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Mario Draghi et les OMT ; un costume de prêteur ultime bien mal taillé (suite)

« Whatever it takes ». Ces trois petits mots, prononcés par Mario Draghi il y a environ un an, conjugués à la création du dispositif OMT, ont participé jusqu’alors à restaurer progressivement le calme dans la zone Euro. Pourtant, depuis quelques semaines, les marchés connaissent de nouvelles turbulences comme en atteste la remontée récente des taux des obligations souveraines. C'est dans ce contexte que le président de la BCE tenait hier sa conférence de presse mensuelle.


Anthony Benhamou
Anthony Benhamou
Whatever it takes bis ?
Ces dernières semaines, les marchés obligataires européens connaissent des regains de tension. En cause, notamment, le changement de ton des banquiers centraux ; outre Atlantique en effet, Ben Bernanke, président de la FED, a clairement indiqué lors de sa conférence de presse du 19 juin, l’arrêt des mesures ultra accommandantes en 2014. Draghi a également déçu lors de son allocution du 6 juin, où il a maintenu le statu quo sur les taux directeurs, quand le marché attendait un geste.
A l’heure où les taux des emprunts d’Etat à 10 ans atteignent leur plus haut niveau de l’année, le président de la BCE se devait donc de réagir lors de son allocution mensuelle qui se tenait hier à Francfort. Bien que les taux directeurs demeurent inchangés, force est de constater que Draghi s’est transformé en « Super Mario ». Il a ainsi affirmé que le conseil des gouverneurs avait décidé, à l’unanimité, que « la politique monétaire resterait accommodante aussi longtemps que nécessaire » et que la BCE laisserait ses taux à « leur niveau actuel ou plus bas, pour une période prolongée ». Des signaux positifs envoyés aux marchés qui prennent l’allure d’un whatever it takes… bis.

Néanmoins, au regard de la situation économique et sociale de certains pays, ces déclarations pourraient s’avérer insuffisantes. C'est précisément pour cette raison que Draghi a souhaité informer les marchés que la BCE était fin prête à lancer le programme OMT, si un Etat en faisait la demande. Le Portugal pourrait bien, justement, être le premier pays à lever l’option. La crise politique qui sévit dans le pays depuis 2011, et qui s’est accrue ces derniers jours, devrait en effet annihiler tout espoir de reprise économique à court terme, malgré les douloureux efforts qui ont été effectués. Et si Draghi est prêt à endosser son costume de prêteur ultime, la question des modalités de mise en application des OMT reste en suspens. Un pays sous perfusion OMT devra-t-il en effet poursuivre les mesures déjà entamées ou bien les renforcer ?

Le dilemme du prisonnier… européen
Un éclairage intéressant, quant aux conséquences de la mise en place des OMT, peut être apporté par la théorie des jeux. Il s’agit plus précisément d’un dilemme du prisonnier, ultra simplifié, avec deux joueurs ; la BCE et le pays qui aurait levé l’option OMT. Chaque joueur aurait le choix entre deux stratégies ; le respect ou non de la règle. Le respect de la règle pour la BCE consiste à financer la dette du pays. Le respect de la règle du pays consiste, pour sa part, à mettre en oeuvre les recommandations de politiques économiques de la BCE.

Deux équilibres peuvent ainsi être mis en évidence. Tout d’abord, les deux joueurs peuvent adopter une stratégie coopérative ; la dette du pays se trouve ainsi financée en contrepartie de réformes douloureuses, et le pays effectue, à terme, un retour gagnant sur les marchés. Dans le second équilibre, le pays pourrait décider de dévier unilatéralement alors que la BCE respecterait la règle ; cette situation est plus que probable au regard de la pression des peuples européens.

A la lumière du dilemme du prisonnier, la mise en place du dispositif OMT fait ainsi surgir deux questions fondamentales. La première a trait au comportement du pays qui, face aux tensions sociales, pourrait adopter une stratégie non coopérative. Un tel comportement devrait, en théorie, engendrer un arrêt du financement de sa dette par la BCE. Ce qui amène à s’interroger sur le pragmatisme de la BCE ; celle-ci osera-t-elle véritablement cesser son programme de rachat de dette au risque de provoquer une grave crise systémique ? Et Draghi aura-t-il le courage d’être responsable d’un séisme dont l’onde de choc serait, au moins, comparable à celle de la chute de Lehman Brothers ? Tout repose, en réalité, sur la personne même du banquier central qui, de par sa crédibilité, ne devrait pas arriver à de tels extrêmes. Cependant, quand s’ajoute au problème de liquidité des Etats celui de la solvabilité, le costume de prêteur ultime peut alors s’avérer bien mal taillé…

Achevé de rédiger le 05 juillet 2013,


Anthony Benhamou

Anthony Benhamou est un économiste diplômé de l’université de Paris Dauphine. Il a notamment exercé pendant 3 années en tant que consultant auprès de grandes entreprises internationales. Maître de conférences à Sciences-Po Paris et tuteur enseignant à l’université de Paris Dauphine, il rédige par ailleurs avec Marc Touati de nombreuses chroniques économiques et financières pour le cabinet ACDEFI.

Vendredi 5 Juillet 2013




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