phase d’instabilité managériale.

Agir vite mais sans se précipiter, c’est ça ?

Comme toujours, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Dans un cas de succession subie (maladie, décès…), il s’agit de réagir vite en communicant afin de rassurer salariés, banquiers, clients et fournisseurs (dans cet ordre). Dans le cas d’un dirigeant débarqué, il n’y a pas de place pour les fameux 100 jours. Les 100 jours, c’est pour les successions planifiées, les recrutements, la vie normale. Là, il y a urgence. Et il faut respecter les règles de la médecine d’urgence : préserver les actifs vitaux, couper et éliminer les foyers d’infection (les activités en fortes pertes), tout en préservant les organes vitaux et en minimisant les pertes du sang de l’entreprise, c’est-à-dire sa trésorerie.

Se pose souvent la question suivante : faut-il conserver ou non l’équipe de direction ? Si la société est en difficulté, la réponse est assez simple : on peut changer une équipe qui ne gagne pas. Si l’opération est facilement acceptée dans une société en crise, elle est plus délicate quand l’entreprise est en bonne santé (cas du départ subi). Mais dans tous les cas, il faut absolument éviter de conserver des "belles-mères" autour de la table. Vous savez celles qui rappellent sans cesse à leur bru que « ce n’est pas comme ça que [leur] fils aime la mousse au chocolat ». On ne doit pas conserver ceux qui ne veulent pas avancer et changer.

Recourir à un manager de transition, c’est se donner le temps de recruter la bonne personne pour poursuivre l’activité ?

Oui, très certainement. Car, recruter un dirigeant prend au bas mot six mois. Et il est évident que les entreprises ne peuvent rester aussi longtemps sans tête. Or, en moins de 8 jours, un dirigeant de transition expérimenté peut intervenir dans l’entreprise traumatisée et opérer de manière nette et rapide. Impossible, alors que je viens de vous affirmer qu’il fallait six mois pour dénicher un dirigeant ? En tant que cabinet de management de transition, nous disposons d’un pool de professionnels, disponibles et immédiatement opérationnels, dont le métier est de savoir gérer l’urgence et les situations complexes. Notre valeur ajoutée est de savoir les sélectionner et d’identifier ceux qui correspondront le mieux à l’entreprise dans le besoin. Car dirigeant de transition, c’est un métier, un métier exigeant qui nécessite des savoir-faire, des compétences, une expérience et des qualités humaines bien spécifiques. Le rôle du cabinet de management de transition, c’est de préparer et d’organiser la salle d’opération, de trouver le bon cardiologue, de l’entourer et le décharger des tâches secondaires, de lui servir de miroir, de l’aider dans ses prises de décision et le soutenir dans leur mise en œuvre. Bref, faire en sorte que la greffe prenne, en attendant le dirigeant définitif. Et il arrive parfois, et même souvent, que ce dirigeant de transition finisse par se voir demander de rester. En 2013, Valtus a ainsi accompagné 13 dirigeants urgentistes et la moitié d’entre eux sont restés comme mandataires sociaux de la société concernée.

Justement, quelles conditions facilitent la greffe ?

Le dirigeant de transition doit faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. Ainsi, dans les cas subis, il devra avant tout se glisser dans l’habit du disparu, permettre une transition en douceur, parler de continuité, et laisser sa place à son successeur, définitif celui-ci. Les critères à privilégier vont être d’ordre psychologique plus que technique.

Dans le cas d’un départ provoqué, il en est tout autrement. Les actionnaires doivent démontrer qu’ils savent ce qu’ils font et le nouveau dirigeant doit montrer qu’il n’est pas là par hasard. Il doit écouter, communiquer, démontrer sa légitimité et montrer que les choses vont changer.

Quoi qu’il en soit, aller à la rencontre des salariés est essentiel, ce sont eux qui feront que la greffe prendra… Ou pas. Il est également important de se donner les moyens de son action (c’est là que se pose la question des membres du Comex / Codir).

Parallèlement à cela, et afin que ce nouveau dirigeant ait le maximum de chances de succès, il faut le décharger de toutes les tâches subalternes ou sujets de préoccupation mineurs qui peuvent le détourner de son action prioritaire. Il faut avoir à l’esprit l’image du chirurgien cardiologue dans le bloc opératoire : la moitié des gens dans la salle ne sont là que pour lui permettre de rester concentré sur l’essentiel.

Thierry Grimaux, je vous remercie et vous donne rendez-vous très prochainement dans un nouveau numéro de Finyear.

© Copyright Finyear. Propos recueillis par la rédaction de Finyear.


Vendredi 19 Juin 2015




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