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Nomination récurrente d’un arbitre et impartialité

Nous avons traité en décembre dernier de l’appréciation de l’indépendance et impartialité de l’arbitre par les juridictions de différents pays ( International approaches to the independence and impartiality of arbitrators ).


Nomination récurrente d’un arbitre et impartialité
En écho au débat organisé par la Young Arbitrator’s Initiative le 2 février 2012 à San Francisco, nous revenons sur la question de la nomination récurrente d’un arbitre par une même partie ou conseil d’une des parties.

Nous rappellerons d’abord les principales idées évoquées lors de ce débat (I), puis brièvement les principes des IBA Guidelines (II). Ensuite nous analyserons quelques décisions récentes relatives à la nomination récurrente d’un arbitre (III), puis leur portée et leur impact sur la pratique (IV).

I. Les points de vue sur la nomination récurrente d’un arbitre par une partie ou son conseil

Le débat organisé par Young Arbitrator’s Initiative a rassemblé de nombreux praticiens de l’arbitrage.de prendre la mesure de l’actualité. Au vu des opinions exprimées, la nomination récurrente d’un arbitre est un sujet controversé.

Un groupe a défendu la « neutralité » de la nomination récurrente d’un arbitre, argumentant que, dès lors qu’un arbitre fait preuve d’une remarquable habilité, intégrité et expertise dans le domaine objet de la procédure d’arbitrage, il est naturel, voire inévitable, qu’il soit à nouveau proposé dans des procédures ultérieures dans ce domaine par la même partie ou conseil.
Un autre groupe a pris la position contraire. En reprenant les termes de la décision du CIRDI OPIC Karimum Corporation v. République Bolivarienne du Venezuela (“OPIC Karimum”), ils ont soutenu que cette question devait être considérée attentivement lors de la récusation d’un arbitre. En effet, la nomination récurrente d’un arbitre par une même partie ou conseil mérite une attention particulière eu égard à son caractère « objectif » donnant «plus de chances de réussite avec un arbitre nommée de manière récurrente qu'il ne serait autrement le cas ».

Il est intéressant de rappeler quelles ont été les solutions proposées par l’International Bar Association.

II. Le traitement de la nomination récurrente par les IBA Guidelines

Les IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration (les “IBA Guidelines”) traitent la question de la nomination récurrente d’un arbitre par une partie ou conseil (section 3). Tel est un des cas visé dans la « liste orange ». Cette liste est une énumération non exhaustive d’hypothèses qui, selon les faits de l’espèce, peuvent faire naître des doutes légitimes dans l’esprit des parties quant à l’impartialité et à l’indépendance de l’arbitre.

Comme nous l’avions mentionné dans notre article de novembre, les IBA Guidelines ne sont pas appliquées de manière systématique. Les juridictions nationales et les centres d’arbitrage sont réticents à en faire une application directe et leur accordent seulement un caractère de guide d’interprétation, d’application facultative. En tout état de cause, il s’agit pour l’instant de la seule source règlementaire complète et cohérente.

L’analyse des décisions récentes relatives à la nomination récurrente d’un arbitre permet de mieux appréhender la matière.

III. L’étude des précédents arbitraux enseigne la prudence

Quelques affaires ont retenu notre attention :

- L’affaire LCIA No.81160 (28 Août 2009) concernait un arbitrage se déroulant à Londres ayant pour objet un litige d'assurance. Dans cette espèce, l’arbitre objet d’une demande de récusation avait été nommé à plusieurs reprises par le conseil de la partie défenderesse. Néanmoins, la Division de la LCIA en charge de trancher la question a considéré que la nomination récurrente d’un arbitre ne constituait pas, per se, un élément justifiant des doutes sur son impartialité et indépendance. La Division a écarté l’application des dispositions des IBA Guidelines relatives au nombre de nominations et s’est concentrée sur la dépendance économique et l’importance pécuniaire de la relation professionnelle entre l’arbitre et le conseil.

- Trois affaires devant le CIRDI (Tidewater Inc., et al. v. The Bolivarian Republic of Venezuela (“Tidewater”), Universal Compression International Holdings, S.L.U. v. The Bolivarian Republic of Venezuela (“Universal Compression”) and OPIC Karimum, précité) ont aussi traité la question de la nomination récurrente. Dans les deux premières affaires le Professeur Brigitte Stern, internationalement reconnue pour son expérience et expertise en arbitrage international, a fait l’objet d’une demande infructueuse de récusation. La troisième demande de récusation était dirigée contre le Professeur Philippe Sands et a été, elle aussi, rejetée. Dans le premier cas, l’arbitre avait été nommé plusieurs fois à l’initiative du Venezuela et de son conseil. Dans le deuxième cas, l’arbitre était intervenu dans plusieurs affaires sur proposition du Gouvernement de Bolivie et le fondement principal pour demander sa récusation portait sur les connections économiques et idéologiques entre la Bolivie et le Venezuela.

Dans ces affaires, le CIRDI a rejeté toutes les demandes de récusation. Néanmoins, les fondements qui ont conduit à ce même résultat reflètent des opinions divergentes en relation avec l’importance à accorder au nombre de nominations de l’arbitre. Dans l’affaire Tidewater il a été considéré que « la nomination récurrente d’un arbitre par la même partie dans des affaires sans aucun rapport les unes avec les autres était neutre », ce qui semblerait s’éloigner des directives posées par les IBA Guidelines. Au contraire, dans l’affaire OPIC Karium, la décision prenait en compte cet aspect et affirmait que « la nomination récurrente devait être soigneusement prise en considération dans le contexte de la demande de récusation ». Dans les trois cas il a été recherché si une relation de dépendance économique pouvait être établie, ce qui n’a pas pu être établi dans aucune des affaires. En définitive, d’après la décision Universal Compression, « le fait qu’un arbitre s’est prononcé d’une manière dans un cas n’empêche pas que l’arbitre se prononce de manière impartiale dans un autre cas. ».

IV. La portée de ces décisions

La nomination récurrente d’un arbitre par une partie ou son conseil est au cœur du débat actuel. En effet, il est important d’établir un juste équilibre entre la garantie d’indépendance et impartialité recherchée par les parties qui décident de soumettre leur différend à une procédure d’arbitrage et le fait que le nombre d’arbitres ayant l’expertise et l’expérience suffisante pour traiter la question soumise à l’arbitrage est réduit, parfois même limité à quelques individus. A cet égard, les IBA Guidelines précisent que dans certains domaines spécialisés, comme l’arbitrage maritime ou l’arbitrage d’investissement, la suspicion née du nombre de nominations doit être appréciée de manière moins stricte.

Cependant, au vu des récentes décisions portant sur des récusations d’arbitres au motif qu’ils avaient été nommés de manière récurrente par la même partie ou conseil, les IBA Guidelines ne semblent pas trouver un grand succès dans leur application. En effet, la tendance, même si en arbitrage chaque affaire est unique et que l’analyse doit être faite au cas par cas, est d’accorder plus d’importance à la dépendance économique entre l’arbitre et la partie ou son conseil, qu’au nombre de nominations dont il a été l’objet.

Cette solution objective a le mérite de pouvoir être appliquée de manière uniforme et s’appuyer sur une preuve concrète.
Cependant, il lui est reproché de ne pas tenir compte d’éléments subjectifs afférant à la personnalité et aux opinions de l’arbitre, un être humain sensible et parfois faible, ayant des préjugés. Un arbitre pourrait, au cours des procédures arbitrales dans lesquelles il intervient de manière récurrente, changer d’opinion et mettre son impartialité à rude épreuve. A ce jour les centres d’arbitrage ne semblent pas être sensibles à cet argument, mais les débats tels que celui de San Francisco feront évoluer les choses… A suivre.

La Revue est une publication Squire Sanders | Avocats Paris
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Mardi 10 Avril 2012



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