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Mimétisme et économie…

Les anthropologues et autres sociologues savent - et souvent depuis longtemps (Aristote l’avait déjà observé !) - que le mimétisme est à la base des comportements animaux et plus particulièrement des comportements humains…


Rémi Guillet
Rémi Guillet
Ainsi le mimétisme est l’un des fondements de nos envies (1), envies de posséder ce qu’un autre possède… et qui peut même être « idolâtré » par ce biais. A moins que le processus soit inverse avec une idolâtrie qui induit le mimétisme ! L’élève copie son maître en toute circonstance, en « bien » comme en « mal »… Des dérives peuvent alors naître d’envies et désirs issus d’un mimétisme mal contrôlé comme aujourd’hui chez les plus jeunes avec la pratique du chantage et autres rackets.

Plus ou moins consciemment, les économistes ont su profiter de cet atavisme humain pour l’utiliser comme axiome de départ à des théories productivistes débouchant sur la manufacture à grande échelle d’une « offre » pouvant être produite indéfiniment (et d’autant plus rentable !).

Pour plus d’efficacité, aller plus loin au service de ce type de « modèle économique », les publicitaires ont alors compris qu’ils avaient un rôle à jouer… s’appuyant sur la capacité des images à focaliser, faire converger plus efficacement les aspirations de consommateurs (par ailleurs toujours convaincus de liberté de choisir !) vers des produits, des « marques » uniques… passer de la méga à la giga manufacture… et ainsi faire de la Chine le premier « atelier du monde » au service de consommateurs victimes (plutôt) consentantes.

Des stars du cinéma, des sportifs de haut niveau, ont alors vu leur popularité se construire autant à partir de leur capacité à faire converger les goûts consuméristes que par leur performance dans la pratique de leur art !

Ainsi le monde moderne s’est développé… pour le plus grand « profit » de quelques heureux élus…


Voici une présentation sans doute inattendue de l’origine et de l’évolution de notre « société de consommation » aux performances boostées par la permissivité d’un libre échange mondial, global, au service d’un capitalisme débridé et d’autant plus remarquables que des avancées technologiques majeures reposant notamment sur la manne énergétique fossile, le développement de moyens de transports très efficaces, le développement de l’outil informatique partout et pour tout - notamment de la robotique - et puis plus récemment de la communication électronique… ont accompagné cette évolution… pour en venir à une situation paroxysmique !


Aujourd’hui, la croissance est devenue nécessaire à la survie dudit modèle économique. Elle est recherchée à « tout prix », car indispensable à un paradigme qui, désormais, ne « tient » debout qu’avec le soutien du crédit (donc l’endettement à des niveaux toujours plus élevés, jusqu’à mettre en cause la responsabilité de ceux qui s’y engagent, à titre individuel comme au nom de la collectivité, acceptant d’hypothéquer toujours plus lourdement leur avenir et celui de leurs concitoyens...

De plus, cette croissance (tant souhaitée !) suppose que des ressources naturelles soient toujours disponibles, sans limitation, alors qu’il y a bien longtemps que nous savons que l’aire de jeu et les stocks de « munitions » indispensables à notre business sont des entités finies !

Pour des raisons techniques la concentration de la production à laquelle nous sommes arrivés induit des gaspillages spécifiques en tous genres de patrimoine naturel… pour la fabrication et le transport de produits et autres denrées souvent invendus, inutilisés… qui grossissent un peu plus l’impact de notre activité sur l’environnement.

Ainsi le hiatus à (court ? moyen ? long ?) terme est devenu une évidence. Plus trivialement dit : « On est certain d’aller dans le mur ! ».

Il faut aussi rappeler les conséquences sociales de ce modèle « mondialisé » dans un contexte exempt de régulation, mesurées à l’aune de l’injustice, de l’iniquité entre pays, entre citoyens d’un même pays.


Aujourd’hui la technologie a pris massivement le relais du travail humain dans les sociétés les plus avancées (au moins dans ses tâches les plus répétitives). La compétition internationale ne les oblige - t - elle pas à toujours augmenter la productivité du travail ?... N’offrant plus aucune vraie perspective d’emplois pour tous et donc de résorption du chômage de masse existant désormais partout !

Malgré cela on continue à tout attendre - sans douter de la valeur de l’argument proféré - de la capacité de la croissance à produire de l’emploi et rétablir des équilibres (enfin reconnus comme essentiels). Rappelons par exemple qu’il suffit que ladite croissance soit inférieure à celle de la productivité du travail pour rendre caduque ce qui nous est constamment asséné !

Hasard, nécessité ? Le monde pouvait-il devenir autre ?

S’il n’a pas su convaincre, car trop peu productif, on ne peut passer sous silence l’expérience d’un modèle socialiste qui n’a pas su laisser assez de place à la liberté individuelle, à la liberté d’entreprise… du moins dans sa version XXième siècle…

Mais aujourd’hui il est plus pertinent de s’attarder sur une autre expérience du socialisme qui, cette fois-ci, pratique le mimétisme vis-à-vis des défis de l’économie capitaliste occidentale.

Revenons donc sur le cas chinois qui est alors remarquable. Toujours officiellement socialiste, ce pays affiche une croissance atteignant souvent les deux chiffres depuis maintenant 15 ans (taux de croissance cumulé entre 1990 et 2006 de 330% pour la Chine contre 35% pour la France sur la même période)… Et ce n’est (probablement) pas fini !

Quand le socialisme décide de se mettre au service du capitalisme… on ne tergiverse pas ! Ainsi le nouveau port de Shanghai (un Shanghai ne figurant pas dans la liste des 25 plus grands ports maritimes à la fin du XXième siècle) est devenu depuis 2005, et après à peine cinq ans de construction, le premier port du monde en terme de trafic…
Aujourd’hui équivalent à 25 fois le port du Havre et plus de trois fois Rotterdam, premier port européen… inondant la planète de tout de ce produit la Chine, c’est-à-dire pratiquement tous les produits manufacturés… Et l’ogre - pardon le Dragon - n’est pas repu si on sait les projets d’extension du premier port du monde et la vitesse d’exécution des travaux de génie civil dans un pays qui ne connaît pas « la pause » !



Nous attendrons davantage pour appréhender jusqu’à quel point la Chine saura judicieusement placer le curseur entre un socialisme stérile et un capitalisme débridé, prouver qu’elle est capable d’éviter les excès des pratiques économiques occidentales, trouver une voie pour un développement équilibré, harmonieux, durable à tout point de vue. (Des « frémissements » indiqueraient que les salariés de ce pays pourraient contribuer à trouver ce subtil équilibre !).

Mais dans le même temps, le cas chinois (avec d’autres comparables du point de vue démographique, croissance économique, comme celui de l’Inde, du Brésil… en attendant que d’autres se manifestent : le Mexique, l’Indonésie, l’Afrique…) nous interpelle quant au devenir d’une Europe bien hésitante, tâtonnante… pour ne pas dire en panne…avec des Etats endettés au point de menacer leur monnaie commune et l’ensemble de leur projet commun… Une Europe pourtant condamnée à affronter tous ces géants venus d’ailleurs !

Ainsi, c’est donc le monde dans son ensemble qui, par mimétisme, répondant d’instinct à un même défi économique, s’obstine à aller, au galop, dans le « mur » !


Nous n’insisterons pas ici sur ce qu’en lieu et place d’une compétition mondiale au caractère animalier, un objectif de meilleur partage de la croissance, du travail, des richesses produites… pourrait induire de changement profond sur le devenir de l’humanité (2), ni non plus sur des expériences malheureuses comme celle faite en France et dans ce sens (du partage) avec les « 35 heures » au début des années 2000, mais évoquerons une piste davantage psychologique comme préparation à un changement généralement considéré comme inéluctable… vers d’autres perspectives socio-économiques - espérons - le - plus enclines à l’équité, la durabilité…

A titre anecdotique, l’actualité française nous amène à évoquer ici le côté surréaliste du débat national en cours à propos des retraites et qui semble ignorer notre incapacité à partager ce qu’il reste de travail, à résorber le chômage des jeunes, celui des seniors… pour ne plus porter que sur l’aspect idéologique à accepter ou à refuser le recul au delà de 60 ans de l’âge du « retrait » ! Alors que l’avenir se chargera forcément de régler cet aspect du problème…

Si le mimétisme qui est à la base du modèle économique et unanimement envié, mène à une impasse, alors que reste-t-il comme perspectives ? Sur quel levier agir pour préparer un futur viable ?

De notre analyse il devient évident qu’une piste passe par une réflexion approfondie sur le vrai rôle du mimétisme dans « l’affaire » et sur notre capacité à s’en écarter…

Il s’agit donc d’analyser l’importance relative sur nos comportements consuméristes de l’inné versus l’acquis… Bien sûr, nous n’aborderons pas ici cette analyse, mais indiquerons comme une évidence qu’une communication qui avilit le mimétisme, qui vante la diversité comme support de notre désir d’exister, avec nos différences (aspiration existentielle de chacun) en lieu et place de l’envie de reproduire indéfiniment l’image d’une star, d’une idole, offre des perspectives de rupture avec nos pratiques comportementales en tant que consommateurs… et ainsi offre des chances de retouches profondes à l’organisation actuelle des production et distribution marchandes.

Redéployer l’activité artisanale

Simultanément avec le sauvetage de la biodiversité, nous devons donc « travailler » collectivement (car nous sommes tous conscients du nécessaire ré - équilibrage sociétal) à une évolution de nos choix consuméristes, soutenir la « diversité » comme nécessaire à la satisfaction d’envies existentielles et ainsi favoriser un retour vers une activité économique plus « humaine », moins productiviste et plus porteuse d’espoir pour tous.

Alors le retour vers plus d’artisanat, plus de production régionale et locale, nous apparaît comme une voie « naturelle » nous ramenant à ces équilibres sociaux et sociétaux aujourd’hui détruits, nous apparaît comme un chemin menant à un équilibre plus pertinent entre la capacité de production et la capacité de consommation, menant à moins de gaspillage, offrant également des perspectives vers plus d’équité dans l’accès au travail, vers une meilleure répartition de ce que nous produisons de « valeurs ajoutées » (3)…

Une production plus proche des consommateurs, c’est aussi des transports réduits, moins coûteux en énergie… Ce peut être moins d’intermédiaires pénalisant souvent inutilement et excessivement les prix finaux. C’est une façon d’envisager de remplacer quantité par qualité… et d’offrir l’originalité revendiquée ici au nom de tous et en respect du caractère unique de chacun.

Il ne s’agit plus de soutenir l’artisanat comme un folklore, une activité marginale, mais une modalité de production réinventée, revisitée, avec l’espoir qu’il soit une vraie contribution au retour à des équilibres vitaux au plan social !
Toutefois, il ne s’agit pas non plus de renoncer à tout ce qui a été inventé pour permettre un large accès à des technologies, à un confort qui améliorent indéniablement les conditions de vie du plus grand nombre, mais de trouver le « juste milieu », d’éviter les excès à la faveur d’un productivisme ignorant les retombées sociales de ses choix. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre pénurie et pléthore de production. Il s’agit d’aborder globalement la question de l’équité et du partage…
Concrètement, il s’agit d’éviter que des classes moyennes relativement aisées continuent avec leur tendance actuelle à se tourner de plus en plus vers le « discount ». Il s’agit de rompre avec une croissance reposant sur la course aux coûts et aux prix, toujours plus bas : une tendance collectivement suicidaire !
Si on oublie la problématique du « partage » des richesses, la France et d’autres pays occidentaux ont connu ce moment de « juste balance » au début des années 70…
Un temps qu’il eût fallu « arrêter » !


Vers plus de « sagesse » …

Plutôt qu’envier massivement l’objet porté par la publicité, incarné par telle ou telle star, objet venu de giga ateliers travaillant pour la planète et donc d’abord caractérisé par la démesure de sa « diffusion », aller vers l’objet rare qui reflète un travail à l’échelle « humaine », aller vers une approche de l’économie qui valorise à la fois réalisateur et acquéreur, producteur et consommateur.

Plutôt que souscrire au toujours plus de consommation « irresponsable », oubliant les conditions de fabrication, accepter de payer ce que l’objet représente de savoir faire, d’heures passées, d’abnégation, voire de souffrance. Respecter l’objet pour ce qu’il représente pour soi-même… pour ce qu’il représente de patrimoine naturel utilisé. Penser à l’objet non plus comme un produit jetable, ni même recyclable, mais comme un élément destiné à devenir un prolongement de soi, être le reflet (pourquoi pas « durable » !) de la personnalité de chacun. Autant de critères pour une « sage » pratique de l’économie !

Alors, si on adhère à cette « vision » de l’objet, de sa manufacture, de sa « consommation » - vision qui n’a rien de rétrograde mais plutôt nous rapproche davantage des sentiments et émotions que sont sensées produire les œuvres d’art - alors tout (re) devient possible !

Et, s’appuyant sur ce nouveau regard, la sagesse nous menant vers des changements d’échelle, avec un retour vers une approche plus humaniste de l’activité économique, offrira alors aux « politiques » d’autres perspectives pour résoudre les problèmes sociaux, sociétaux « insurmontables » auxquels ils sont aujourd’hui confrontés.


Certes rien n’est gagné, car cette « sagesse » risque d’être longtemps attendue des autres… Admettant ses vertus, sa pratique suppose un autre éveil à la vie, un véritable « réveil » des goûts et de la sensibilité de chacun, un autre « acquis » depuis la tendre enfance et l’école maternelle jusqu’à l’université… et plus tard encore… pour contrarier les forces instinctives qui ont forgé et entretiennent le modèle économique que avons imaginé et subissons !

Mais le changement comportemental passe aussi par plus de rapprochement, plus de formation au plus haut niveau, plus de travaux de fond à l’intersection des sciences économiques et des sciences sociales (aujourd’hui deux disciplines universitaires trop éloignées l’une de l’autre)…

Il passe aussi par un environnement publicitaire allant dans le même sens, appuyant nos « désirs de changement d’envies », donc par une communication davantage portée par la collectivité, donc par les pouvoirs publics, pour contrer l’avilissement des campagnes publicitaires (privées) traditionnelles…

Au final, une volonté politique - qu’on ne sent pas forcément « poindre » - est donc essentielle pour favoriser le profond changement d’attitude nécessaire à la préparation d’un nouveau paradigme économique… Alors et compte tenu de leur mission devenue aujourd’hui impossible à réussir, les « politiques » seront les premiers « bénéficiaires » de leur « investissement éthique ».


En attendant, ce message ne doit pas être reçue comme un « impossible rêve » (4 ), mais montrer à quel point le « changement » espéré par certains (la plupart d’entre-nous !), rejeté par d’autres, mais au bout du compte inéluctable, devra toucher au plus profond de nos racines, de nos comportements, pour répondre aux défis d’aujourd’hui.


(1) Cf. les travaux de René Girard sur le désir mimétique…
(2) Voir l’article « Plaidoyer pour une autre croissance » par R. Guillet (sur ce site)
(3) Voir Livre « Pour plus de solidarité entre le capital et le travail… » par Rémi Guillet (paru chez l’Harmattan : versions 2004 et 2009, ainsi que les articles associés du même auteur, dont certains parus également sur ce site)
(4) Cf. « La quête » de J. Brel dans « L’homme de la Manche »

Rémi Guillet, expert-partenaire CFO-news
guilletremi@yahoo.fr

Dimanche 20 Juin 2010




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